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TEXTE DU PROFESSEUR LE POITTEVIN

411 Que faisons-nous en ce moment avec le projet ? Nous nous attaquons à des usages qui remontent à des principes recommandables. Sans doute nous attaquons l'inconvénient de la liberté, mais c'est une voie où il ne faut pas s'engager l'expérience de la liberté corrige les excès de la liberté elle-même. Qu'est-ce qu'un abus ? C'est l'extension même de la liberté. (Mouvement.)

L'orateur a cependant passé par-dessus son scrupule, car il s'est trouvé au milieu d'une réunion où des médecins de haute valeur ont attesté la gravité du péril vénérien il s'est alors résigné à passer par-dessus l'obstacle non sans hésiter encore une fois, comme jurisconsulte aimant à voir la liberté dans le droit.

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Une seconde objection d'ordre général que fera M. Le Poitevin en terminant, est la suivante : Forateur l'indique pour le compte des médecins et s'excuse de la franchise de son langage. En les voyant réclamer toutes ces mesures prohibitives, certains seraient presque tentés de leur dire : nez garde! Vous semblez attaquer la concurrence! » (Bruits divers.) Plus qu'un mot : l'orateur croit de son devoir de le prononcer. Il est entré dans les vues de ces collègues parce qu'on lui a affirmé que c'était-là une question d'utilité sociale : mais il le confesse, c'est avec peine » qu'il s'est engagé dans cette voie. Les objections qui se présentent d'elles-mêmes sont vraiment sérieuses.

M. le Professeur Le Poittevin a fini sa tâche de rapporteur; il a peint e son état d'àme » comme on dit aujourd'hui à ses collègues de décider. (Applaudissements dans toutes les parties de la salle.)

Le texte complet de la proposition, avec les amendements introduits par M. le Professeur Le Poittevin, qui en donne lecture, est le suivant :

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Quiconque aura spécifié un traitement ou indiqué une personne faisant le traitement des maladies vénériennes, quelle que soit l'appellation employée pour désigner ces maladies :

» 1o Au moyen d'annonces ou réclames insérées dans les journaux ou publications périodiques ou non (à l'exception des énonciations contenues dans les listes courantes des annuaires médicaux ou autres);

» 20 Au moyen de réclames ou prospectus distribués sur la voie publique ou dans les lieux publics, ou distribués à domicile, ou remis sous bande ou sous enveloppe non fermée, soit à la poste, soit à tout agent de distribution ou de transport :

3o Au moyen d'affiches exposées sur la voie publique ou dans les lieux publics, à l'exception des indications de service ou de consultations affichées à la porte des hôpitaux ou cliniques, ou aux domiciles des médecins. »

M. le Professeur Le Poitteyin ajoute cette dernière observation: il fait remarquer que le texte ci-dessus ne dit plus: Sera puni comme ayant commis le délit d'outrage aux bonnes nours; cette assimilation est au moins superflue et pourrait conduire à des conséquences imprévues.

La pénalité n'est pas indiquée: si la Commission accepte le projet, il y aura lieu de la discuter.

M. Yves Guyot rappelle qu'il a posé à M. le rapporteur la question suivante : << Interdirez-vous l'annonce d'un traitement des maladies vénériennes dans un journal exclusivement destiné à un médecin ? »

Il importe de préciser. M. Yves Guyot renouvelle sa question : « Parmi les publications périodiques ou non dont parle la proposition, comprenezvous, oui ou non, les journaux de médecine? »

M. le Professeur Le Poitte vin.

Oui, je les comprends... Que

voulez-vous ? Nous nous attaquons à la liberté! (Bruits divers.)

Mme Avril de Sainte-Croix demandera également à M. Le Poittevin comment on fera la démarcation entre l'article véritablement scientifique et l'article-réclame payé 300 et 500 francs en première page de journal? M. le Professeur Le Poittevin. Le juge appréciera. M. le Professeur Augagneur.

- Tous les jugements en sont là ! M. Bulot insiste pour que la Commission ne prenne pas une décision hâtive sur le projet en discussion l'appréciation de l'autorité judiciaire peut être remplie de difficultés. Le dernier cas soulevé par Mme Avril de Sainte-Croix est délicat. Tout le monde à Paris a lu dans un grand journal du matin, les articles d'un publiciste scientifique connu l'article est un Premier-Paris, il se poursuit deux pleines colonnes durant, sur un ton fort grave; il semble une étude purement scientifique; puis tout à coup dans les deux ou trois dernières lignes éclate la réclame vulgaire, commerciale...; le publiciste conclut : « Il n'y a qu'un bon ferment de raisin, c'est celui que vend M. Tartempion. » (Rires.) La question de l'affichage est également fort difficile...

M. Yves Guyot. La Commission ira loin dans cette voie!

M. le D' Butte demande la parole. L'honorable médecin du Dispensaire de la Préfecture de Police est directeur et rédacteur en chef d'un journal de médecine... Il y accepte de nombreuses annonces relatives au traitement des maladies vénériennes (Exclamations.); il demande à M. le rapporteur Le Poittevin s'il sera poursuivi ?

M. le Professeur Le Poittevin. Mais oui, sans aucun doute! (Rires.)

M. le Dr Butte proteste de la moralité de son journal et des annonces qu'il y insère : il est inadmissible que l'on poursuive des annonces pharmaceutiques sérieuses! (Bruits divers!)

M. le Président croit, dans ces conditions, que la discussion finale de la proposition de M. Augagneur et le vote des amendements de M. Le Poittevin peuvent être ajournés à la prochaine séance, après impression et distribution du texte dont il a été donné lecture en dernier lieu par le Rapporteur.

Après quelques observations de M. le Président, de M. le Secrétaire général et de M. le Professeur Le Poittevin, sur la date de la prochaine séance, la Commission décide de se réunir à huitaine, le vendredi 16 juin, à l'heure habituelle il y aura, d'ailleurs, continuation des séances jusqu'au 14 juillet.

:

M. le Président, sur les observations de M. Hennequin, informe la

MM. YVES GUYOT, BULOT, BUTTE OBSERVATIONS

413

Commission qu'il ne sera pas fait de tirage à part du texte de M. Le Poittevin ce texte sera inséré in extenso dans le procès-verbal de la séance du jour, toujours distribué en temps utile avant la réunion suivante. La séance est levée à midi.

Présents: Me AVRIL DE SAINTE-CROIX; MM. AUFFRET, AUGAGNEUR, BALZER, BERENGER, BESNIER, BRUMAN, BRUNOT, BULOT, BUTTE, DENIS, FIAUX, FIQuet, FlaCHON, Fosse, Fournier, Gide, KERMORGANT, LAURENT-ATTHALIN, Le Poittevin, LUCAS, MEUNIER, MILLIES-LACROIX, MONOD, PAILLOT, SAINT-AUBIN, YVES GUYOT; MM. HENNEQUIN, Secrétaire général, BRANSOULIÉ et JOLY, Secrétaires.

Excuses MM. AUBERT, BEAUCHET, BORNE, BRIEUX, BRISSAUD, BROUARDEL, CATTEAU, CAVARD, COLIN, COMTE, CRUPPI, DANEY, DAUZON, DESPLAS, DISLÈRE, DUBIEF, FABRE, FEUILLOLEY, FLOURENS, GAUCHER, D'IRIART D'ETCHEPARE, JEANNENEY, LANDE, LANDOUZY, LANGLET, LÉONARD, LÉPINE, MAILLART, MASCLE, MASTIER, MESLIER, MORLOT, MUTEAU, NOULENS, OPPORTUN, PÉDEBIDOU, DE PRESSENSÉ, de SAL, SAUVAN, SERRES, STRAUSS, TUROT, VINCENT; MM. DELAITRE, DOLLÉANS et RENAULT, Secrétaires.

CHAPITRE XXVIII

Vingt-troisième séance: 16 juin 1905.

ORDRE DU JOUR :

Proposition de M. Augagneur.

Amendements de M. le Professeur Le Poittevin.

Répression du charlatanisme

exercé par voie d'affiches, etc., au détriment des malades atteints d'affections spéciales.

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(Suite de la discussion.)

Sommaire. M. le Professeur Le Poittevin Rectification au procèsverbal de la 22° séance. - M. Turot: Retrait d'une proposition.

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Suite de la discussion sur la répression du charlatanisme. M. Butte Réclamation en faveur des annonces de la presse médicale. M. Brunot Danger et inutilité du projet de MM. Augagneur et Le Poittevin; d'une part, il attaque la liberté de la presse; d'autre part, la loi nouvelle sera tournée, exemples à l'appui. M. le Directeur Saint-Aubin: Critique juridique du projet de répression; inexistence du délit d'outrages aux mœurs; possibilité d'établir un délit d'escroquerie. M. Bulot: Critique du projet d'une part et de la doctrine « du laisserfaire, laisser-passer » préconisée devant la Commission; le délit d'escroquerie est évident. - M. Hennequin : Critique du projet présenté et nécessité de réprimer l'affichage des édicules; opinion des étrangers de passage ou en séjour à Paris; examen de la répression par voie administrative (pouvoir réglementaire des maires). M. le Professeur Le Poittevin: Défense du projet: 1° il y a délit « à cause des promesses fallacieuses »; 2° il y a délit « d'immoralité vis-à-vis les enfants >> susceptibles de voir les affiches vénériennes dans les édicules. M. le Professeur Augagneur : Rappel du but initial de la proposition : protéger la santé publique, soigner honnètement, scientifiquement les malades, les guérir : la publicité charlatanesque est opposée au traitement utile des maladies vénériennes. Examen des moyens à employer: 1° la loi sur l'exercice de la médecine est inopérante; 2 le délit d'escroquerie; 3° le délit d'immoralité. Résultats satisfaisants de l'argument d'immoralité contre l'affichage charlatanesque à Lyon; il a été accepté par l'opinion publique. Un mot sur la presse politique, sur la presse médicale dans leurs rapports avec les annonces. Nécessité d'un texte formel, suffisamment large et général. M. Brunot Dernière critique; impossibilité de distinguer entre le bon médecin et le mauvais, le médicament nocif et l'utile; le charlatan tournera la loi en envoyant sa carte de visite. — Réplique de MM. Augagneur et Le Poittevin. - M. Bulot présentera un texte de proposition en collaboration avec M. Saint-Aubin. Ajournement de la discussion et du vote sur le projet relatif à la répression du charlatanisme médical.

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