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I. Cette erreur se réfute par la simple discussion du texte. C'est après avoir établi que chaque évêque « doit être élu << par le clergé et le peuple, doit être ordonné par les évêques « de la province, d'après l'ordre du prince, » que la loi ajoute: «< si on élit quelqu'un du palais, qu'il soit ordonné en «< conséquence de son mérite personnel et de son instruction. »> Ce texte signifie que les officiers du palais pouvaient être élevés par l'élection au rang d'évêques comme les autres citoyens, mais n'exprime ni ne permet de sous-entendre rien de plus.

II. La preuve formelle que les évêques pris parmi les officiers du palais étaient sujets aux mêmes règles, dans l'élection, que les autres évêques, résulte des exemples de saint Bohaire et de plusieurs autres officiers du palais qui parvinrent à l'épiscopat sous le règne de Clotaire même, sous celui de son fils et sous celui de son petit-fils, par l'élection et la désignation du peuple et du clergé; ce qui n'eût pas été ainsi si une loi récente avait réservé ce droit au prince seul.

DISCUSSION de quelques textes particuliers qui tombent en contradiction avec les autorités qui ont établi les droits du peuple et du clergé à l'élection de leurs évêques.

Sous les règnes de Louis-le-Pieux et de Charles-le-Chauve, les agents de l'autorité royale tentèrent dans deux circonstances. d'intervertir le droit du peuple à l'élection des évêques, pour le concentrer dans la main du roi.

I. Ces prétentions nouvelles sont annoncées dans un discours des envoyés de Louis-le-Pieux au clergé et au peuple d'un diocèse rassemblés pour l'élection d'un évêque, et Baluze

I. Ut canonum statuta in omnibus conserventur; et quod per tempora ex hoc prætermissum est, vel dehinc, perpetualiter observetur. Ita ut episcopo decedente in loco ipsius qui a metropolitano ordinari debet cum provincialibus a clero et populo eligatur, et si persona condigna fuerit per ordinem principis ordinetur: vel certe si de palatio eligitur, per meritum personæ et doctrinæ ordinetur. (Extr. de l'édit de Clotaire II, de Tan 615. Sirmond, t. I, p. 474.)

II. Voyez le récit de l'élection de saint Bohaire, archichapelain du pa

lais, et de saint Didier, trésorier du roi Dagobert, au chap. XIV de ce livre, art. IV.

Voyez le récit de l'élection de Vuillebert, prêtre du palais de Charlesle-Chauve, au chap. XVII de ce livre, n° 3.

I. Si... aliquis per ... præmium aut per aliquam malitiosam artem hanc sedem subripere conaverit, et hoc vobis... consentientibus ut in illum electio veniat, hoc nequaquam consentiemus vobis, sed... imperatori adnuntiemus, et ille cum licentia canonum ... cuicumque clerico voluc~

a placé ce discours parmi ses formules; ce qui le rendrait plus susceptible de faire illusion à ceux qui s'arrêteraient à ce seul

texte.

Dans ce discours, les agents de l'autorité disent au clergé et au peuple que s'ils s'accordent à faire une mauvaise élection, << l'empereur, avec la permission des canons, pourra donner le siége à celui des clercs qu'il voudra, et qu'on leur enlè<«< vera à juste titre le pouvoir d'élire, parce qu'ils auront

« offensé Dieu. >>

II. Une lettre des envoyés de Charles-le-Chauve pose en fait que Pépin reçut la permission du pape d'établir des évêques à la place de ceux qui viendraient à manquer; cette assertion hardie n'est appuyée par aucun monument du temps; elle est démentie par la notoriété historique.

Le discours des envoyés de Louis-le-Pieux et la lettre des envoyés de Charles-le-Chauve s'assimilent entre eux dans le sens le plus légitimement suspect : ils émanent des agents ou partisans de l'autorité royale; ils révèlent leurs prétentions, qui trop souvent sont différentes des droits réels; ces textes perdent enfin toute leur autorité dès qu'ils sont rapprochés des lois et des exemples qui établirent et constatèrent les principes opposés; et l'on n'est obligé de les combattre directement que parce qu'ils ont égaré quelques auteurs modernes, en leur persuadant que le droit d'élire du clergé et du peuple à l'égard de leurs évêques n'était qu'une vaine formalité, et que le prince pouvait toujours suppléer l'élection par la nomination royale.

rit, dare potuerit. Et tunc merito auferetur a vobis potestas eligendi, quia Deo offendistis. (Extr, d'un dis cours des envoyés de l'empereur Louis au clergé et aux peuple assemblés pour l'élection d'un évéque; formules anciennes des promotions episcopales, formule 6. Baluze, t. II, p. 603 et 604.)

II. Vestræ prudentiæ dominus... nobis jussit suggerere, non esse novicium quod ex palatio honorabilioribus ma

xime ecclesiis procurat antistites. Nam Pippinus, a quo... ducit rex noster originem, exposita necessitate hujus regni Zachariæ... papæ in synodo, cui Bonifacius interfuit, ejus accepit consensum, ut... industria sibi probatissimorum decedentibus episcopis mederetur. (Extr. d'une lettre de Génillon et de Gérard, envoyés de Charles-le-Chauve, parmi les lettres de Loup de Ferrières, de l'an 844, D. Bouquet, t. VII, p. 486.)

Réfutation des arguments que l'on a tirés et que l'on pourrait tirer des contradictions apparentes que nous venons de développer.

Nous avons montré dans le plus ancien droit canonique de l'église universelle, le droit du peuple et du clergé d'élire · librement les évêques : nous avons montré ce droit spécialement adopté par l'église gallicane, et maintenu dans son intégrité, jusqu'au dixième siècle, par l'autorité de plusieurs conciles.

Nous avons montré ce même droit spécialement avoué, maintenu, protégé, exercé par les lois et par les actes de la puissance législative, par la loi de Clotaire II, sous la première race, par les capitulaires de Charlemagne et Louis-le-Pieux, sous la seconde.

Nous avons encore montré par une chaîne de faits historiques et par le témoignage des contemporains les plus irréprochables, le maintien et l'exercice du droit d'élection du peuple et du clergé à l'égard de leurs évêques.

Nous venons enfin de prouver le désaveu que firent les deux puissances des violations de ce droit; ce qui ajoute une grande force aux autres preuves de la préexistence et de l'empire de ce même droit.

Voilà assez de lumières sur l'ordre des puissances qui formaient en France l'élection des évêques, depuis le cinquième jusqu'au dixième siècle, pour détruire l'assertion hasardée d'une révolution dans cet ordre, qui, entre le cinquième et le dixième siècle, eût dessaisi le peuple et le clergé du droit d'élire pour en saisir le pape, ou qui du moins eût déféré au pape le pouvoir de transmettre aux rois francs, dans la personne de Pépin, le droit qu'avaient possédé le clergé et le peuple.

Preuves qui démentent formellement les textes que nous réfutons,
et leurs conséquences possibles.

Pour ne rien omettre de ce qui peut compléter la preuve sur un aussi important article que celui dont il s'agit ici, il faut montrer encore l'empire positif que conservèrent les principes qui avaient consacré en France le droit d'élection, aux

époques mêmes où on l'a supposé interverti; nous citerons dans cette vue :

1o. Les lettres des papes Nicolas Ier et Jean X au milieu du neuvième siècle et au commencement du dixième; ils mettent en fait que l'élection du clergé et du peuple doit toujours concourir en France à la nomination des évêques ;

2°. Le refus que firent à la fin du neuvième siècle les évêques de France de déférer à la lettre du pape Adrien II, qui attribuait au roi le droit de nommer seul les évêques; ils fondèrent leur refus sur ce que cette décrétale « était contraire « aux canons et à la tradition de l'église gallicane; »

3o. Et enfin une lettre de l'archevêque Hincmar au roi Louis III; il met en fait que les lois et les canons observés jusqu'alors par les monarques carliens ne pouvaient jamais

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episcopis, ut nullius hominis favore
et gratia permitterent alios viros ...
consecrare episcopos, nisi Ludo-
quos
vicus imperator juberet: cui... obvia-
verunt... Galliarum episcopi, litteras
illas ... discutientes, et quod sancto-
rum patrum decretis consona non
suggerentes. (Refus des évé-
ques des Gaules de recevoir une décré-
tale du pape Adrien IV; chronique
de Verdun. D. Bouquet, t. VII,
p. 247.)

essent

...

3°. Quando... electionem conceditis, illum debent... et clerus ac plebs eligere, quem vos vultis, et quem jubetis... (quæ non est divinæ legis electio, sed humanæ potestatis extorsio) ... ut audivi... spiritus malignus ... per.. adulatores in aures vestras hæc sibilat: quia hoc in scripturis... non continetur, neque in catholicorum dictis, vel canonibus, nec etiam in legibus a christianis imperatoribus et regibus promulgatis hoc scriptum... invenitur... Sic enim atavus vester Karolus et abavus Hludovicus imperatores intellexerunt, et ideo in libro capitulorum... sacrorum inquiunt : « Canonum non ignari, ut

...

...

ecclesia suo liberius potiatur honore, adsensum ordini ecclesiastico præbemus, ut episcopi per electionem cleri et populi, secundum statuta canonum, de propria diœcesi, remota personarum et munerum acceptione, ob vitæ meritum et sapientiæ donum

les autoriser à suppléer, en faveur d'aucun évêque, l'élection du clergé et du peuple, qui devait concourir avec leur propre consentement pour la nomination d'un sujet à l'épiscopat.

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