Page images
PDF
EPUB

pour lui en faire connaître la nomenclature et les preuves; » 5° Enfin, de prononcer dès le lendemain contre lui cette sentence de mort, que j'inv oquai le premier moi-même à cette tribune, et qui, si vous l'eussiez rendue à cette époque, aurait peut-être épargné à la France une partie des convulsions qui l'agitent aujourd'hui.»

L'assemblée ferme la discussion et ordonne la lecture des différents projets de décret sur le mode de jugement.

Manuel. « Je prie l'assemblée de me permettre une seule observation. Plusieurs de ces projets de décret ont pour objet de tellement précipiter votre décision que Louis XVI ne puisse être entendu. Brutus donna la mort à César sans aucune forme de procès sans doute, mais il l'assassina en plein sénat. Si César eût été en prison, certainement ce généreux Romain eût demandé que l'ennemi vaincu fût jugé. J'ai dit qu'un roi mort n'est pas un homme de moins sur la terre; mais la convention nationale ne peut commettre un assassinat. Je demande que Louis XVI soit entendu.» (On applaudit.)

Chabot. « Je demande que Louis XVI ne soit traduit à la barre ni un dimanche ni un lundi: on sait que ces jours d'oisiveté sont les plus favorables à ceux qui fomentent des mouvements populaires. »

L'assemblée est consultée sur la priorité entre les différents projets de décret. Elle est accordée à celui de Quinette.

Les différents articles de ce projet sont successivement décrétés ainsi qu'ils suivent :

La convention nationale décrète ce qui suit:

er

« Art. 1o La commission des vingt-quatre, les comités de législation et de sûreté générale nommeront chacun trois membres, qui se réuniront à la commission des douze.

» 2. Cette commission des vingt-un présentera lundi matin l'acte énonciatif des crimes dont Louis Capet est accusé. Elle mettra dans un ordre convenable toutes les piè ces à l'appui de cet acte.

1

» 3. La commission présentera, dans la séance du mardi matin, à huit heures, la série des questions à faire à Louis Capet.

>> 4. La convention nationale discutera, dans la séance de lundi, l'acte énonciatif des crimes de Louis Capet.

» 5. Le lendemain Louis Gapet sera traduit à la barre de la convention pour entendre la lecture de cet acte et répondre aux questions qui lui seront faites seulement par l'organe du président.

»6. Copie de l'acte énonciatif et de la série des questions serons remises à Louis Capet, et le président l'ajournera à deux jours pour être entendu définitivement.

» 7. Le lendemain de cette dernière comparution à la barre, la convention prononcera sur le sort de Louis Capet par appel nominal; chaque membre se présentera successivement à la tribune.

>> 8. La convention nationale charge le pouvoir exécutif, sous sa responsabilité, de prendre toutes les mesures de sûreté générale pendant le cours du jugement de Louis Capet.»

Marat. « On dit qu'il existe une faction criminelle et redoutable qui, à force d'anarchie, de troubles et de désordres, cherche à arracher à son supplice l'infâme tyran que vous allez juger. Oui sans doute vous trouverez cette faction; vous la trouverez dans le ridicule désespoir de la classe ci-devant privilégiée des ex-nobles, des ex-financiers, des ex-robins, des ex-calotins, dont quelques uns siégent encore parmi vous ; vous la trouverez dans les ministres, dans les membres de l'assemblée constituante, qui ont conspiré avec Louis Capet, et qui craignent qu'il se présente à cette barre où il révèlera ses complices. (On applaudit.) Vous la trouverez parmi ces hommes en crédit qui occupent des places dans les établissements publics; vous la trouverez parmi ces vils folliculaires (Il s'élève des éclats de rire.), parmi ces vils folliculaires, dis-je, qui vendent leur plume pestiférée à d'infâmes ministres (Quelques applaudissements partent des tribunes; une voix dans l'assemblée: à Philippe d'Orléans.); vous la trouverez

enfin dans les agents ministériels. Un citoyen honnête qui a été dans le commerce des grains s'est présenté au ministre de l'intérieur; il lui a offert de lui procurer des grains à vingt-sept livres le septier, tandis que le ministre les achète à cinquante-quatre livres dans les ports d'Angleterre. (Plusieurs voix: Nommez-le.) Un moment.

» Cet homme s'est présenté au comité de surveillance pour y faire cette déposition, et il en a été repoussé ; ce sont des faits qu'il m'a certifiés. Il faut savoir si le ministre de l'intérieur fait ses approvisionnements dans les magasins du ministre de la guerre ; ce dernier, je ne l'inculpe point: il est patriote.... J'observe qu'il y a, dans le bureau central des municipalités, des dénonciations multipliées contre le ministre de l'intérieur. On l'accuse d'avoir fait répandre dans les départements le bruit que Paris était approvisionné pour trois ans, sans doute pour empêcher la circulation des grains. Je demande que l'on s'assure des chefs de ces accaparements', de ces ouvriers de famine. On a saisi plusieurs auteurs des troubles excités dans le département du Loiret ; il est bien étonnant que l'on garde le silence sur leur compte; croyez-vous que si c'était des patriotes, on ne vous eût pas déjà fait un rapport scandaleux à cette tribune? Quels sont donc ces agents ministé riels sur lesquels on veut jeter le voile du mystère ?

» On a cherché à jeter les patriotes de cette assemblée dans des mesures inconsidérées, en demandant qu'ils votassent par acclamation la mort du tyran: eh bien ! moi, je les rappelle au plus grand calme; c'est avec sagesse qu'il faut prononcer. (Un mouvement d'étonnement paraît saisir l'assemblée; on applaudit. Marat rehausse la voix.). Oui, ne préparons pas aux ennemis de la liberté des calomnies atroces qu'ils feraient pleuvoir sur nous, nous livrions aux seuls sentiments de notre force et de notre indignation.

-

si nous

» Pour connaître les traîtres, car il y en a dans cette assemblée (Mouvement d'indignation. Plusieurs membres interpellent Marat: Nommez-les, lui crie-t-on de tou

tes parts.), pour les connaître avec certitude, je vous propose un moyen infaillible, c'est que la mort du tyran soit par appel nominal, et que cet appel soit publié.» (Applaudissements.)

votée

'Marat descend de la tribune au milieu des acclamations bruyantes des tribunes.

Louvet demande la parole pour un article additionnel au décret rendu sur les subsistances.

Les membres de l'une des extrémités s'y opposent.
L'assemblée décide qu'il sera entendu.

Il propose des mesures sur la forme du jugement de

Louis XVI.

Bourdon. « Ce projet de décret n'a aucun rapport avec ce que vous avez décrété à la suite du mémoire du ministre de l'intérieur. »

Louvet. « Ce que je propose tient à la tranquillité publique. Je demande que les membres de la municipalité de Paris en répondent individuellement et sur leurs têtes. »

Tureau. « Ceci n'est point un article additionnel; je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre pour avoir fallacieusement extorqué la parole. »

Le président. « La vérité est que Louvet n'a pas la parole sur l'affaire du ci-devant roi. »

Louvet insiste pour continuer la lecture de son projet de décret. (Un murmure presque général couvre sa voix.) Tallien. « Je demande que le commis de Roland n'exerce pas ici un despotisme, en extorquant la parole.> L'assemblée décide que Louvet ne sera pas entendu. La séance est levée à sept heures.

SÉANCE DU SEPT DÉCEMBRE.

La montagne cherche à compromettre Roland. Grangeneuve dénonce le complot. Affaire d'Achille Viard.

Grangeneuve. « Je dénonce un fait à l'assemblée. Ce matin il a été déposé sur le bureau du comité de surveillance un ordre signé Bazire, ayant pour objet de convoquer eertains membres pour une affaire importante; en sorte qu'il serait très possible, si on laissait subsister cet abus, les affaires s'arrangeassent par la minorité du comité.» Lindon. « Je demande que le fait soit examiné, afin que nous prenions un parti sur ce comité de sûreté générale, parcequ'il faut que personne ne dirige à son gré nos délibérations. >>

que

Tallien. « Je demande la parole pour répondre à cette importante dénonciation. »

Ruamps. « Voulez-vous savoir pourquoi il a été fait une convocation de certains membres de s'assembler chez Chabot? C'était pour manger un dindon. »

Tallien. « Voilà l'importante affaire. » (Il s'élève quelques rumeurs.)

Ruamps. «Voilà ce grand comité secret. Oh! ce n'est pas dans celui-là que viennent les courriers de Dumouriez, qui vont à Londres. Là ne viennent pas les agents de Roland.>> Grangeneuve. « Le billet d'invitation portait, pour entendre la dénonciation d'une affaire importante. »

Marat et Chabot montent à la tribune.

Marat, très animé. « Cela est indigne, M. le président! je vous demande la parole. »

Biroteau. « Je la demande aussi pour dénoncer les menées de ces messieurs. »

Grangencuve. « Je l'avais le premier. L'observation que je présente à l'assemblée pour la déterminer à entendre

« PreviousContinue »