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VI. Si, après les serments prêtés d'acquitter une composition légale, celui qui y était condamné manquait à sa foi, c'était encore aux ministres de la puissance publique à assurer l'accomplissement de la loi, en enlevant eux-mêmes, sur les biens du condamné, le prix de la composition fixée par le jugement, pour le remettre à celui à qui il avait été adjugé.

VII. Enfin, les lois ayant ouvert aux citoyens des voies d'appel des tribunaux inférieurs, la force publique fut chargée de détenir les condamnés en première instance, pendant les délais qui leur étaient accordés pour se déterminer à accepter le jugement ou à déclarer leur appel, et elle devait les faire comparaître, sous sûre garde, au tribunal souverain.

CHAPITRE XXV.

De l'usage des contraintes pour obliger à la pénitence publique.

On a vu que les lois de la seconde race, par un abus véritable de la puissance temporelle, approuvé cependant par les évêques eux-mêmes, avaient mis la pénitence publique au rang des peines coercitives, imposant cette peine à tous ceux des condamnés qui n'étaient pas punis capitalement ; ce fut encore là un nouveau sujet qui exigea des contraintes personnelles. Il était hors de la puissance des ministres de la religion de donner la pénitence à ceux qui la refusaient : il s'ensuivit de l'abus qui avait classé la pénitence publique parmi les peines civiles la nécessité de contraindre, par la force publique, les condamnés à l'accepter, c'est-à-dire, à la demander euxmêmes aux évêques.

Dans cette vue, il fut établi que tous les coupables condamnés qui refuseraient de demander la pénitence publique seraient détenus en prison, jusqu'à ce qu'ils la demandassent; que leurs biens seraient mis au ban, l'on n'avait pu saisir et emprisonner leurs personnes, et

si

que ces contumax seraient même forbannis, s'ils persistaient à refuser de demander la pénitence.

CHAPITRE XXVI.

Conclusion.

La législation civile et criminelle dont on vient de tracer le tableau est un monument qui dépose, plus formellement qu'aucun autre, de l'esprit qui présida à l'établissement de la constitution politique de la monarchie française.

Quelle autre cause que le concours du peuple à la législation eût empreint toutes les lois des préjugés populaires, même les plus absurdes?

Quelle autre cause que le mépris des Francs pour les coutumes des vaincus les eût éloignés de l'idée de chercher des modèles de pratiques judiciaires dans celles des tribunaux de l'empire romain qu'ils avaient sous les yeux?

Enfin, quelle autre cause que la prépondérance des Francs sur les Gaulois eût pu ôter à ceux-ci, sur les points les plus importants, les pratiques du droit romain, pour les soumettre à des pratiques extravagantes, et surtout à ces lois générales qui substituaient pour l'universalité des citoyens, sans distinction de Romains et de Barbares, les épreuves du feu ou du combat à des jugements contradictoires? Ici les effets et les causes se prouvent tour à tour.

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I. La preuve que les principes que l'on a développés concernant l'infaillibilité et l'irrévocabilité des dogmes et de la morale furent enseignés par les pères de l'église, et que ces principes sont expressément avoués et conservés par la tradition de l'église gallicane, résulte :

D'un passage de l'exposition de la doctrine catholique de

Cu. II.-I. Étant liés inséparablement, comme nous le sommes, à la sainte autorité de l'église, par le moyen des écritures que nous recevons de sa main, nous apprenons aussi d'elle la tradition, et par le moyen de la tradition, le sens véritable des écritures. C'est pourquoi l'église professe qu'elle ne dit rien d'elle-même, et qu'elle n'invente rien de nouveau dans la doctrine; elle ne fait que sui

vre et déclarer la révélation divine par la direction antérieure du SaintEsprit.... L'église catholique, loin de vouloir se rendre maîtresse de sa foi... a fail, au contraire, tout ce qu'elle a pu pour se lier elle-même et pour s'ôter tous les moyens d'innover, puisque non-seulement elle se soumet à l'Ecriture sainte, mais que, pour bannir à jamais les interpréta-. tions arbitraires qui font passer les

Bossuet; l'autorité de cet ouvrage, approuvé à la fois du saint siége et du clergé de France, suffit pour justifier les principes posés ici d'après lui.

II. La preuve que les principes développés ici sur l'infaillibilité, la perpétuité et la souveraineté de la discipline générale sont reçus par l'église comme un des articles de la foi, résulte :

Du rapport fait à l'assemblée générale du clergé de France par l'évêque de Tournai; ce que ce prélat prononça seul, ayant été reçu sans contradiction par le clergé de France à qui il parla, peut être présenté comme la voix de ce clergé.

III. La preuve que l'église gallicane reçoit les principes développés ici sur la faillibilité des règles de discipline qui sont l'ouvrage des conciles particuliers ou celui même du pape, et qui n'émanent pas du consentement commun de l'église universelle, résulte :

De la défense de la déclaration du clergé de France, par

pensées des hommes pour l'Écriture, elle s'est obligée de l'entendre, en ce qui regarde la foi et les mœurs, suivant le sens des saints pères, dont elle professe de ne se départir jamais; déclarant par tous ses conciles et par toutes ses professions de foi qu'elle a publiées, qu'elle ne reçoit aucun dogme qui ne soit conforme à la tradition de tous les siècles précédents. (Extr. du livre de l'exposition de la doctrine catholique, par Bossuet, p. 187.)

II. L'infaillibilité doit s'étendre non-seulement aux mystères et aux vérités spéculatives, mais encore aux règles communes du gouvernement des fidèles; de sorte qu'il soit infailliblement vrai que la morale et la discipline générale établies par l'esprit que Jésus-Christ a laissé pour la conduite des chrétiens, sont infailliblement saintes, et nous font... marcher dans les voies du salut; quoiqu'il soit vrai, en même temps, que les règles de morale fondées sur la loi naturelle et sur la loi divine, étant invariables, celles de pure discipline peuvent changer selon les différentes occasions, mais sont toujours infailliblement bonnes dans leur changement, quand il se fait par le même esprit dont Jésus-Christ nous a promis l'assistance

jusqu'à la fin des siècles. (Extr. du rapport fait par l'évêque de Tournai à l'assemblée du clergé. Défense de la déclaration du clergé de France, t. I, p. 45.)

III. 10. Jésus-Christ n'a promis qu'à l'église universelle, et non aux autres églises particulières, l'assistance certaine et infaillible du SaintEsprit; et l'on ne peut dire d'une église particulière, comme on le dit de l'église universelle, que son consentement est le témoignage même du Saint-Esprit, son maître et son docteur.

Voici comment (saint Augustin ) s'exprime au sujet de la cause de Cécilien, examinée d'abord et jugée par le pape Melchiade, au désavantage des donatistes; supposons, si l'on veut, que les évêques qui jugèrent cette cause à Rome, ont été de mauvais juges, il restait encore à porter l'affaire au concile plénier de l'église universelle, où elle aurait été discutée avec les juges mêmes, et leur sentence cassée, s'ils eussent été convaincus d'avoir mal jugé.

Ce n'est là, direz-vous, qu'une question de fait... mais ce fait, sur lequel roulait toute l'affaire des donatistes, prouve évidemment, qu'outre

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