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159. Toutes les grâces qui s'expédient à la pénitence> rie ne peuvent avoir lieu que pour les fautes cachées, et par rapport au for intérieur de la conscience, soit pour l'absolution des cas réservés au Pape, soit pour les censures, soit pour lever les empêchemens de mariages contractés sans dispense. C'est pourquoi les absolutions obtenues, et les dispenses accordées en vertu des lettres de la pénitencerie, ne peuvent jamais servir dans le for extérieur, ce qui doit surtout s'observer avec soin en France, où l'on ne reconnoît pas ce qui est émané de la pénitencerie. On est cependant en sûreté de conscience quand on a obtenu un bref de la pénitencerie pour un délit caché.

160. Ces brefs sont adressés à un confesseur approuvé par l'évêque, sans en désigner aucun ni par son nom ni par son emploi. Le grand-pénitencier de Rome, au nom duquel le bref est expédié, lui enjoint d'absoudre du cas exprimé, après avoir entendu la confession sacramentelle de celui qui l'a obtenu, en cas que le crime ou l'empêchement du mariage soit secret, et pour le for de la conscience seulement; on lui ordonne ensuite de déchirer le bref aussitôt après la confession, sous peine d'excommunication, sans qu'il lui soit permis de le rendre à la partie.

161. Les Papes accordent par des brefs les gràces or dinaires et peu importantes,comme sont les dispenses des interstices pour les ordres sacrés, des indulgences plénières une fois par chaque année pour certaines cérémonies ecclésiastiques, etc. Les brefs sont ordinairement courts; on les écrit souvent sur de simple papier; ils sont scellés avec de la cire rouge sous l'anneau du pêcheur, et signés par le secrétaire des brefs. Les bulles au contraire se donnent pour les affaires plus considérables; le sceau en est de plomb, attaché

avec des fils de soie, si la bulle est de grâce, et avec des fils de chanvre, si la bulle est de justice : les brefs sont écrits d'un caractère plus net et plus beau que les bulles.

CHAPITRE IX.

Des exemptions de la juridiction des ordinaires.

162. On ne reconnoît point en France depuis le concordat entre Pie VII et Louis XVIII, et même depuis le concordat de 1802, d'exemption de la juridiction des ordinaires. Art、 organ. 10.

163. Dans le cas où des exemptions pourroient avoir lieu, il faudroit qu'elles fussent fondées sur une cause juste, parce que le Pape ne peut soustraire sans cause un sujet ou une communauté quelconque à la juridiction épiscopale, attendu que le Pape, qui doit agir en dispensateur fidèle et soumis aux règles générales de la discipline ecclésiastique, ne peut déroger aux dispositions des conciles généraux et en particulier au concile de Calcédoine sans nécessité, ou du moins sans nécessité pour l'Église. Honorius III, cap. ex parte extrà de capellis monachor.

164. Les formalités qui sont requises pour la validité des exemptions sont le consentement de l'évêque qui est la partie la plus intéressée et qui doit être appelée pour défendre les droits de son Église, et l'approbation du pouvoir législatif, protecteur des églises du royaume, sans l'aveu duquel il n'est point permis de

renverser l'ordre de la discipline ecclésiastique. Bulla MartiniN. Concil. constant, Libert. de l'Egl.gall.art.71.

CHAPITRE X.

De l'autorité des rois par rapport au gouvernement ecclésiastique.

165. Les princes chrétiens ont deux qualités qui leur donnent beaucoup d'autorité dans l'Église et sur les affaires ecclésiastiques. Ils sont les premiers magistrats, et ils doivent veiller pour maintenir la paix et la tranquillité publiques dans leurs états; ils sont les protecteurs des canons, et ils doivent employer leurs

soins à les faire observer.

*

166. En qualité de premiers magistrats politiques, les souverains font des lois sur les affaires temporelles, auxquelles l'Église et les ecclésiastiques, qui font partie de l'état, sont obligés de se soumettre; ils peuvent empêcher que des étrangers ne remplissent les cures et autres emplois ecclésiastiques, que les ecclésiastiques ne sortent du royaume sans leur permission, qu'on ne tienne aucune assemblée extraordinaire sans leur consentement, qu'on ne cause du trouble et de la confusion sous prétexte de religion, et que les clercs ne donnent atteinte à la puissance temporelle. Leo IV, Lothario Augusto, can. de capitulis, distinct. 10.

167. Ce n'est que par une grâce spéciale des souve rains, comme premiers magistrats politiques, que l'Église peut posséder des biens-fonds, et autres revenus;

* En France, le mot souverain désigne le concours des trois pouvoirs, quand il s'agit d'actes législatifs.

l'Église de chaque royaume doit donc regarder son prince, non-seulement comme son souverain, mais encore comme son protecteur et son bienfaiteur.

168. Comme les souverains sont les enfans spirituels de l'Église, ils sont obligés en cette qualité de veiller et de contribuer, autant qu'ils le peuvent, à ce que les décrets et les lois de la mère-commune de tous les fidèles soient observés exactement dans leurs états c'est pourquoi l'Église a toujours regardé les souverains qui ont fait profession de la religion catholique comme les protecteurs et les conservateurs de la discipline ecclésiastique. Elle les a priés de joindre son autorité à la sienne, afin de soumettre par la sévérité des peines temporelles ceux qui ne sont pas touchés par les peines spirituelles*. Ex concil. paris. anno 829. Can. principes caus. 23, quæst. 5. Leo I, can. res. caus. 23, quæst. 5. Carolus VII in prœmio Pragmat. Sanct.

169. Ces titres de conservateurs et protecteurs de l'Église et des saints canons donnent aux souverains le droit de faire des réglemens et des lois pour la police extérieure de l'Église, afin de faire exécuter plus exactement dans l'état ce qui est prescrit par les règles ecclésiastiques. L'Église a toujours approuvé ces lois depuis qu'elle a eu des princes chrétiens, et elle s'est fait un devoir de s'y conformer. Ex concil. parisiens. 829. Can. de illicita, caus. 24, quæst. 3. Préambule de l'édit du mois d'avril 1695.

170. Les souverains catholiques savent que c'est à l'Eglise universelle que J.-C. a donné le droit de prononcer sur les questions de foi, et de les décider d'une

*Il importe toutefois de se rappeler le sens de l'art. 5 de la Charte : « Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection »; parce que cet article modifie la nature de l'intervention de nos rois dans cette matière. Exemple: s'il s'agit d'hérésie.

manière infaillible; c'est pourquoi ils n'entreprennent point de prévenir sur ce sujet les jugemens de l'Eglise ; mais, quand l'Eglise a prononcé, ils sanctionnent, font publier et recevoir les décisions doctrinales du corps des pasteurs, afin qu'elles soient regardées par leurs sujets comme une loi du royaume et comme une loi de l'Église, et que l'état jouisse de la tranquillité qui est souvent troublée par la diversité de la doctrine. Avitus, vienn. ad Clodov. Lettres-patentes contre les luthériens du 23 juillet 1543.*

171. De tous les souverains de l'univers il n'y en a point à qui la qualité de protecteurs de l'Eglise et de conservateurs des saints canons, soit due à plus juste titre qu'aux rois de France, parce qu'il n'y a point de prince qui ait rendu à l'Eglise et en particulier au Saint-Siège des services plus importans, qui lui ait procuré plus de biens temporels, qui ait accordé de plus grands honneurs aux ecclésiastiques, qui ait maintenu la foi catholique avec plus d'attention, qui ait été plus attaché aux décisions de l'Eglise universelle, et qui ait fait des réglemens plus utiles pour la police extérieure et pour la conservation de la discipline ecclésiastique.

172. Nos rois jurent en particulier, à leur sacre, de maintenir et de soutenir les libertés de l'Eglise gallicane, qui ne consistent que dans l'observation de plusieurs anciens canons, et des usages observés de temps immémorial dans l'Eglise de France. Libertés de l'Eglise gallicane, art. 75.

173. Comme nos rois ont confié une partie de leur

On peut ajouter à ces autorités celle de l'art. 6 de la Charte, qui déclare la religion catholique, apostolique et romaine, religion de l'état, en le conciliant néanmoins avec les principes consacrés par l'art. précédent. Ces deux dispositions sont capitales aujourd'hui.'

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