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tion de traitement ou de part de prises. C'est donc une somme qui reste dans les termes du droit commun.

CONSEIL D'ETAT. 2 août 1836.

Pour que les parts de prises des marins puissent être saisies dans les cas prévus par l'art. 111 de l'arrêté de prairial an XT, il faut que la fourniture ait eu lieu du consentement du commissaire à l'inscription maritime, et que l'avance ait été apostillée sur les registres matricules des gens de mer.

LAFFAURIS contre le MINISTRE DE LA MARINE.

LOUIS-PHILIPPE, etc.-Considérant que le sieur Laffauris ne justifie pas que les sommes pour lesquelles il se prétend créancier des marins dont s'agit, aient eu pour cause la fourniture de subsistances ou vêtements; que cette fourniture ait eu lieu avec le consentement du commissaire à l'inscription maritime, ni que l'avance desdites sommes ait été préalablement apostillée sur les registres et matricules des gens de mer; d'où il suit que c'est avec raison que notre ministre de la marine a rejeté la demande du réclamant.

Art. 1. La requête du sieur Laffauris est rejetée.

SECTION IV. Des prises faites en commun par plusieurs corsaires.

Règlement du 27 janvier 1706, et décret du 9 septembre 1806.

Jusqu'à présent nous ne nous sommes occupé, avec l'arrêté de prairial, que de la liquidation et du partage des prises qui sont faites par un seul corsaire. Il peut arriver, et il arrive souvent en fait, que le même navire ennemi est chassé et amariné par plusieurs corsaires. Cette concurrence donne lieu à plusieurs questions: dans quels cas la prise doit-elle être partagée entre les divers corsaires qui prétendent au partage? S'il y a lieu à partage, sur quelles bases

doit-il être fait ?

Dans le premier cas, il peut se présenter deux hypothèses ou les corsaires qui prétendent au partage ont formé entre eux une société par laquelle ils sont convenus de mettre en commun toutes les prises qu'ils pourraient faire, ou bien, libres de tout engagement antérieur, ils se sont rencontrés en même temps sur le lieu du combat. Quelle in

fluence l'un ou l'autre de ces faits peut-il exercer sur la question du partage?

Toutes ces questions sont implicitement résolues par un règlement du 27 janvier 1706, encore en vigueur aujourd'hui, et qui est complété par un décret du 9 septembre 1806.

Nous ferons remarquer que ces règlements ne s'appliquent pas seulement aux prises faites concurremment par plusieurs corsaires français, mais qu'ils régissent aussi le cas où l'un des corsaires est étranger, et appartient à une nation alliée. C'est ce qui a été jugé par le Conseil des prises, le 29 messidor an IX, dans une affaire rapportée ci-dessous.

Règlement du 27 janvier 1706.

ART. 1er. Aucun ne pourra être admis au partage d'un vaisseau pris sur l'ennemi, s'il n'a contribué à l'arrêter, ou contracté société avec celui qui s'en est rendu maître.

ART. 2. Celui qui prétend partager un vaisseau ne sera point censé avoir contribué à l'arrêter, s'il n'a combattu, ou s'il n'a fait tel effort qu'en intimidant l'ennemi par sa présence, et en lui coupant chemin et l'empêchant de s'échapper, il l'ait obligé à se rendre, sans qu'il lui suffise d'avoir été en vue et d'avoir donné chasse, lorsqu'il sera prouvé que cette chasse aura été inutile.

ART. 3. Les armateurs qui établiront leur demande en partage sur une convention de partager les prises faites tant en présence qu'en absence, ne pourront justifier cette convention que par un acte qui en contiendra les conditions, et qui sera signé des capitaines ou de leurs écrivains, en leur présence, s'ils ne savent signer, dont il sera fait mention dans l'acte : défendant Sa Majesté d'avoir aucun égard aux sociétés verbales, qu'elle déclare nulles et de nul effet.

ART. 4. Les armateurs qui donneront chasse à un vaisseau ennemi, et qui en apercevront plusieurs autres, pourront néanmoins, en se séparant pour les poursuivre tous en même temps, convenir, par des signaux, de s'admettre réciproquement au partage des différentes prises qu'ils feront : en sorte que celui qui se séparera en faisant un signal de pavillon rouge, sera admis à partager la prise dont il aura abandonné la poursuite, et sera aussi obligé de consentir au partage du vaisseau qu'il aura pris, si les autres armateurs qui continuent leur chasse lui répondent par un autre signal semblable; et au cas que ces autres armateurs fassent un sigual de pavillon blanc, ce signal sera une marque de refus, et exclura la société.

ART. 5. Lorsque plusieurs corsaires, sans être unis par aucune société, auront donné en même temps dans une flotte, ils partageront entre eux, à proportion du calibre de leurs canons et de la force de leur équipage, le produit de tous les batiments qui en auront été pris, de même que s'ils avaient fait société, ayant tous également contribué à la prise.

ART. 6. Les prisonniers trouvés sur les vaisseaux ennemis seront exactement interrogés par les officiers des amirautés, tant sur les circonstances de la prise et sur le nombre des vaisseaux qui leur ont donné chasse et qui ont contribué à les arrêter, que sur les signaux qu'ils auront aperçus.

ART. 7. Les mêmes officiers interrogeront aussi les équipages des armateurs, s'ils en sont requis, sur la vérité des signaux.

Décret du 9 septembre 1806. *

NAPOLEON, etc,,-Considérant qu'il importe de pourvoir au silence du règlement du 27 janvier 1806, relatif au partage des prises faites par les corsaires, qui, en statuant sur celles faites par deux ou plusieurs corsaires réunis, qui, sans être liés par la même société, ont néanmoins fait concurremment une ou plusieurs prises, ordonne que leur produit sera partagé en proportion du calibre de leurs canous et du nombre de leur équipage, sans parler des caronades et des obus, qui n'étaient pas alors en usage, et sans exprimer qu'il n'y aurait que les bouches à feu montées sur affûts, en batterie et prêtes à tirer, qui pourraient entrer dans la supputation du partage. Notre Conseil d'Etat entendu, nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

ART. 1. Lorsque deux ou plusieurs corsaires, sans être unis par aucune société, auront fait concurremment une prise, son produit sera partagé en proportion du calibre des canons, caronades et obus montés sur affûts, en batterie et prêtes à tirer, dont chaque corsaire sera armé, et du nombre d'hommes composant l'équipage de chacun d'eux.

ART. 2. Les caronades dont chaque corsaire se trouvera armé seront évaluées ainsi qu'il suit : une caronade de 12 livres de balles sera considérée comme un canon de 6; une caronade de 24 comme un canon de 12, et ainsi de suite.

ART. 3. Trois pierriers d'une livre de balles chacun seront évalués comme un canon de 3.

ART. 4. Le surplus du règlement du 27 janvier 1706 continuera à avoir sa pleine et entière exécution.

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Dans le cas où deux corsaires réclament la même prise, le partage ne doit avoir lieu entre eux qu'autant que tous deux ont contribué à la prise ou qu'une société a été formée entre eux.

S'il n'y a pas de société, celui qui a seul combattu a droit à toute la prise.

LA FAVORITE Contre LES BOUCHES-du-Rhône.

Le navire anglais le Vaillant avait été capturé. C'était une prise constamment ennemie; sa validité ne pouvait être douteuse. Il s'agissait seulement de savoir à qui elle serait adjugée. Le commissaire du gouvernement s'est exprimé comme suit ;

Le corsaire la Favorite veut jouir exclusivement de cette prise; celui des Bouches-du-Rhône prétend être admis au partage du navire. Le règlement de 1706 veut qu'aucun ne puisse être admis au partage d'un vaisseau pris sur l'ennemi, s'il n'a contribué à l'arrêter, ou contracté société avec celui qui s'en est rendu maître.

T. 11.

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Il résulte de l'ensemble de toutes les circonstances que le corsaire les Bouches-du-Rhône n'a pris aucune part à la prise ; l'on ne peut l'admettre à partager la prise du Vaillant.»

Le CONSEIL déclare valable la prise du navire anglais le Vaillant, et l'adjuge aux armateurs et à l'équipage du corsaire la Favorite, sans s'arrêter à la réclamation des armateurs du corsaire les Bouches-du-Rhône.

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Un corsaire qui, rencontrant l'ennemi, fait signal à un autre corsaire qui répond, forme avec ce dernier un contrat de société qui l'oblige au partage de la prise.

Mais le partage ne doit pas avoir lieu si le corsaire, invité à prendre part au combat, s'est borné à rester spectateur de la lutte. Le contrat de société, formé entre les deux corsaires, se trouve alors annulé.

L'ADOLPHE Contre L'ESPÉRANCE.

Le CONSEIL, Vu les pièces desquelles il résulte principalement : D'abord, que la validité de la capture du navire l'Entreprise par le corsaire français l'Espérance n'offre pas le moindre doute, puisqu'elle a été faite sous pavillon anglais, et que le capitaine et les hommes de l'équipage, tous Anglais ou Portugais, ue s'étant rendus qu'après combat, ont déclaré le navire et le chargement propriété anglaise;

Ensuite, sur la question de savoir si ladite prise anglaise appartiendra en entier au corsaire français l'Espérance, et s'il doit la partager avec l'autre corsaire français l'Adolphe, et le corsaire espagnol le Saint-François-Xavier; qu'à l'égard du corsaire français l'Adolphe, il y eut primitivement une espèce de convention formée par le signal que donna l'Espérance à l'Adolphe, qui, en y répondant à la distance de demi-lieue, contractait l'obligation de concourir de tous ses moyens à l'attaque et à la défaite de l'ennemi commun. Mais que, loin d'avoir rempli cette obligation il est démontré, tant par les procès-verbaux de capture des parties que par leurs aveux mutuels, et indépendamment des dispositions divergentes et contradictoires des témoins, 1° que le corsaire l'Adolphe n'appareilla et ne mit à la voile que quelque temps après le signal qui lui fut donné par l'Espérance; 2° que sa marche fui lente et tardive, et, qu'arrivé au fort du combat qui s'était engagé vivement entre l'Anglais et l'Espérance, au lieu de faire usage de sa grosse artillerie, il ne tira pas alors un seul coup de canon, et laissa froidement le corsaire l'Espérance exposé aux forces supérieures de l'ennemi, qui l'avait déjà désemparé, et serait parvenu à le couler bas, si le capitaine français et son intrépide équipage n'eussent trouvé tout à la fois leur salut et la victoire en abordant seuls, le sabre à la main, le navire anglais, qui se rendit aussitôt; 3° que le prétexte allégué que l'Espérance étant placée entre le navire ennemi et l'Adolphe, celui-ci ne pouvait se servir de ses canons, sans s'exposer à tirer sur le propre équipage de l'Espérance, est réellement dérisoire, et ne saurait en imposer un moment aux marins les moins exercés, puisque, en admettant que telle fut la position des trois navires, une simple manoeuvre, en faisant convenablement usage de son gouvernail et de ses voiles, donnait à l'Adolphe la facilité de pointer toute son artillerie contre l'Anglais, et que, s'il ne l'a pas fait, c'est qu'apparemment il a craint d'essuyer toute la bordée de l'ennemi, et qu'il a

voulu seulement prendre part à la prise, s'il y avait lieu, sans courir personnellement aucun danger; 4° que l'Adolphe paraît ne s'être décidé à tirer un coup de canon qu'au moment où le navire anglais s'est rendu et après avoir été abordé par l'Espérance, et que ce n'est pas ce coup de canou qui détermina la reddition, puisqu'il est incertain que le navire en ait été atteint, et que le capitaine, le pilote et plusieurs hommes de l'équipage capturé ont déclaré, de la manière la plus précise, n'avoir amené leur pavillon qu'au seul corsaire l'Espérance, sans avoir égard à aucun autre; 5o que les vigies des tours et les particuliers se trouvant à terre, qui ont déposé dans le sens le plus favorable à l'Adolphe, outre que la grande distance où ils étaient du champ de bataille, ne leur permettait pas de bien juger de toutes les circonstances, n'ont pourtant point attesté que le corsaire l'Adolphe eût secondé le corsaire l'Espérance lors de l'attaque ni pendant la durée du combat, que l'Espérance soutint seul contre l'Entreprise; 6o qu'en se conduisant de cette manière le corsaire l'Adolphe a méconnu ses devoirs et abandonné ses compatriotes aux hasards d'une lutte dans laquelle, quoique inégaux en nombre et en forces, ils ont triomphé uniquement par leur courage et l'intelligence de leurs manoeuvres; qu'ainsi l'Adolphe a volontairement renoncé à la gloire qu'il avait été appelé à recueillir par le premier signal du corsaire l'Espérance; que quant au corsaire espagnol le Saint-François-Xavier, il ́n'a fait ni reçu aucun signal, s'est contenté de rester spectateur tranquille du combat, à une distance bien hors de portée; n'a pas tiré un seul coup de canon, quoiqu'il en eùt deux de 24, et que, n'ayant pris aucune part active à la capture, ni ne l'ayant déterminée, il ne peut, raisonnablement, prétendre à la partager; que d'après ces diverses considérations, on ne peut refuser au capitaine du corsaire l'Espérance et à son brave équipage un juste tribut d'éloges pour le courage qu'ils ont eu, avec un frêle bâtiment, armé seulement de six canons de 12 et de 6, d'aller droit à un navire ennemi, fort de seize canons de 8 et de 35 hommes d'équipage, de l'attaquer sans hésiter, de le combattre corps à corps, de l'aborder et de s'en emparer sans l'assistance du corsaire, qu'ils avaient d'abord appelé à eux; qu'en accordant la moindre part du butin à ceux qui se sont montrés étrangers au combat, ce serait arracher au vainqueur, honoré du suffrage unanime des vaincus, le prix de son intrépidité; et qu'une telle action d'éclat, qui rappelle les hauts faits de nos plus célèbres marins, l'honneur du nom français, et rivalise avec l'héroïsme journalier des républicains sur le continent, est bien propre à exciter autant la reconnaissance de la patrie que la sollicitude du gouvernement;

REJETTE la demande en partage du corsaire l'Adolphe.

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Le corsaire qui, quoique présent sur le lieu du combat, n'y a pas pris part utilement parce que ses boulets ne portaient pas, ne peut pas prétendre au partage de la prise.

LA BRILLANTE.

Le navire la Brillante, sous pavillon impérial, avait été capturé par plusieurs corsaires : le corsaire l'Adolphe prétendait avoir concouru à la prise. En fait on contestait cette allégation, qui était contredite par les dépositions de l'équipage capturé. D'après ces dépositions l'Adolphe se

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