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illustre origine, de citoyens sortis de familles distinguées, de familles recommandables, de familles nobles; mais toujours les auteurs expliquent le sens de ces expressions; les citoyens d'illustre origine sont sortis de l'illustre origine des Francs; une femme fut distinguée par des ancêtres exempts de toute tache de servitude; un saint sorti d'une famille des plus recommandables étendit par ses mérites l'honneur qu'il tirait de son origine; par humilité, il ne prétendit rien s'attribuer du privilége de l'ingénuité; la volonté rendit esclave celui que l'origine avait fait libre; il abandonna sa noblesse plutôt que de chercher à paraître.

Enfin, saint Léger, né de parents très-illustres entre les Francs, par leur ingénuité, était d'une noble origine.

VIII. La preuve qu'on appela indifféremment nobles ou ingénus les personnes libres, résulte :

1o. D'un capitulaire; des Actes des conciles de Châlons, d'Aix-la-Chapelle, et d'un écrit de l'évêque Adalbéron, qui vivait à la fin du dixième siècle; ils ne distinguent entre les états qui divisent la société que le noble et le non noble, l'esclave et le libre ;

lutis claruit servitute natalibus. (Extr. de la Vie de saint Médard, par saint Fortunat. D. Bouquet, t. III, p. 451.)

Albinus episcopus non exiguis parentibus oriundus, imo digni germinis dignissima proles emergens, decus quod sumpsit ex genere, felicis vitæ meritis ampliavit ... In... monasterio tanta animi humilitate... se subdidit, ut... nihil sibi de ingenuitatis, privilegio vindicaret: quem origo liherum genuit, famulum voluntas addixit, intelligens magis esse laudabile, ut nobilitas inclinaret quod erat, quam cum fastu quæreret apparere quod non erat. (Extr. de la Vie de saint Albin, par saint Fortunat, évêque de Poitiers. Actes des saints de l'ordre de Saint-Benoît, siècle 1, t. I, p. 109.)

Illum etenim clarissimi inter Francorum principes non mediocris potentiæ parentes genuerunt, de quorum ingenuitate quoniam adhuc plures ejusdem prosapiæ principantur in regno Franciæ, non fuit opus hic... dicerc. In... illis... valet experiri quam nobili ortu vir beatus... enituerit.

(Extr. de la Vie de saint Léger, écrite au commencement du neuvième siècle. D. Bouquet, t. II, p. 609.)

VIII. -1°. Constat in ecclesia diversarum conditionum homines esse, ut sint nobiles et ignobiles, servi, coloni, inquilini, et cetera hujuscemodi nomina. (Extr. du liv. 11 des capitulaires, chap. 41. Baluze, t. I, p. 749.)

De his qui in congregatione sibi commissa solummodo ex familia ecclesiæ clericos aggregant.

Hoc non ideo dicitur, ut ex familia ecclesiæ probabilis vitæ in congregatione non sint admittendi... sed... ut... nullus prælatorum, seclusis nobilibus, viles tantum in sua congregatione admittant personas (Extr. de la règle des chanoines donnée par le concile d'Aix-la-Chapelle, de l'an 816, chap. 119. Sirmond, t. II, p. 391.)

Nobilis et servus...

Lex humana duas indicit conditiones:

Triplex ergo Dei domus est...

Nunc orant alii, pugnant, aliique laborant.

(Extr. d'un poëme de l'évéque Adalbéron. D. Bouquet, t. X, p. 69.)

2o. D'une formule dressée sous le règne de Louis-le-Pieux ; on y invoque expressément le suffrage et le consentement de tout le peuple d'un diocèse assemblé pour l'élection d'un évêque; on y parle distinctement à chaque ordre, et l'on n'y distingue que les prêtres, les clercs inférieurs, et les nobles et fidèles laïques mariés, chacun selon son rang et sa profession; parce que, non-seulement les premiers, mais les derniers, ont intérêt dans cette affaire;

3o. D'une lettre d'Hincmar en envoyant un visiteur à une église vacante; il le charge de réunir le clergé et le peuple (désigné par le mot plebs) pour l'élection d'un nouvel évêque; il désigne ensuite les classes qui sont les divers ordres du clergé, et les laïques et nobles citoyens, parce que, ajoute-t-il, tous doivent élire celui à qui tous doivent obéir;

4°. D'un capitulaire de Carloman; il appelle l'état d'ingénuité la noblesse;

5°. D'un diplôme d'affranchissement donné par Charles-leGros; il prononce qu'un tel esclave sera libre comme s'il était né d'une famille noble;

6o. Des Actes d'un concile de Sainte-Macre répétés dans

2o. Notum sit omnibus suis fidelibus, qui in ista parrochia consistunt, ideo nos huc missos fuisse ut concessam ab eo potestatem inter vos eligendi sacerdotem adnuntiaremus... Meminisse vos decet, o Dei sacerdotes..ordinationis vestræ... Nunc ad ceteros clericos veniamus... non prætermittimus vos nobiles et fideles laicos qui... connubiis adstricti... estis Hactenus... unumquemque per gradum et propositum suum admonuimus. Nunc generaliter ad omnes sermo noster dirigitur, quia non solum hi qui primores, sed etiam minimi... istius modi rebus omnino indigent. (Extr. d'une formule d'avertissement général des envoyés de l'empereur Louis-le-Pieux, au peuple et au clergé réunis pour faire l'élection d'un évéque. Baluze, t. II, p. 601 et suiv.)

3°. Hortationibus clerum plebemque ecclesiæ publice admonere festines ut... uno eodemque consensu sibi præficiendum... eligant sacerdotem... Quæ electio non tantum a civitatis clericis erit agenda, verum et de omui

bus monasteriis ipsius parrochiæ et de rusticanarum parrochiarum presbyteris occurrant vicarii... Et laici nobiles ac cives adesse debebunt: quoniam ab omnibus debet eligi cui debet ab omnibus obediri. (Extr. d'une lettre d'Hincmar à Hedelnulfe, évêque de Laon. Baluze, t. II, p. 595.)

4o. Petiit... abba Attila celsitudinem nostram ut homines liberi... ejusdem monasterii ... terras quas ex eremo traxerunt quiete possideant, et congruum obsequium, sicut homines ingenui, exinde eidem monasterio exhibeant; ne eorum ingenuitas vel nobilitas vilescat. (Extr. du diplôme 4 de Carloman, pour le monastère de Saint-Policarpe. D. Bouquet, t. IX, p. 420.)

5. Decrevimus... ut a præsenti die et in reliquum idem Leuthardus ... omnibus locis... valeat uti propria potestate... et... omuimodis liber, velut nobili prosapia genitus esset. (Extr. du diplôme 27 de Charles-leGros. D. Bouquet, t. IX, p. 36o.)

6o. Regni primores cum debita se

les écrits d'Hincmar; en parlant des droits que le prince doit conserver à ses sujets, il distingue parmi ses sujets les nobles des grands, comme on distingue les simples citoyens des nobles dans les états où il y a des distinctions d'ordres.

OBSERVATION. On pourrait objecter contre les principes généraux qui viennent d'établir qu'il n'y eut point de noblesses héréditaires dans l'empire franc, l'exemple de six familles privilégiées qui furent connues dans la nation des Bavarois, comme devant recevoir un double honneur et une double composition; cette exception ne contredit pas la règle générale; elle prouve plutôt qu'il n'y eut pas de corps de noblesse dans la nation bavaroise, non plus que dans les autres parties de l'empire franc : car on n'eût pas distingué six familles s'il y avait eu dans la nation un corps entier en possession des mêmes droits.

Quelques auteurs modernes ont cru que les familles d'origine sénatoriale qui formaient dans la Gaule un corps de noblesse romaine, et dont les écrivains du sixième et du septième siècle nomment encore les descendants avec distinction, avaient conservé sous la monarchie franque les diverses prérogatives qui leur avaient donné un rang dans l'empire romain; ces auteurs ont dit encore que le titre de convive du roi, réservé à ces seuls nobles romains, les élevait au-dessus des hommes libres francs.

Cette opinion ne peut se soutenir lorsque l'on compare l'état des choses et des personnes sous ces deux gouvernements opposés.

Les exemptions des nobles romains étaient relatives aux formes des jugements, à la nature des peines, à l'espèce des charges connues sous le gouvernement romain, et totalement étrangères au gouvernement de l'empire franc; ces priviléges donc s'anéantirent en même temps que les lois et les usages des Francs prévalurent sur les lois et les usages des Romains. Quant au titre de convive du roi, c'est une erreur positive que de ne le supposer propre qu'aux prétendus nobles romains; nous prouverons que ce titre de convive du roi était

curitate ac honore erga vos consistere possint, et ceteri nobiles homines in regno securitatem habeant. (Extr.

des ouvrages d'Hincmar, acte du concile de Sainte-Macre. D. Bouquet, t. IX, p. 307.)

un office donné à vie par les rois, qui passait aux Barbares comme aux Romains d'origine; c'était en un mot le même office que celui de conseiller du roi ou de conseiller du palais.

1o. Un passage des écrits de saint Fortunat prouve que le même grand avait passé de dignité en dignité pour devenir enfin convive du roi; ce titre n'était donc pas un droit de la naissance.

2o. Un écrit contemporain du règne de Childebert II emploie les titres de convive et conseiller du roi comme syno

nymes.

3o. Deux écrits contemporains du règne de Sigebert prouvent qu'un homme noble, convive du roi, était bourguignon de nation; il prouve en même temps qu'il avait rang dans les conseils du prince en cette qualité de convive.

REFUTATION du système élevé contre l'inamovibilité des bénéfices, honneurs et dignités, sous les deux premières races.

Les auteurs du livre des fiefs, et la foule des modernes qui les a suivis, ont posé en principe que les bénéfices, donnés d'abord pour un an, furent révocables à volonté durant les deux premières races; les auteurs modernes ont surtout soutenu que les dignités de comtes, ducs et patrices, furent seulement annales dans leur origine.

Ce système est démenti par le silence de notre histoire sur les prestations annuelles d'aucun bénéfice, et par l'ensemble des monuments qui viennent de prouver l'ancienneté de la loi de l'irrévocabilité de tous les bénéfices; les preuves directes ne prononcent pas, par une énonciation particulière, l'inamovibilité des dignités de comtes, ducs et patrices, sous la pre

1o. Voyez l'extrait d'un poëme de saint Fortunat, cité au chap. III de ce livre, art. III, no 1.

20. Agente... in sceptris Hildeberto Sigiberti regis filio fuit quidam ex primis palatii optimatibus... ejusdemque regis conviva et consiliarius nomine Agnohaldus. (Extr. de la Vie de saint Agile, par un auteur contemporain. D. Bouquet, t. III, p. 511.)

3. Ad Meldense oppidum properat: quo quum venisset, quidam vir nobilis Hagnericus Theodeberti conviva, vir sapiens, et consiliis regis

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mière race; mais elles ne décident rien contre la preuve générale que nous avons établie de l'inamovibilité de tous les honneurs sans exception, honneurs dont les dignités de comtes, ducs et patrices faisaient partie. Ces preuves prononcent au contraire que toutes ces dignités n'étaient pas annales.

Les preuves directes montrent pour la seconde race, qu'il fallait des causes légales et un jugement pour destituer les comtes et ducs, et décident ainsi la question que l'on prétendrait rendre douteuse par le silence de la première race. En effet, si le droit public défendait, au commencement de la seconde race, les destitutions arbitraires des comtes, ducs, patrices et de tous autres possesseurs d'honneurs et dignités, il est évident que ces principes du droit public sur cet objet s'étaient transmis de la première race à la seconde.

Quant aux arguments que l'on a voulu tirer contre l'irrévocabilité des bénéfices, des exemples de l'enlèvement arbitraire que firent les enfants de Clotaire Ier des biens qu'eux-mêmes ou leurs prédécesseurs avaient donnés à des laïques, et des exemples de destitutions arbitraires des comtes, ducs et patrices qui eurent lieu sous leur règne, ces exemples ne peuvent être reçus pour prouver le droit positif, puisqu'ils curent lieu sous des règnes où la force viola sans cesse le droit et les lois.

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