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CHAPITRE XXVII

Vingt-deuxième séance: 9 juin 1905.

ORDRE DU JOUR:

Soins obligatoires aux détenus de droit commun vénériens (Dr Lucas).
Propositions de M. Augagneur.

Extension obligatoire des secours
et soins médicaux aux malades spéciaux,
imposée par la loi

aux Sociétés de secours mutuels ou autres. (Suite et fin de la discussion.)

Répression du charlatanisme

exercé par voie d'affiches, etc:, au détriment
des malades atteints d'affections spéciales.
(Suite de la discussion.)

Amendements et discours du Professeur Le Poittevin, rapporteur.

Sommaire. — Proposition de M. le Dr Lucas sur les soins à donner d'office aux détenus de droit commun vénériens: MM. le Président Bérenger, Professeur Augagneur, Fosse, Professeur Fournier.

Extension obligatoire des secours et soins médicaux aux malades vénériens à imposer par la loi aux Sociétés de Secours mutuels (suite de la discussion de la séance du 10 mars 1905); proposition du Professeur Augagneur: MM. Augagneur, Monod, Le Poittevin, Hennequin, Professeur Gide, Bruman. Adoption de la proposition.

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Répression du charlatanisme exercé par voie d'affiches, etc., au détriment des personnes atteintes d'affections vénériennes. Proposition de M. Augagneur. - Une lettre de M. Brieux au Matin. Discours de M. le Professeur Le Poitevin, rapporteur: Trois moyens de répression des affiches de vespasiennes : 1° la législation sur les remèdes secrets; 2o le délit d'escroquerie ; 3o la loi sur l'exercice illégal de la Inédecine. Commentaires juridiques. Arrêts de la Cour d'appel et de la Cour de cassation. Le remède magistral; le remède officinal; le remède secret. « Les pastilles Géraudel ». La question de liberté et la loi du 29 juillet 1881. - Digression: les plaques des médecins de quartier; les affiches hospitalières; questions de déontologie: MM. Augagneur, Besnier, Fournier, Le Poittevin, président Bérenger. Amendements divers de M. le Professeur Le Poittevin sur l'affichage hospitalier, les annonces de journaux, les annuaires (Botlin, etc.), prospectus sous bande ou enveloppe non fermée. Observations de M. Yves Guyot, de Mm Avril de Sainte-Croix. - Conclusions du Rapporteur: Une ques tion constitutionnelle: la liberté. L'expérience de la liberté corrige les excès de la liberté elle-même ». -- Opinion personnelle et appréhensions du Rapporteur. - Texte de la proposition amendée par le Professeur Le Poittevin; aquies cement de M. le Professeur Augagneur, auteur de la proposition. - Une question de MM. Yves Guyot et Dr Butte. Ajournement du vole sur la répression du charlatanisme médical en matière d'affiches destinées à piper les vénériens,

La séance est ouverte à 9 h. 50 m. sous la présidence de M. le sénateur Bérenger, vice-président de la Commission extraparlementaire, en l'absence de M. Dislère, président, empêché.

M. le Président demande si personne n'a d'observations à présenter sur la rédaction du procès-verbal de la vingt et unième séance.

Le procès-verbal est adopté sans observation.

L'ordre du jour distribué appelle la discussion des questions suivantes : 1o Amendement de MM. Turot et Lucas aux propositions de MM. Bérenger et Butte relatives à la prohylaxie des maladies vénériennes ;.

2o Suite de la discussion des propositions de M. Augagneur concernant les Sociétés de secours mutuels et les mesures à prendre à l'égard des médecins charlatans ;

3o Propositions de MM. Bérenger et Le Poitevin au sujet des mi

neures;

4o Délit de contamination.

La proposition de M. Turot est ainsi conçue :

<< Tout individu conduit à la prison, soit en vertu de l'article 479, soit en raison d'un délit de droit commun, sera soumis à une visite sanitaire et soigné spécialement, s'il est reconnu atteint d'une maladie contagieuse.

» On s'efforcera, en cas de non-guérison, à l'expiration de sa peine, de l'amener à continuer le traitement, soit à l'hôpital, soit à domicile, en fournissant soins et médicaments gratuits. >>

Cette proposition est, en somme, une extension de celle qui a été faite par M. le Président et votée dans la séance du 26 mai,

Au lieu de limiter l'obligation du traitement forcé de la maladie vénérienne contagieuse aux individus condamnés pour racolage ou pour délit contre les mœurs, M. Turot veut imposer cette obligation à tout individu détenu pour un délit de droit commun quelconque.

M. Turot étant absent, M. le Président propose à la Commission d'ajourner l'examen de son amendement.

L'ajournement est accepté.

M. le Président donne lecture de l'amendement de M. le Dr Lucas qui est libellé en ces termes :

«La présence d'une maladie vénérienne constatée chez un détenu de droit commun, à la demande de ce dernier, entraîne de droit son admission à l'infirmeric, »

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Si M. le Dr Lucas maintient cette proposition que M. le Président croyait avoir été retirée il voudra bien faire connaître s'il entre ou non dans ses intentions de la réunir à l'amendement présenté par M. Turot.

M. le D Lucas fait observer que sa proposition n'a pas le même objet que celle de M. Turot; il en demande la discussion à part et dans la séance d'aujourd'hui.

M. le Président donne la parole à M. le Dr Lucas pour défendre son amendement.

Dr LUCAS SUR LE TRAITEMENT DES PRISONNIERS VÉNÉRIENS 393

M. le D Lucas expose que, s'il a eu la pensée de déposer cet amendement, c'est qu'il a pu constater, par lui-même, qu'à la prison de Saint-Lazare, les détenues de droit commun atteintes de maladies vénériennes ne recevaient pas les soins réclamés par leur état. Or, M. Lucas estime que tout détenu malade a droit à des soins quand il les demande. A Saint-Lazare, on ne garde que celles des détenues de droit commun dont la peine n'excède pas une durée d'un mois; au delà d'un mois d'emprisonnement on les dirige sur d'autres établissements pénitentiaires, notamment sur celui de Nanterre, Là, il n'y a pas d'infirmerie. L'infirmerie de Saint-Lazare est celle des condamnées du département de la Seine.

On pourrait, sans doute, y renvoyer les détenues qu'on a reconnues atteintes de maladies vénériennes. Mais il n'en est malheureusement pas ainsi.

La syphilis est une affection déprimante; elle anémie celui qui en est atteint et exige, par conséquent, un régime réconfortant. Pourtant, lorsqu'une vénérienne réclame des soins et que l'on consent à les lui donner, on se borne à lui envoyer, dans sa cellule, des pilules de proto-iodure de mercure. D'une part, l'Administration pénitentiaire prétexte que la détenue pourra se soigner mieux après sa libération. D'autre part, elle évite d'assurer un traitement convenable aux vénériennes, tant à cause de l'exiguité de ses locaux qu'en raison des lourdes charges budgétaires qui en résulteraient ; il en résulte que, par la faute de l'Administration pénitentiaire, cette catégorie de malades n'est pas soignée.

M. Lucas pense qu'il est indispensable de remédier à cet état de choses. Son amendement lui semble tout à fait humanitaire et, par surcroit, utile au point de vue de la prophylaxie morale; il en demande l'adoption.

M. le Président précise le but de la proposition de M. Lucas; Thonorable collègue suppose un détenu, homme ou femme, même en état de prévention, dont la maladie vénérienne a été constatée dans la prison même et il demande que l'admission de ce détenu malade à l'infirmerie de la prison soit de droit, pendant toute la durée de sa détention dans ledit établissement. M. le Président croit qu'il ne s'agit là que d'une mesure intérieure que la direction de la prison peut facilement prendre elle-même et sous sa responsabilité.

M. le Dr Lucas. Cette mesure si simple n'existe pas.

M. Augagneur ne croit pas que l'amendement proposé par M. Lucas soit assez important pour être discuté et résolu isolément; c'est, en réalité, une proposition annexe qui ne saurait trouver sa place parmi les résolutions capitales issues du débat actuel. D'ailleurs, elle n'est pas sans présenter quelques inconvénients.

Tous les membres de cette assemblée sont d'accord pour reconnaître que le détenu malade a droit à des soins. Mais il ne faudrait pas, cependant, instituer une prime extraordinaire à la plaque muqueuse en soignant les délinquants vénériens emprisonnés, d'une façon si agréable

qu'on crée à leur profit un état meilleur que celui de l'homme libre et honnête. Celui-ci, un ouvrier par exemple, continuera à travailler, bien qu'il soit atteint de la syphilis: il serait inadmissible qu'un détenu, dans le même cas, eût la faculté de se reposer à l'infirmerie. Avec ce système on verrait des prisonniers se procurer une maladie vénérienne...

I semble donc qu'il n'y a pas lieu de libeller des propositions formelles dans ce sens. On pourrait indiquer simplement à l'Administration pénitentiaire, dans une formule dépourvue de solennité, la nécessité de soigner les détenus à l'infirmerie lorsque les circonstances l'exigent réellement.

M. le docteur Lucas. Mais si la prison ne possède pas une infirmerie? Est-ce que, d'ailleurs, les détenues vénériennes ne sont pas susceptibles de contaminer les personnes du dehors, rien que par le fait d'avoir entrepris certains travaux de confection, étant atteintes d'accidents syphilitiques transmissibles? Il peut donc être dangereux, parfois, de ne pas envoyer ces travailleuses à l'infirmerie.

M. Augagneur. Jamais une femme n'a contracté la syphilis pour avoir acheté un pantalon brodé par une syphilitique. (Rires.)

M. le Président a été surpris, pour sa part, d'entendre dire à M. le Dr Lucas que l'établissement de Nanterre n'avait pas une infirmerie : M. le Président a visité, il n'y a pas fort longtemps, cette maison, et il a constaté quelle était pourvue d'une infirmerie très vaste et peutêtre même un peu trop luxueuse.

M. le Dr Lucas explique qu'à Nanterre l'infirmerie, dont parle M. le Président, est spéciale au quartier des hospitalisés ou au dépôt de mendicité.

M. le Professeur Fournier soutient que le détenu malade doit avoir, en cas de besoin, le droit d'appeler le médecin. L'orateur prend le cas d'une femme détenue atteinte d'une gomme palatine et menacée de perforation du voile: pour la sauver, des soins immédiats sont indispensables. Il est done urgent de la transférer de suite à l'infirmerie. En présence d'un pareil cas ou de cas analogues, M. Lucas a cent fois raison de réclamer l'examen par le médecin, qui est seul qualifié pour prescrire les mesures que comporte l'accident.

M. Fosse demande que la question soit renvoyée à l'Administration pénitentiaire.

M. Fiaux croit que la discussion de la proposition de M. Lucas est tout à fait à sa place en ce moment et que la Commission pourrait donner une conclusion formelle.

M. Augagneur fait observer qu'au lieu de décider que « le détenu vénérien sera placé à l'infirmerie, il serait préférable de dire, dans le texte en discussion, que « ce détenu sera traitė ».

M. le Président. Le médecin manquerait à tous ses devoirs s'il ne traitait pas un détenu reconnu malade. M. Lucas n'apporte pas la preuve que des médecins aient manqué à ce devoir professionnel.

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M. AUGAGNEUR: SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS ET VÉNÉRIENS 395

M. le Président. Après l'échange de vues qui vient d'avoir lieu, M. Lucas maintient-il la rédaction de son amendement ?

M. le Dr Lucas déclare qu'il est disposé à modifier le libellé de sa proposition, mais de façon à rendre obligatoires les soins donnés aux détenus; il a vu pendant son séjour à Saint-Lazare des médecins de prison insister en vain pour faire admettre des détenues à l'infirmerie.... Le médecin de prison n'est pas libre.... M. Lucas libelle en ces termes la fin de sa proposition : « ...... entraîne de droit son admission à l'infirmerie si le médecin le juge nécessaire. »

M. le Professeur Fournier donne son entier assentiment à la rédaction du texte de M. le Dr Lucas.

M. le Président met aux voix la motion de M. Augagneur, tendant à ce que le vœu de M. le Dr Lucas soit purement et simplement renvoyé à l'examen de l'Administration pénitentiaire.

La motion de M. Augagneur est adoptée sans opposition.

M. le Président. Il reste convenu que la discussion de l'amendement de M. Turot tendant à soumettre à la visite et à soigner spécialement, si besoin est, tout détenu de droit commun atteint de maladie vénérienne, sera ajournée à la prochaine séance, l'auteur de l'amendement n'étant pas encore présent.

Extension obligatoire des secours

et soins médicaux aux malades spéciaux,
imposée par la loi

aux sociétés de Secours mutuels ou autres.

(Suite et fin de la discussion de la séance du 40 mars 1905.) (1).

M. le Président.

L'ordre du jour appelle maintenant l'examen

des propositions de M. Augagneur, savoir:

1° Obligation, pour les Sociétés de secours mutuels, d'admettre les malades vénériens au bénéfice des secours alloués, par leurs statuts, aux autres malades ;

20 Mesures propres à assurer la répression du charlatanisme en ce qui concerne les maladies vénériennes.

M. Augagneur a la parole pour défendre la première de ces propositions.

M. Augagneur rappelle que le Bureau lui avait demandé, le 10 mars dernier, de présenter un rapport écrit sur cette question des Sociétés de secours mutuels. Il n'a pas cru que ce rapport, sous cette forme, fût nécessaire, et d'ailleurs le temps lui a fait défaut pour le rédiger.

Voici, en quelques mots, la situation que l'orateur avait voulu viser. Certains statuts de Sociétés de secours mutuels stipulent que les malades

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