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Règlement italien du 27 octobre 1891

sur la Prostitution.

ARTICLE PREMIER.

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

Les autorités publiques, selon leur compétence et dans le mode fixé par les lois générales et le présent règlement, pour

voiront :

1o A empêcher que la morale et la décence soient offensées dans un lieu public ou ouvert au public;

2o A surveiller, dans l'intérêt général de la sécurité et de l'hygiène publique, les lieux déclarés « locaux de prostitution » (luoghi dichiarati « locali di meretricio ») (1);

3o A protéger les femmes qui ont l'intention de quitter les locaux de prostitution et à faciliter leur retour à la vie honnête;

4o A veiller sur le traitement des maladies vénériennes et à en empêcher la diffusion.

Sous réserve des autres dispositions des lois et des règlements généraux, les facultés octroyées aux officiers publics et aux agents afin de pourvoir aux prescriptions ci-dessus sont mentionnées et limitées comme ci-après.

TITRE II

OFFENSES CONTRE LA MORALE ET LA DÉCENCE PUBLIQUES.

-

ART. 2. Il est défendu aux personnes de l'un et l'autre sexe : a) De faire aucune invitation ou excitation au libertinage (invito o eccitamento al libertinaggio), même d'une manière indirecte, dans les lieux publics ou ouverts au public;

b) De suivre les passants dans la rue en les attirant au libertinage par actes ou paroles séductrices (adescandole);

c) De se faire voir aux fenêtres et de se tenir sur le seuil des portes des maisons déclarées lieux de prostitution;

d) De faire publiquement des réclames en faveur des lieux de prostitution ou, de quelque manière que ce soit, offre de proxénétisme.

ART. 3. Les contraventions aux dispositions de l'article précédent, quand elles ne présentent pas les éléments constitutifs du crime aux

(1) Le lecteur remarquera que l'expression est bien plus générale que celle qui est employée par le règlement de M. Crispi (titre II, Delle case di prostitutione, art. 4 et 5).

termes de l'article 338 du Code pénal (1), sont punies d'une amende maximum de 50 francs, ou d'une peine maximum de 5 jours d'arrêts. Dans les cas plus graves, la peine des arrêts peut être portée à un maximum de 10 jours.

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ART. 4. Les personnes qui auront contrevenu aux dispositions de l'article 2 pourront, quel que soit le cas, être conduites à l'office de la sûreté publique pour y faire les constatations nécessaires.

Les procès-verbaux des contraventions devront être renvoyés à l'autorité judiciaire compétente.

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TITRE III

LES LOCAUX DE PROSTITUTION.

ART. 5. Par locaux de prostitution s'entendent les maisons, les quartiers et quelque autre lieu que ce soit de réception close, où, dans les modes fixés au présent règlement, est déclarée s'exercer habituellement la prostitution.

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ART. 6. La déclaration qui établit qu'une maison, un quartier ou quelque autre lieu que ce soit de réception close est « un local de prostitution» est faite par l'autorité de la santé publique, quand cette déclaration est requise près cette même autorité par celui qui a l'intention d'ouvrir ledit local (2).

ART. 7. - Aucun local de prostitution ne peut entrer en fonctionnement sous peine d'une amende de 50 francs ou d'un emprisonnement maximum de 10 jours d'arrêts, sans que la déclaration ait été agréée par l'Autorité de la sûreté publique, aux termes de l'article précédent.

--

ART. 8. Quand l'Autorité de la sûreté publique constate, par ses informations propres ou sur la dénonciation ou sur la demande des personnes intéressées, qu'en cedit local s'exerce habituellement la prostitution, elle devra faire venir en sa présence l'occupant et l'avertir qu'en continuant à faire un tel usage des lieux, il devra se conformer aux règles du présent règlement, sauf, s'il passe outre, à tomber sous le coup de la contravention prévue à l'article 7.

La mesure prévue au paragraphe précédent et la dénonciation de la contravention seront encourues lorsque la personne invitée à se présenter ne l'aura pas fait sans motif justificatif.

ART. 9. L'Autorité de la sûreté publique, avant de pourvoir à la déclaration d'un local de prostitution et d'émettre une réponse conforme, a l'obligation de provoquer une conclusion du Chef des carabiniers

(1) ART. 338 C. p. Quiconque, en dehors des cas indiqués aux articles précédents, offense la pudeur ou les bonnes mœurs, par des actes commis dans un lieu public ou ouvert au public, est puni de la peine de réclusion de trois à trente mois.

(2) La dicchiarazione... è fatta delli Autorità di publica siccurezz a quando, tale dicchiarazione venga richiesta ad essa Autorità da chi intende aperire siffato locale?

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royaux, qui devra remettre son avis par écrit. Cet avis sera seulement consultatif.

La même autorité devra examiner, avec l'assistance d'un employé faisant fonction de secrétaire, les témoignages qui seront présentés par les intéressés ou résulteront des dénonciations. Les déclarations seront produites par écrit.

ART. 10. Les déclarations que l'Autorité aura à émettre au sens des articles 6 et 7, devront être communiquées, en copie, par les soins du commandement de la brigade des gardiens de la ville, s'il en existe, ou par une des gardes en sa dépendance, ou par le service communal en tous autres cas, aux locataires ou aux personnes qui les représentent, demeurant dans les lieux qui viennent d'être déclarés locaux de prostitution.

La relation de cette opération sera consignée par écrit avec mention du jour et de l'heure de la communication et aussi de la personne à qui elle aura été faite.

ART. 11. - Aucun local ne pourra être déclaré servir à l'usage de la prostitution contre la volonté de celui qui dispose du titre de propriété, de l'usufruit ou de la location.

Ne pourra non plus être employé à un tel usage un local qui, par sa situation spéciale, se trouvant près des édifices destinés à l'enseignement, à l'éducation ou au culte, près des casernes, des marchés ou près de quelque autre lieu de rassemblement public, pourrait devenir, au jugement de l'Autorité de la sûreté publique, l'occasion d'un scandale.

Quand un local déjà déclaré local de prostitution viendra à se trouver dans les conditions ci-dessus, la fermeture en sera ordonnée.

Les personnes habitant dans le local déclaré de prostitution et quand ces personnes sont mineures leurs parents et alliés jusqu'au troisième degré inclusivement, les propriétaires, co-propriétaires et tous ceux qui ont la jouissance des lieux à quelque titre que ce soit et d'ailleurs toute autre personne intéressée, pourront porter réclamation contre l'ordonnance contenant la déclaration susdite, etc., dans les huit jours depuis sa notification.

La réclamation devra être adressée à l'autorité politique (all' Autorità politica) de l'arrondissement: elle n'a point d'effet suspensif.

ART. 13. Une Commission est appelée à prendre décision sur lesdites réclamations; elle est présidée par le Préfet ou un conseiller de Préfecture par lui délégué ou par le sous-préfet; elle est composée du Syndic ou de son délégué et d'un fonctionnaire du ministère public près le tribunal ou la préture (selon les localités).

ART. 14. La Commission se réunira d'urgence et interrogera in privato l'autorité de la Sûreté publique, les intéressés et les témoins présentés tout à la fois par les parties et les autres informations qu'elle trouvera les plus convenables.

La Commission délibérera à la majorité et son jugement sera administrativement irrevisable (insindicabile).

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ART. 15. La déclaration du local de prostitution ne pourra être faite d'office, sinon pour ceux de ces locaux où se trouvent réunies deux femmes ou plus dans un but de prostitution. Cette déclaration pourra, à cause de cela, être faite encore dans le cas où il s'agirait d'un local occupé par une seule femme, laquelle exerce publiquement la prostitution, quand cette femme aura subi précédemment une condamnation au présent règlement, ou quand il sera constant que cette femme aura contaminé une autre personne d'une maladie syphilitique dont elle était elle-même affectée (1).

ART. 16. La personne qui dispose du local qui doit être déclaré « de prostitution » devra passer un acte de soumission devant l'autorité de la sûreté publique, dans lequel:

1o Sera donnée une description complète des lieux destinés à l'exercice de la prostitution, avec l'indication des ouvertures qui y donnent accès; 2o Seront donnés l'état civil et la liste générale des personnes qui y exerceront la prostitution et de celles qui sont attachées à leur service, avec obligation de notifier dans les 24 heures à l'autorité de la Sûreté publique tout changement dans le personnel qui viendrait, soit à demeurer dans le local de prostitution, soit à le quitter définitivement;

3o Sera pris l'engagement de n'admettre à aucun titre, pour un séjour même temporaire, des femmes affectées de maladies syphilitiques avec forme contagieuse;

4o Sera pris l'engagement de pourvoir à la surveillance sanitaire concernant les maladies vénériennes des femmes qui demeureront dans le local ou le fréquenteront pour exercer la prostitution, en indiquant en même temps par quels moyens l'on pourvoira à leur traitement, soit au dehors, soit dans le local en cas de maladies vénériennes contagieuses.

A cet effet, on indiquera le nom et le prénom du praticien à qui sera confié le soin d'exercer cette surveillance sanitaire, en ajoutant une déclaration de cette même personne qu'elle en assume bien la charge d'après les règles prescrites dans les instructions de l'autorité sanitaire.

ART. 17. L'autorité de la sûreté publique, avant d'accepter cet acte de soumission et de faire la déclaration (fare la dichiarazione) du local de prostitution :

1o Pourvoira à l'inspection du local même pour s'assurer si rien ne s'y oppose, par sa situation, au dispositif de l'article 11 du présent règlement, et s'il correspond exactement à la description qui en a été donnée.

2o Établira, selon l'état des lieux, s'il peut y avoir une ou plusieurs entrées, en ayant soin d'ordonner la fermeture en le murant - de

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(1) Le lecteur voudra bien se reporter, à propos de cet article, aux énormes chiffres de maisons de tolérance que M. le Secrétaire général Hennequin avait portés à plusieurs milliers, dans la XII séance, pour les besoins de son argumentation en faveur du maintien des lupanars: l'Italie était représentée comme ayant décuplé les maisons, bien qu'elle ait atténué la police des mœurs. L'article 15 fait bien comprendre, qu'on peut, en multipliant les déclarations de locaux habités par deux femmes seulement et même par une seule femme, administrativement faire croire à la multiplication des maisons.

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tout autre passage communiquant avec l'extérieur ou de toute communication quelle qu'elle soit donnant sur des locaux voisins;

3o Transmettra à l'autorité sanitaire les indications les plus opportunes sur le local, sur le nombre des personnes qui doivent y être admises pour exercer la prostitution; ainsi qu'au praticien à qui sera confiée la surveillance hygiénique, pour qu'il soit observé s'il est satisfait aux besoins du service de surveillance ou qu'il soit indiqué si l'on doit chercher autrement quelle sera une meilleure manière de garantir la santé publique saine et sauve.

ART. 18. Lorsque la personne qui dispose du local de prostitution ne voudra pas se conformer aux injonctions faites par l'Autorité de la sûreté publique relativement aux conditions du local et au service de la surveillance sanitaire, ou, ayant déclaré dans l'acte de soumission qu'elle s'y conformerait, transgressera les obligations diverses auxquelles elle s'était engagée, à cette personne sera en premier lieu retirée la déclaration de son local comme « local de prostitution »; au second constat du viol des règlements, la fermeture sera ordonnée.

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ART. 19. - Celui qui dispose d'un local déclaré « local de prostitution >> sera passible d'une amende maximum de 50 francs ou de la peine maximum des arrêts de 10 jours, avec l'obligation de rétablir les lieux dans leur état ancien, quand il aura modifié le local même ou ses accès sans avoir obtenu le consentement de l'Autorité de la sûreté publique.

ART. 20. Le même sera passible desdites peines :

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1° Quand il n'aura pas obéi à l'obligation de notifier les changements survenus dans le personnel des femmes admises à l'exercice de la prostitution, selon les règles portées au titre IV du règlement pour l'application de la loi sur la sûreté publique du 30 juin 1889 (no 6144) concernant le service de la statistique, dont les pénalités seront appliquées aux contrevenants à la présente disposition;

2o Quand sciemment ou par incurie dans la surveillance sanitaire, il admettra dans le local ou conservera, même temporairement, les femmes atteintes de maladies vénériennes avec manifestations contagieuses.

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TITRE IV

SURVEILLANCE DES LOCAUX DE PROSTITUTION.

ART. 21. A quelque heure que ce soit de l'horaire établi à l'article 23 et en dehors même de cet horaire s'il se produit de graves motifs pour maintenir la sûreté publique, les officiers et les agents de ladite sûreté pourront entrer dans les lieux déclarés de prostitution et y procéder à la visite de toutes les pièces.

La règle pour les cas d'urgence, et les exigences exceptionnelles du service est que: 1° pour le premier cas les agents ne pourront entrer dans les locaux de prostitution, sans être passibles de peines disciplinaires, s'ils ne sont au nombre de deux et en uniforme; 2° pour le second cas ne

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