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CHAPITRE XII.

De la dissolution* du mariage et de la séparation d'habitation.

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932. UN mari et une femme peuvent d'un consentement mutuel se retirer chacun dans un monastère, et y faire les vœux solennels de religion, même depuis la consommation du mariage. La profession religieuse dans ce cas ne résout pas le mariage, mais elle fait que les deux parties ne peuvent plus user des droits que donne le sacrement, et que, si l'une des parties décède, l'autre ne peut valablement convoler à de secondes noces. Basilius Magn. can. si quis, caus. 27. quæst. 2.

933. En cas que la femme n'ait consenti que par violence à l'entrée de son mari dans le monastère, elle peut le redemander, et dans ce cas on doit obliger le mari à retourner avec sa femme, parce que le consentement qu'elle a donné étant nul par défaut de liberté, elle a conservé tout le droit qu'elle avoit sur la personne de son mari. Innocent. III. cap. accedens. extra. de conversione conjugat.

934. Si un homme a fait profession dans un monastère sans le consentement de sa femme, et qu'après qu'on l'en a fait sortir pour retourner avec son épouse, elle vienne à décéder, on ne l'oblige point à rentrer dans le monastère, parce que le vœu qu'il a fait étoit

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Loi du 8 mai 1816, art. 1 : « Le divorce est aboli. ›

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** Pour la séparation de corps, voyez Code civil, art. 306-311,

nul; mais il ne peut se remarier licitement, attendu qu'il a promis de ne jamais exiger le devoir conjugal; ce qui dépendoit de lui. Cependant s'il se remarioit au préjudice de sa promesse qu'on doit regarder en ce cas comme un voen simple, le mariage ne seroit pas nul. Alex. III. cap. quidam. extra. de convers. conjugat.

935. Quoiqu'un mariage ait été célébré publiquement, et qu'il ait été regardé comme valable pendant un grand nombre d'années, on peut le faire déclarer nul, dès qu'on connoît qu'il a été contracté au préjudice d'un empêchement dirimant dont on n'avoit point obtenu de dispense, et les enfans nés de ce mariage sont illégitimes aux yeux de l'Église, à moins qu'ils ne soient légitimés par la bonne foi de l'une des parties. Ex Concil. Lateran. sub Innocent, III. cap. non debet. extra. de consanguin, et affinitate.

936. Pour dissoudre un mariage il faut avoir des preuves claires et constantes que l'empêchement subsistoit dans le temps de la célébration. Ainsi la décla ration qu'un homme feroit, même avec serment et en justice, qu'il auroit eu une habitude criminelle avec la femme que son frère auroit épousée avant la célébration du mariage, ne suffiroit pas pour faire déclarer le mariage nul, s'il n'y avoit d'ailleurs des preuves suffisantes de cette habitude. Alexander III. cap. de illo, extra. de eo qui cognovit consanguineam uxoris suæ.

́937. Quand il y a contestation entre les conjoints sur la validité de leur mariage, si l'une des parties étant valablement assignée ne comparoît point après les délais ordinaires pour l'échéance de l'assignation, le juge doit entendre les témoins sur les moyens propo sés par la partie qui soutient que son mariage est nul, examiner les preuves qu'on allègue contre la validité du sacrement, et ne prononcer sur la validité, ou sur

la nullité, qu'en connoissance de cause, afin que la collusion des parties ne soit point un moyen de résoudre un mariage valablement contracté. Alexander Ill. cap. relatum, extra. qui matrimon. accusare possunt.

938. De tous les empêchemens dirimans qui peuvent donner lieu à la demande en dissolution du mariage, un des plus difficiles à établir, et qui peut causer plus d'embarras aux juges, est celui de l'impuissance, nonseulement parce qu'il est très difficile de déterminer si l'impuissance est absolue ou respective, si elle est perpétuelle, ou si elle finira après un certain temps, si elle a précédé le mariage, ou si elle est survenue par quelque accident depuis la célébration du mariage, mais encore parce que l'on ne peut guère avoir de preuve constante de l'impuissance qui vient de la fragilité de la part du mari. Nicolaus Papa. can. hi qui. caus. 32. quæst. 7.

939. La seule visite faite par des experts suffit pour reconnoître si l'homme, qu'on prétend impuissant, est privé des parties qui sont destinées à la génération, ou s'il les a disposées de manière qu'il ne puisse consommer le mariage. Mais il ne faut pas toujours croire qu'un homme soit eunuque, parce que les témoins de la virilité ne paroissent pas à l'extérieur; car on a vu des exemples d'hommes très capables de consommer le mariage, dont les témoins de la virilité étoient renfermés au-dedans du corps. Les anatomistes et les médecins disent aussi qu'un seul des témoins de la virilité suffit pour la consommation du mariage. Il ne faut non plus que le rapport des matrones pour décider ces contestations quand le mari prétend que la matrice de la femme est si serrée qu'il n'est pas possible de la pénétrer, ou quand on prétend qu'un

dérangement absolu fait qu'elle n'est nullement propre à l'usage auquel cette partie est destinée.

940. Lorsqu'un homme a toutes les parties qui servent à la génération disposées dans l'ordre ordinaire, cette conformation extérieure fait présumer que la nature ne lui a point refusé la vigueur intérieure : c'est pourquoi si un homme qui est ainsi conformé à l'extérieur affirme qu'il a consommé le mariage, s'il est ferme dans toutes ses réponses aux interrogatoires, s'il fait connoître par la manière de s'exprimer qu'il est instruit par expérience de la consommation du mariage, il faut débouter la femme de sa demande. en dissolution de mariage, parce que dans les règles générales il faut déférer au serment du défendeur, quand le demandeur n'a point de preuve positive pour établir ses conclusions. Or dans cette espèce la femme est la demanderesse; c'est donc à elle à rapporter des preuves positives de ce qu'elle avance, sinon elle doit être condamnée. Rabanus can. quod autem. caus. 27. quæst. 2. Ex Concil. apud. compend. can. si quis. caus. 33.quæst. 1.

941. Lorsque le mari est accusé d'impuissance, qu'on prétend provenir de la frigidité, et que l'une et l'autre partie affirme que le mariage n'a point été consommé, le juge devant lequel l'affaire est portée doit ordonner que les parties habiteront ensemble pendant trois années, à compter du jour de la célébration du mariage. Si après ces trois années la femme veut se plaindre, et que les deux parties affirment de nouveau 、 que le mariage n'a point été consommé, si cette affirmation est soutenue par des conjectures, comme s'il ya dans l'extérieur du mari quelques signes qui puissent faire présumer l'impuissance, tels que sont raritas pili, une voix grêle, peu de fermeté sur les jambes, une foiblesse de corps, etc., si l'on voit que, dans les

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interrogatoires, les réponses des parties soient pleines de bonne foi et sans collusion, le juge ecclésiastique pent ordonner la dissolution du mariage, et permettre à la femme de se remarier, en défendant au mari de passer à d'autres noces. Mais on ne sauroit prendre trop de mesures avant de rendre un pareil jugement, de peur de séparer trop légèrement ce que Dieu a uni. On devroit agir avec plus de circonspection, si l'impuissance dont le mari est accusé provenoit d'une trop grande vivacité, que le temps et les remèdes de la médecine peuvent ordinairement tempérer. Gregor. II. can. requisisti caus. 33. quæst. 1. Celest. HI, cap. laudabilem. extra. de frigidis et maleficiatis et impotent. coëundi. Honor. III. cap. littera, extra. de fri gidis et maleficiatis, et impotent. coëundi,

942. Quand un mariage légitimement contracté a été déclaré nul, parce que les juges ecclésiastiques ont été trompés ou par l'artifice des parties, ou par les dépositions des témoins, dès que l'on reconnoît l'erreur, il faut obliger les parties à se réunir, sans avoir aucun égard au jugement qui a été rendu, ni même aux mariages qui auroient pu être contractés depuis par les parties. En effet, quand le juge déclare nul le mariage, il ne prononce pas proprement une dissolution; mais il déclare qu'il n'y a point eu de mariage à cause des empêchemens dirimans. Si le motif de cette déclaration n'est pas véritable, elle tombe d'elle-même, les hommes n'ayant pu séparer ce que Dieu a uni. Alexander. III. cap. lator. extra. de sentent. et re judicata.

943. Il n'y a que la femme qui puisse se plaindre de l'impuissance de son mari, et que le mari qui puisse se plaindre de ce que sa femme ne peut satisfaire au devoir conjugal. Ainsi, quoique l'un des conjoints fût impuissant quand les parties ont vécu ensemble comme

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