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ai fait part de ma mission. Vous a-t-il donné des lettres pour Londres? Non. --- Quelqu'un vous en a-t-il donné pour lui ?—Taleyrand-Périgord 'm'a proposé de m'en remettre; c'était à Londres deux jours après mon arrivée. Êtes-vous allé chez Fauchet après votre retour ?-Non, puisqu'on m'avait donné des paquets. Je ne pouvais jouer deux rôles à la fois.-Qu'entendez-vous par là ?-Je veux dire qu'on m'en avait proposé; et comme j'étais dénonciateur, je n'ai pas voulu aller chez lui. Vous soupçonnez donc Fauchet?-Je ne dis pas cela; mais j'avais de la répugnance à aller chez lui, attendu que l'évêque d'Autun m'a proposé de lui porter des paquets. »

Treilhard. « Pourquoi êtes-vous allé au comité de surveillance? Monsieur, j'étais jaloux de faire voir à la république ce que l'on tramait contre elle. Pourquoi ne

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vous êtes-vous adressé qu'à une partie des membres de ce comité ? Je ne voulais confier ma dénonciation qu'à des membres dont j'étais bien sûr. (On rit.)- Vous connaissiez donc Chabot?—Non, je ne le connaissais pas auparavant. Pourquoi allâtes-vous chez Fauchet avant de partir pour Londres ? Pour lui faire un aveu qu'il reçut de bonne foi, et il s'y prêta... - Quel aveu ? Mais l'aveu qu'on tramait... ce qui se tramait à Londres contre la république..., et pour les paquets dont j'étais porteur. — Vous aviez donc des paquets ?- Non, il ne m'en a pas donné.—Êtes-vous reparti de Londres par l'ordre du ministre ?—Non, puisqu'il ne me répondait pas.-Pourquoi repartites-vous ? - Dubuc Longchamp me dit que le ministre Lebrun me rappelait, et d'ailleurs la dépense était extrême en Angleterre, les assignats y perdant beaucoup. Y avait-il long-temps que vous connaissiez Dubuc Longchamp? Oui; l'ayant reconnu à Londres, il me raconta son histoire mon rôle était alors de me mettre à l'unisson de ces gens-là. D'où vient que c'est par l'entremise de Dubuc Longchamp que le ministre des affaires étrangères vous a rappelé à Paris? Je n'en sais rien cela m'a étonné. Avez-vous eu des rapports avec n citoyen

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nommé Villeneuve, demeurant à Paris, rue de la Buttedes-Moulins ? Non. Vous ne le connaissez pas ?- Je ?le connais, mais je ne l'ai pas vu à Londres. - Comment l'avez-vous connu ? Il me fournissait toutes sortes de denrées, et même d'avance : je ne rougis pas de dire que j'ai encore un reste de compte avec lui. Le vous fréquemment depuis votre séjour à Paris?-Quelquefois; mais nos comptes nous ont brouillé, et ont mis du froid entre nous -Pourquoi cherchâtes-vous à être admis chez Roland? »

Merlin. « Mais en voilà assez. >>

Legendre. « Tout cela ne signifie rien. »

voyez

Chambon. « Je prie Legendre de nous dire s'il a mis la main sur Narbonne. »

Plusieurs membres, notamment Bazire, Bourdon, Merlin, insistent pour que l'interrogatoire cesse. Non, non, répond de nouveau une grande partie de l'assemblée.

Fermont reprend. « Pourquoi des paquets vous ayant été offerts pour, Roland comme pour Fauchet, avez-vous cherché à être admís chez le premier, tandis que vous ne voulûtes point retourner chez le dernier ? »

Viard. « J'ai chez moi toutes les lettres de ma correspondance avec Lebrun. On y trouvera les preuves de ce que je viens de dire. Lors de mon retour à Paris, j'allai ehez Lebrun, et je lui rendis compte de ma mission. Il en écouta le détail avec tant de froideur, que je résolus de me présenter chez M. Roland, dont la réputation de civisme m'enhardissait, pour l'intéresser à la surveillance dans une circonstance aussi critique; mais jugeant que M. Roland ne pouvait avoir que peu de temps à me donner, et désirant me présenter à lui dans un moment opportun, je m'adressai à madame Roland, et lui écrivis pour la prier de me ménager une entrevue avec son mari. Elle me répondit qu'on la trouvait depuis dix jusqu'à onze heures. Je ne me rendis pas chez elle le lendemain de la réception de ce billet, mais le surlendemain j'y allai, et je lui fis part des motifs de l'entrevue que je sollicitais. Madame Roland me

répondit qu'elle s'en tenait à son rôle de femme; qu'elle n'était qu'à côté des affaires, et que si j'avais à communiquer à son mari quelque chose d'important, je pouvais m'adresser à lui-même. »

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On observe que cette dernière réponse est absolument contradictoire avec la déclaration écrite lue au commencement de la séance par Chabot.-Un mouvement presque général d'indignation se manifeste dans l'assemblée.—Un grand nombre de membres se lèvent à la fois, et demandent que Viard soit mis en arrestation.

On entend au milieu du tumulte les cris de Chabot, de Tallien, de Marat.

Ruamps. « J'atteste que notre procès-verbal a cependant été relu par Viard, et qu'il s'est le premier offert à le signer. D

Viard. Dans la multitude de questions qui m'ont été faites ce matin par Chabot, il est possible qu'il se soit trompé en écrivant. >>

Fermont fait quelques autres questions à Viard. Celuici ne répond plus que par des mots entrecoupés et contradictoires. Tallien interrompt en demandant à faire une motion d'ordre.

On demande que la citoyenne Roland soit sur-le-champ introduite, pour donner des explications sur cette partie de la déclaration de Viard.

Un grand nombre de voix : « Oui, oui. »

Chambon. « Il faut qu'elle soit entendue pendant que Viard est à la barre. »

L'admission est ordonnée.

La citoyenne Roland paraît à la barre. (Il s'élève de nombreux applaudissements.)

Le président. « Citoyenne, la convention a désiré vous entendre sur un objet dont il va vous être donné connaissance. Quel est votre nom ?

>>

La citoyenne Roland. «Roland, nom dont je m'honore, car c'est celui d'un homme de bien. » (On applaudit.) Leprésident. Connaissez-vous le citoyen Achille Viard?»

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La citoyenne Roland. « Je ne le connais pas; mais je reçus, il y a huit jours, une lettre où le citoyen qui signait ce nom m'annonçait qu'ayant la confiance du citoyen Lebrun, ministre des affaires étrangères, et étant sur le point de partir pour l'Angleterre, où il avait découvert une grande conjuration contre la république, il avait à communiquer au citoyen Lebrun des choses très intéressantes pour lui et pour le citoyen Roland, mais qu'il n'avait pu lui en faire part, à cause de la multiplicité de ses affaires. Je lui répondis par un billet non signé, que s'il s'agissait d'affaires publiques je m'en tenais à mon rôle de femme, et qu'il fallait s'adresser au citoyen Roland; que si la chose intéressait sa personne, je serais visible le lendemain de dix à onze heures. Je reçus une seconde lettre, par laquelle on m'informait, qu'invité par le citoyen Lebrun à un rendez-vous très important, on ne viendrait pas le lendemain, mais seulement le surlendemain. Le surlendemain, je vis le citoyen Viard, que je reconnais. Il me raconta ce qu'il avait vu à Londres. Je le laissai parler autant qu'il voulut. Je lui témoignai mon étonnement, sur ce qu'ayant des choses intéressantes à communiquer au ministre, c'était à moi qu'il s'adressait plutôt qu'à lui; je crus qu'apparemment il était dans une erreur que partageaient plusieurs personnes. Il me dit que le ministre était si surchargé d'affaires, qu'il ne pourrait lui indiquer qu'un rendez-vous éloigné; que mon intervention pourrait en rapprocher le terme. Je lui répondis que je n'étais qu'à côté des affaires, que ce n'était pas à moi de disposer du temps du citoyen Roland; qu'il savait trop bien diriger l'emploi de ses moments pour que je pusse m'en mêler; que d'ailleurs, comme fonctionnaire public, il s'en tenait à l'usage de n'entendre les personnes qui ont des affaires à lui communiquer que dans l'ordre de la date de leur présentation. Il se retira.

» Sans avoir l'œil très exercé, j'ai cru voir dans monsieur un homme qui venait pour observer ce qu'on pensait plus que toute autre chose. (On applaudit à plusieurs re

prises. Quelques murmures se font entendre dans une extrémité de la salle.)

On demande que les honneurs de la séance soient accordés à la citoyenne Roland.

Le président. « Citoyenne, la convention, satisfaite des éclaircissements que vous venez de lui donner, vous invite aux honneurs de la séance. »

La citoyenne Roland traverse la salle au milieu des applaudissements de la grande majorité de l'assemblée.

Marat, près de la tribune. « Voyez le silence du peuple; il est plus sage que nous. »

Un des secrétaires fait lecture de la lettre du ministre des affaires étrangères, relative à cet objet. En voici l'extrait :

«

Paris, 7 décembre.

J'apprends que je suis accusé d'avoir envoyé à Londres, pour y fomenter des troubles, le citoyen Achille Viard. Voici la vérité du fait. Le 30 septembre, Achille Viard est venu me demander un passe-port pour se rendre à Londres. Il m'apportait une lettre de Claude Fauchet, annonçant que ce citoyen y pourrait être très utile pour arrêter l'effet d'une conspiration qu'il avait découverte. Je ne crus pas devoir refuser ce passe-port à un citoyen muni d'une telle recommandation. J'ignore ce qu'il a fait à Londres; mais je sais qu'il n'a rempli ni l'espoir de Claude' Fauchet ni le mien. Il n'est pas assez fort en moyens physiques et moraux (On rit.) pour donner de l'inquiétude à l'Angleterre. Toute ma correspondance prouve que j'ai toujours tenu envers la nation britannique une conduite franche et loyale. (On applaudit.) J'ai une trop haute idée des relations que doivent avoir ensemble les deux nations pour recourir à des manœuvres si basses.

» P. S. Si une extinction de voix ne m'empêchait de me faire entendre, j'eusse été moi-même donner ces détails à l'assemblée. Si elle en exige d'ultérieurs, je les donnerai

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