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La caisse des Invalides perçoit certains droits sur toutes les prises faites par des navires français.

L'origine de ce droit remonte à la guerre de la ligue d'Augsbourg. Pendant cette guerre, Louis XIV prescrivit une retenue de 3 deniers pour livre sur toutes les prises amenées dans les ports de Bretagne. En 1703, pendant la guerre de la succession d'Espagne, cette retenue fut étendue à toutes les prises amenées dans tous les ports du royaume. Les sommes provenant de cette retenue étaient affectées à la caisse des Invalides de la marine, pour être par elle distribuées en pensions aux marins des corsaires, à leurs veuves et à leurs enfants.

L'édit du mois de mai 1709 augmenta le taux de la retenue, et le porta de 3 à 4 deniers pour livre. Quelque temps après, par l'édit du mois de mars 1713, la retenue fut portée à 6 deniers. Cette retenue resta fixée à 6 deniers jusqu'à la loi du 13 mars 1791, qui la porta à un sou pour livre sur les prises faites par les corsaires. Cette loi laissa la retenue fixée à 6 deniers sur le produit brut des prises faites par les 'navires de guerre; mais, en même temps, elle attribua à la caisse des Invalides le tiers du produit net de toutes les prises faites par ces navires. Peu après, une loi du 1er octobre 1793 supprima le droit du tiers sur les prises des bâtiments de l'État. On sentit bientôt que cette suppression était désastreuse, et qu'elle privait la caisse des Invalides de revenus employés utilement dans l'intérêt de notre population maritime. Pour augmenter les ressources de la caisse que l'on avait inconsidérément amoindries, une loi du 9 messidor an III ordonna (art. 4), que la caisse des Invalides percevrait un sou pour livre sur les prises faites par les bâtiments de l'Etat, comme sur les prises faites par les corsaires. Le droit du tiers, établi par la loi de 1791, sur le produit net des prises faites par la marine de l'Etat, demeura supprimé, et la retenue de six deniers sur le produit brut des prises faites par cette marine se trouva converti en une retenue d'un sou pour livre sur le produit net.

Notre art. 95 a maintenu la retenue de 5 p. 100 sur les

prises faites par les corsaires. Cette retenue a encore été consacrée par l'art. 5 de l'ordonnance du 22 mai 1816, reconstitutive de la caisse des Invalides, et par l'ordonnance du 31 mai 1838 sur la comptabilité publique, art. 575. L'ordonnance de 1816 a maintenu au profit de la caisse des invalides le droit du tiers sur le produit net des prises faites par les bâtiments de l'Etat, qui avait été rétabli par l'art. 2 de l'arrêté du 9 ventôse an IX. L'art. 5 de cette ordonnance du 22 mai 1816 dit que la caisse des Invalides reçoit, sur les prises faites par les bâtiments de guerre, 2 1/2 p. 100 du produit brut de toutes les prises quelconques faites sur l'ennemi; 1/2 p. 100 du même produit en faveur des caissiers des prises; et, indépendamment des deux retenues ci-dessus, le tiers du produit net des corsaires, bâtiments et cargaisons pris sur le commerce ennemi. Sur les prises faites par les corsaires, 5 p. 100 du produit net desdites prises. »>

Le droit de 2 1/2 p. 100, perçu sur le produit brut des prises faites par la marine impériale, représente le droit de 6 deniers pour livre qui, sous la loi de 1791, se prélevait concurremment avec le tiers du produit net (Voy. infrà, même titre, ch. III, l'art. 2 de l'arrêté du 9 ventôse an IX).

La part de la caisse des Invalides se calcule sur le produit net de la prise, déduction faite des frais de justice et de vente, et aussi des frais d'armement, s'il s'agit d'une prise faite par un corsaire particulier.

Sur toutes les prises faites par les corsaires, la retenue de 5 pour 100 doit se faire en faveur des invalides, tant sur les parts afférentes aux armateurs, que sur le tiers revenant aux officiers et équipages.

[ Mais par rapport aux avances faites aux gens des corsaires, comme elles sont imputables sur leurs parts dans les prises, la déduction des 5 pour 100 retenus lors du payement de ces avances doit être faite sur leurs parts dans les prises, sans quoi les invalides recevraient deux fois leur droit sur le même objet.

Par rapport aux 5 pour 100 des invalides, le préciput du capitaine doit y être sujet comme le reste du droit de ce ca

pitaine dans la prise, puisqu'il fait réellement partie du produit de la prise, ou, ce qui revient au même, qu'il en diminue d'autant la valeur pour augmenter la portion du capitaine.

Il en faut dire autant de tout autre préciput ou avantage que l'armateur aura accordé au capitaine par une convention particulière entre eux, de même que du dédommagement que l'armateur lui aura promis jusqu'à une certaine somme, au cas qu'il fût pris. En effet, dans le premier cas c'est une augmentation de profit dans la prise pour le capitaine, et dans le second c'est proprement un supplément de gages qui lui a été accordé. ]

Mais la retenue des invalides ne s'opère pas sur les récompenses, qu'au moment du règlement des parts on attribue aux hommes de l'équipage blessés ou estropiés, ou aux veuves et aux enfants de ceux qui ont été tués (Voyez plus bas, sous l'art. 103, p. 401).

La retenue des 5 pour 100 s'opère sur les droits de commission que prélèvent les armateurs, car les sommes ainsi prélevées font partie du produit de la prise.

Le droit des invalides de la marine s'exerce sur les rançons comme sur les prises; c'est la conséquence de l'art. 50 de l'arrêté de prairial, qui dit que les règles établies pour la liquidation des prises sont déclarées communes aux ran

çons.

Tout ce que nous venons de dire sur le prélèvement des 5 pour 100 de la caisse des Invalides de la marine est conforme à une instruction ministérielle du 16 janvier 1808, dans laquelle nous trouvons, à propos de notre art. 95, le passage suivant:

« Il ne doit être fait d'autre retenue sur les prises faites par les corsaires, que celle de cinq centimes par franc, prescrite par la loi du 9 messidor an III; elle a lieu sur les rançons comme sur les prises.

« Cette retenue doit aussi s'exercer sur les Commissions de tous genres allouées à l'armateur, et sur les gratifications accordées sur le produit des prises, à quelque titre que ce

soit, soit au capitaine du corsaire, soit enfin à tout autre marin de l'équipage, à l'exception pourtant des gratifications accordées aux marins blessés, ou aux veuves des marins tués dans les combats. >>

Un arrêté du 14 brumaire an VIII avait ordonné qu'outre la retenue de 5 pour 100 de la caisse des Invalides, on prélèverait sur le produit de chaque prise 10 pour 100 pour les Français prisonniers chez l'ennemi. Cet arrêté cessa d'être exécuté dans la guerre qui suivit la rupture de la paix d'Amiens, parce que les puissances belligérantes pourvurent réciproquement à l'entretien de leurs prisonniers 1.

S44. De diverses formalités relatives à la liquidation générale.

Arrêté du 2 prairial. ART. 94. Dans le mois après la course finie, ou lorsque la perte du corsaire sera certaine ou au moins présumée, l'armateur déposera, au greffe du tribunal connaissant des matières de commerce du lieu de l'armement, les comptes de dépenses des relâches et du désarmement, pour être procédé à la liquidation générale du produit de la course, par les juges de ce tribunal, dans un mois après la remise de toutes les pièces, et sauf à laisser pour mémoire les articles qui pourront donner lieu à un trop long retard, lesquels seront ensuite réglés par un supplément sommaire à la liquidation générale : faute par l'armateur de faire ledit dépôt, il sera privé de tout droit de commission.

Les droits de Commission dont l'armateur peut être privé sont ceux dont il est parlé dans l'art. 7 de l'arrêté du 2 prairial (Voy. suprà, tome I, p. 225 ).

Quant à ce qui concerne le dépôt au greffe du tribunal de commerce des comptes de dépenses des relâches et arme

1 Pour plus de détail sur la caisse des Invalides de la marine, sur son histoire, son organisation, ses revenus et ses charges, voyez le Code des pensions afférentes aux départements de la guerre et de la marine, par M. Durat-Lasalle.

ments, voyez ce que nous avons dit ci-dessus, sous les articles 88 et 90.

Notre article 94 avait donné lieu à une question qui a été résolue par une instruction ministérielle en date du 16 janvier 1808. On se demandait à quel tribunal devaient se faire les liquidations générales des armements faits dans les ports étrangers. Supposez des Français établis dans un port étranger, qui sollicitent et obtiennent une lettre de marque française: ils arment dans le port de leur résidence. Devant quel tribunal devra se faire la liquidation générale de leur armement? C'est cette difficulté que l'instruction ministérielle, dont nous venons de parler, a résolue. On y lit : « Les liquidations générales des armements faits dans les ports étrangers doivent s'effectuer devant les tribunaux de commerce ci-après :

« A Anvers, pour les armements faits dans les ports au nord d'Anvers;

« A Bordeaux, pour les armements faits en Espagne depuis le passage jusqu'à Cadix;

« A Marseille, pour ceux faits depuis et compris Cadix jusqu'à Barcelone, et pour ceux faits dans les ports d'Italie. »

Aujourd'hui Anvers n'est plus un port français; aussi, si dans la guerre actuelle le gouvernement français délivrait des lettres de marque, il y aurait lieu de désigner un nouveau port pour remplacer Anvers, par exemple, Dunkérque.

Même arrêté. ART. 96. Les liquidations générales seront imprimées, et il en sera envoyé des exemplaires au ministre de la marine et des colonies, au greffe des tribunaux de commerce des villes dans lesquelles il y aura des actionnaires, qui pourront en prendre communication gratis: il en sera envoyé, en outre, aux intéressés et actionnaires d'une somme de trois mille francs et au-dessus.

On doit envoyer des exemplaires de chaque liquidation générale au ministre de la marine et des colonies, parce que

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