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son interrogatoire en fera découvrir d'autres. Je soupçonne que ceux qui ne veulent pas que le roi soit entendu ont des raisons de craindre ses réponses; mais la nation au contraire a intérêt à ce que tous les conspirateurs soient découverts.» (Applaudissements.)

La convention rejette la proposition de Robespierre ; elle décrète celle de Pétion, ainsi amendée par Gamon: « La convention nationale décrète que chaque jour elle s'occupera depuis onze heures jusqu'à six de l'affaire du roi, exclusivement à toute autre, jusqu'à ce qu'elle soit terminée,

>>> La convention nationale discutera sans interruption et prononcera sur la famille des Bourbons. »

SÉANCE DU CINQ DÉCEMBRE.

Intelligences de Mirabeau avec la cour. Projet de faire partir le roi pour Rouen. Épurations de la commune. La convention les annule.

Ruhl. «Citoyens, vous avez décrété, dans votre séance du 3 de ce mois, que Louis Capet est jugeable et sera jugé par la convention. Ce décret a été le sujet d'une délibération sérieuse de votre commission des douze, qui a eru y voir un ordre indirect de donner à l'assemblée connaissance des pièces où elle verra un tableau du précipice affreux que le tyran et ses complices creusaient sous vos pas. Elle y verra l'aveu du roi, l'aveu signé de sa propre main, que quand il aurait recouvré son ancienne autorité, il rétablirait l'ancien régime.

» La premières de ces pièces est un mémoire de Talon, apostillé de la main du roi, dans lequel l'ancien lieutenant civil rappelle que, dès l'hiver de 1788, il fut envoyé des

projets dans les bailliages pour rédiger les cahiers des députés aux états généraux, projets qui avaient été dressés par Sainte-Foi et Montmorin et qui auraient prévenu, dit le mémoire, bien des maux, sans la résistance de Necker. Appelé à la place de lieutenant-civil, Talon s'était procuré les moyens de s'attacher individuellement une classe de citoyens nombreuse, et dont l'influence marquait beaucoup dans la révolution. Parmi eux Mirabeau, qui, tandis que Talon s'était déterminé à imprimer le mouvement à Paris, s'était chargé de travailler les provinces. On y verra que la perte de Mirabeau fit croire alors que le plan ne pouvait plus être suivi, et qu'on prit un nouvel ordre de conduite jusqu'au départ de leurs majestés ; que le club des jacobins était tombé dans un tel avilissement, qu'avant six semaines, on espérait d'en faire murer les portes; que départ du roi fut un moment dur à passer pour Talon et pour Sainte-Foi, et que l'établissement qu'ils avaient formé, avait procuré une petite armée. Il finit par rappeler au roi, Chevillon, Courtois et quelques autres. »

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Rabaut. « J'ai à dénoncer à la convention un fait assez important pour qu'elle daigne m'accorder un moment d'attention. La nouvelle commune provisoire de Paris s'est permis un acte de violation à la loi, en écartant de son sein, par la voie du scrutin épuratoire, plusieurs membres qui la composent. Je n'ai pas besoin de prouver combien cette conduite de la commune provisoire est attentatoire à la liberté des suffrages. Dans un pays libre et très peuplé, où le peuple ne peut s'assembler et délibérer tout entier sur ses intérêts, où il se nomme des représentants, la souveraineté du peuple s'exerce par la liberté des suffrages: si cette liberté est attaquée, si un billet de scrutin n'a pas son effet, s'il y a une autorité qui puisse anéantir l'effet du choix libre des citoyens, fait selon les formes légales, la liberté n'existe plus, ils sont esclaves. Dans un gouvernement représentatif, la liberté politique réside dans la liberté des suffrages. C'est donc une entreprise coupable que la commune se soit permis de scrutiner dans son sein les mem

bres élus par les suffrages du peuple. J'ai vu hier un arrêté pris par la section de la Fraternité, par lequel elle se plaint de cet acte de violence. L'expérience nous a appris combien il est dangereux qu'une commune s'arroge l'exercice d'une autorité arbitraire; vous avez vu combien la variation du mode observé par les sections de Paris a longtemps retardé la manifestation de la volonté du peuple pour l'élection d'un maire.

>> Si toutes les communes de la république se permettaient de scrutiner les membres qui les composent, cette violation de la loi anéantirait la volonté nationale, et par conséquent la liberté.

» On aura beau dire que les citoyens qui ont été éloignés sont de mauvais citoyens; il peut arriver aussi le contraire, il pourrait arriver qu'un corps municipal, presque entièrement composé de mauvais citoyens, en écartât le peu d'hommes probes qui s'y trouveraient; et surtout les corps administratifs ne peuvent s'écarter arbitrairement de la loi, sous des prétextes arbitraires. Ce que vous devez, c'est d'affermir l'autorité nationale, en faisant rentrer dans les bornes du devoir les autorités particulières. La loi, disait Raynal, sous l'empire du despotisme, la loi, est comme un glaive qui se promène sur un plan horizontal pour trancher tout ce qui s'élève au-dessus d'elle.

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Cependant je ne sais si je ne dois pas proposer à la convention de déroger à la règle prescrite par la loi, de renvoyer au ministre de l'intérieur qui se trouve partie intéressée contre la commune, par laquelle il a été dénoncé, et de mander le directoire du département de Paris à la barre pour vous rendre compte s'il a été instruit de la violation de la loi commise par la commune de Paris, et des mesures qu'il a prises pour la réprimer. »

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Thuriot. Il est une vérité que Rabaut ignore; c'est qu'il existe une loi qui donne aux sections le droit de censurer et de révoquer les membres reconnus incapables d'exercer les fonctions qui leur ont été confiées ; et ce droit, selon moi, ne peut être exercé que par les sections. Je

demande au reste que l'on suive la marche ordinaire, que le département rende compte au ministre de l'intérieur, qui fera ensuite son rapport à la convention. » Après une légère discussion, le décret suivant est adopté :

«La convention nationale déclare que tout scrutin épuratoire, qui aurait été ou serait fait par aucun corps administratif, municipal, électoral ou judiciaire, pour écarter des membres de leur sein, est nul et attentatoire à la souveraineté du peuple. »

On lit une lettre de Dumouriez qui accuse Pache de laisser tout manquer.

«N..... La haine de Louvois contre Turenne entrava plusieurs de ses brillantes opérations; Louis XIV soutint Louvois. N'imitons pas son exemple. Je demande que le ministre de la guerre soit sur-le-champ mandé à la barre, et nous fasse part de la réponse qu'il a dû faire à Dumouriez. (On applaudit.)

Barbaroux. « Un volontaire du bataillon des Bouchesdu-Rhône nous a attesté la vérité d'une partie des faits énoncés dans la lettre de Dumouriez. Il nous a dit qu'à Bruxelles les officiers des volontaires et ceux des troupes de ligne avaient été obligés de se cotiser pour réaliser le prêt des troupes; il nous a dit également que rien n'égalait la valeur des défenseurs de la république; qu'à Mons, singulière ment, malgré le dénuement absolu où ils étaient, ils ont marché à l'attaque des retranchements avec ardeur, ayant Dumouriez à leur tête.

» N'en doutez point, citoyens, il a existé, il existe peutêtre encore un plan de désorganisation de nos armées. Je demande que les désorganisateurs, quels qu'ils soient, soient punis.» (On applaudit.)

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Salle. Je ne monte point à cette tribune pour disculper le ministre, encore moins pour accuser le général Dumouriez. Je vais vous faire part de deux faits dont j'ai été témoin hier au comité des finances. On interrogeait Malus sur les motifs de l'excessive cherté des prix qu'il avait con

sentis par ses marchés; il nous a répété ce qu'il avait dit ici: Les circonstances, les besoins pressants.

>> Interrogé sur l'état des approvisionnements de l'armée, il a dit qu'il existait dans le port des approvisionnements suffisants; et cependant Dumouriez avait écrit, comme aujourd'hui, qu'il n'en existait aucun. A l'égard du numéraire, dont Dumouriez dit manquer absolument, PetitJean a dit qu'il avait existé à sa connaissance une somme considérable de numéraire dans la caisse du receveur de. Lille, et qu'il avait mis cette somme à la disposition de Malus. On lui a observé que cependant tous les marchés de Malus étaient payables en assignats, et que s'il n'y avait pas imprudence et mauvaise foi de sa part, il y avait au moins ignorance. »

«N... Je tiens en main la copie d'une lettre écrite par le premier commis de la guerre, à Malus, ainsi conçue : Pour te sauver, Malus, j'ai fait faire une faute au ministre. (Murmures d'indignation.) Malus a la lettre dans sa poche; il vous la représentera, et alors vous connaîtrez les vrais coupables. >>

Un membre de la commission des vingt-un annonce qu'il a sur tous ces objets des faits positifs, et qu'il sera demain en état de faire son rapport.

Un rapporteur du comité de la guerre déclare que tous les états des approvisionnements des armées sont au comité, et que demain il sera en état de faire son rapport.

Cambon. « Citoyens, nous sommes dans l'alternative embarrassante, ou de confondre tous les pouvoirs, ou de laisser mourir de faim les braves soldats de la patrie. Sans. doute nous devons tout sacrifier pour assurer leurs subsistances; sans doute rien ne doit nous coûter pour pourvoir aux besoins de nos braves frères d'armes : mais comment se fait-il qu'avec cent quatre-vingt-dix-huit millions, cent quarante-huit millions, cent vingt-deux millions de dépenses par mois, car tel est le taux de la dépense des armées françaises pendant les trois derniers mois, comment se fait-il que tout manque ? Que deviennent tous nos assi

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