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225. Les mandats ayant été abrogés par le concile de Trente, les titres des mandats qui se trouvent dans la Pragmatique et dans le concordat de François Ier ne sont d'aucun usage parmi nous.

226. On désignoit autrefois par le terme général d'ordonnance toutes les lois que faisoient nos rois pour être observées par leurs sujets : il y en avoit de différentes espèces.

227. Les lois qui contenoient un grand nombre de dispositions et de réglemens généraux retenoient le nom d'ordonnance, soit qu'elles eussent été faites sur les remontrances des états assemblés, soit que le roi les eût faites de son propre mouvement.

228. Edit est une ordonnance que le roi faisoit de son propre mouvement et qui porte établissement ou défenses.

229. Déclaration du roi est une ordonnance qui explique la volonté du roi sur l'exécution d'une autre ordonnance qui interprète ou qui étend la loi, ou qui réforme, casse et abroge en tout ou en partie un réglement antérieur.

230. Toutes les ordonnances s'appeloient lettrespatentes, parce qu'on les portoit ouvertes aux cours auxquelles elles étoient adressées; mais on appeloit plus ordinairement lettres-patentes les ordonnances qui regardent des particuliers.

231. Les ordonnances de nos rois n'avoient force de loi qu'après l'enregistrement dans les cours souveraines.

232. Il y a plusieurs édits et déclarations de nos rois qui n'ont été enregistrées qu'avec des modifications: il ne faut se servir de ces lois que conformément aux modifications qui y ont été mises par les cours souveraines.

233. Aujourd'hui la loi ne peut se former qu'avec

le concours des trois pouvoirs, et les ordonnances sont restreintes dans le cercle du pouvoir exécutif. Les lois ayant confié au conseil d'état et aux cours royales certaines attributions pour la conservation de la discipline ecclésiastique et des libertés de l'Église de France, on ne doute point que le conseil d'état et les cours ne puissent statuer sur les affaires ecclésiastiques dont la connoissance leur appartient, et que leurs décisions ne doivent être observées.

234. Pour l'autorité des auteurs, il faut distinguer le temps et les lieux dans lesquels ils ont vécu, connoître l'estime qu'on a faite de leurs ouvrages, examiner s'ils sont instruits de l'usage et de la pratique. En général, on doit s'attacher beaucoup plus à l'étude des lois qu'à celle des auteurs dont il faut peser les raisons plutôt que de compter les suffrages.

CHAPITRE XIV.

Des coutumes et des libertés de l'Eglise gallicane.

235. C'EST une règle générale répétée plusieurs fois dans le droit canonique que les coutumes anciennes des églises doivent être observées, et que le Pape même n'y doit pas donner d'atteinte par de nouvelles constitutions, quand ces coutumes sont anciennes et légitimes, c'est-à-dire quand elles ne sont contraires ni à l'équité naturelle ni aux règles de la discipline ecclésiastique qui ont été de tout temps observées dans l'Église.

236. Les Papes ont toujours cru qu'on devoit avoir des égards particuliers pour les anciennes coutumes de l'Église gallicane, qui s'est de tout temps distinguée entre toutes les autres par son exactitude à conserver la foi et à maintenir la discipline ecclésiastique : c'est pourquoi ils ont cru que ces coutumes devoient être observées, même quand elles seroient contraires aux usages des autres églises, qui ont depuis adopté un grand nombre des usages établis dans l'Église de France.

237. Les libertés de l'Eglise gallicane ne sont rien autre chose que la possession dans laquelle s'est maintenue l'Église de France de conserver ses anciennes coutumes qui sont la plupart fondées sur les canons et sur la discipline des premiers siècles, et de ne point souffrir qu'on y donnât atteinte, en introduisant une discipline à laquelle elle n'a point été soumise: ainsi les libertés de l'Église de France ne consistent que dans l'observation de son ancien droit.

238. Le mot de privilège signifie deux choses différentes: une grâce particulière accordée à une église contre le droit commun, ou le droit qui appartient à une église et qui lui est confirmé par les saints canons. Les libertés de l'Église gallicane ne sont pas des privilèges en prenant ce mot dans le premier sens, mais on peut les nommer privilèges en suivant le second sens, puisque ce sont des droits dans lesquels l'Église gallicane s'est conservée, conformément aux anciens canons.

239. Ces canons sur lesquels sont fondées les libertés de l'Eglise gallicane ne sont point ceux qui sont compris dans le décret de Gratien, ni même dans les collections de Burchard, d'Yves de Chartres, ni encore moins dans les compilations de Grégoire IX et des Papes ses successeurs, puisque ces recueils contiennent une in

finité de décrets auxquels l'Église de France ne s'est point soumise, et que ses libertés sont beaucoup plus anciennes que ces recueils; mais la compilation des canons qui étoient observés sous la première race de nos rois, et qui comprenoient quelques épîtres décrétales des Papes, les canons des premiers conciles généraux et ceux de quelques conciles particuliers. Ce sont ces premiers canons qui forment parmi nous un droit commun, tels qu'ils étoient observés pendant les premiers siècles dans toute l'Église. Les autres nations ont changé leur droit et nous avons conservé en plus de points que les autres l'ancienne discipline: c'est ce qui fait la différence qu'il y a entre la jurisprudence de l'Église gallicane et celle des autres églises.

240. Nous avons dit qué la plupart des usages de France, qui font les libertés de l'Église gallicane, sont fondés sur les anciens canons, et non tous les usages, parce qu'il y a un grand nombre de coutumes qui ont été admises parmi nous dans des temps postérieurs, qui sont contraires à ces anciennes règles de la discipline ecclésiastique. L'effet de nos libertés, par rapport à ces articles et à d'autres de même nature, est qu'on ne puisse ajouter de nouvelles servitudes à celles qu'une possession immémoriale a introduites parmi nous, et que le Pape n'use de ses droits par rapport aux Français que de la manière dont il en a usé de tout temps, parce que nous conservons sur tous ces articles la liberté primitive et naturelle, excepté dans les cas où une possession immémoriale nous en a fait perdre une partie.

241. Quoique le délai de nos libertés soit presque infini, parce qu'elles s'étendent sur tout notre droit canonique, elles dépendent de deux maximes que nous avons déjà établies.

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242. La première, que le Pape et les autres supérieurs ecclésiastiques n'ont aucun pouvoir ni direct ni indirect sur le temporel des rois, ni sur la juridic

tion séculière.

243. La seconde, que la puissance du Pape, par rapport au spirituel, n'est point absolue sur la France, mais qu'elle est bornée par les canons et par les coutumes qui sont observées dans le royaume, de sorte que ce que le Pape peut ordonner au préjudice de ces règles saintes est absolument nul.

244. Il y a quatre moyens principaux dont on se sert en France pour maintenir les libertés de l'Eglise : le premier, les conférences avec le Pape; le second, un examen exact des bulles, afin qu'on ne laisse rien publier contre les droits du roi et contre ceux de l'Église gallicane; le troisième, l'appel au futur concile; le quatrième, l'appel comme d'abus au conseil d'état en cas d'entreprise sur la juridiction séculière et de contravention aux coutumes ecclésiastiques du royaume.

245. Tous les Français doivent s'intéresser à la conservation des libertés de l'Eglise gallicane, non-seulement parce qu'elles tendent à conserver les droits du roi et de la couronne, et une partie de la liberté primitive de la nation sur le gouvernement ecclésiastique, mais encore parce que tous les Français ecclésiastiques et séculiers sont membres de l'Église gallicane, et que tous les membres doivent travailler à maintenir les prérogatives d'un corps dont ils font partie, et dont les évêques sont les principaux ministres.

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