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la tradition apostolique. Le caractère de la foi apostolique, c'est la catholicité,et les écrits des Pères, ne font autorité que parce qu'ils la constatent: Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus.

Un auteur que nous avons combattu plus d'une fois, et qui a recueilli avec soin tout ce qui paraissait contredire la divine origine de la révélation chrétienne, n'a pas craint de dire que les apôtres et le Christ luimême se sont trompés en annonçant la consommation finale! (Études sur l'histoire, etc. par M. Laurent, tom. 4. p. 129.)

Jésus-Christ et ses apôtres nous ont parlé de la même manière de la fin de l'homme et de la fin du monde. Ils ont dit de l'une et de l'autre : Vous ne savez ni le jour ni l'heure: soyez prêts.

Mais il est deux paroles du divin maître dont M. Laurent abuse pour mettre l'erreur sur les lèvres de la Vérité même. Voici la première de ces paroles : « Je vous le dis en vérité (Jésus-Christ parle à ses apôtres), il y en a QUELQUES-UNS de ceux qui sont ici qui ne mourront point qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir en son règne. Et six jours après, Jésus ayant pris avec lui Pierre, Jacques et Jean, les mena à l'écart sur une haute montagne, et il fut transfiguré devant eux. (Matth. 16. v. ult. et 17. v. 4.) Ces paroles se suivent dans l'Evangile, et il est évident qu'en parlant des quelques-uns qui verraient le Fils de l'homme dans la gloire de son règne, Jésus-Christ parlait des trois témoins de sa glorieuse transfiguration. Et voilà la première parole qui fait dire à M. Laurent que le Fils de Dieu s'est trompé ! — Voici la seconde : Cette génération ne passera pas que tout ceci n'arrive. (Matth. 24. 34.) Or, cette parole est «< comprise, dit Bossuet, dans ce long et admirable discours ou JésusChrist joint ensemble la ruine de Jérusalem avec celle de l'univers. Cette liaison n'est pas sans mystère et en voici le dessein: Jérusalem, cité bienheureuse que le Seigneur avait choisie, tant qu'elle demeura dans l'alliance et dans la foi des promesses, fut la figure de l'Eglise, et la figure du ciel où Dieu se fait voir à ses enfants. C'est pourquoi nous voyons souvent les prophètes joindre, dans la suite du même discours, ce qui regarde Jérusalem à ce qui regarde l'Eglise et à ce qui regarde la gloire céleste : C'est un des secrets des prophéties, et une des clefs qui en ouvrent l'intelligence.

» Mais Jérusalem éprouvée et ingrate envers son Sauveur devait être l'image de l'enfer, ses perfides citoyens doivent représenter les hommes

infidèles; et le jugement terrible que Jésus-Christ devait exercer sur elle était la figure de celui qu'il exercera sur tout l'univers lorsqu'il viendra à la fin des siècles, en sa majesté, juger les vivants et les morts. C'est une coutume de l'Ecriture, et un des moyens dont elle se sert pour imprimer les mystères dans les esprits, de mêler pour notre instruction, la figure à la vérité. Ainsi Notre-Seigneur a mélé l'histoire de Jérusalem désolée à celle de la fin des siècles. » (Disc. sur l'hist, univ. Part. II. ch 9.)

Nous avons déjà constaté deux fois, dans la sixième dissertation qui précède et dans celle-ci, le caractère des Ecritures prophétiques que Bossuet vient de nous rappeler. Ce caractère exprime admirablement l'unité du plan divin et l'harmonie des siècles dans la pensée de Dieu, et il est si constant et si manifeste dans les prophéties de l'ancien et du nouveau Testament que l'ignorance seule peut le méconnaître. C'est donc une ignorance de ne pas voir dans ces prophéties les deux objets qu'elles regardent, les deux événements qu'elles annoncent et dont l'un est la figure de l'autre ; c'est une ignorance de ne pas savoir y discerner les paroles qui s'appliquent principalement à l'image de celles qui s'appliquent principalement à la grande réalité; c'est une ignorance de ne pas sentir toute la fécondité de ces paroles divines qui partagent souvent elles-mêmes la nature des faits qu'elles expriment, et qui, dans leur sens littéral, indiquent le fait figuratif, et dans leur sens allégorique, indiquent le fait figuré.

Jésus-Christ, dans la grande prophétie de la ruine de Jérusalem et du monde, dit en parlant de toutes les deux à la fois : Non præteribit generatio hæc, donec omnia hæc fiant, c'est-à-dire : Cette génération-ci ne passera point que toutes ces choses ne soient accomplies à son égard dans la ruine de Jérusalem où elle trouvera la punition de son infidélité ; et cette génération-ci ne passera point, cette génération des hommes, cette race humaine ne passera point que toutes ces choses ne soient accomplies dans la ruine du monde qui précédera le jugement.

Le Christ avait annoncé des choses si prodigieuses, et sur la destruction du monde, et sur le jugement du genre humain, qu'il les confirme en disant: Amen dico vobis: Je vous le dis en vérité, la vie du genre humain ne finira pas que toutes ces choses ne soient accomplies. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. (Matth. 24. 34-35.)

Ecoutez donc, vous.qui attribuez à Jésus-Christ et à ses apôtres le sentiment erroné de la prochaine destruction du monde, écoutez le Prince des apôtres que vous avez cité à la légère, et dans ses paroles, prenez ce qui vous regarde :

<< Sachez qu'en ces derniers temps il viendra des imposteurs et des séducteurs qui diront: Qu'est devenue la promesse de l'avènement du Seigneur, car depuis que les pères qui nous l'ont annoncé dorment du sommeil de la mort, toutes choses demeurent dans l'état où elles sont depuis l'origine. Mais c'est par une ignorance volontaire qu'ils parlent ainsi : Latet enim eos hoc volentes : ils ne considèrent pas que les cieux furent faits d'abord par la parole de Dieu, aussi bien que la terre qui sortit de l'eau et subsiste au milieu de l'eau ; et que le monde d'alors périt submergé par le déluge. Mais les cieux et la terre que nous voyons aujourd'hui sont gardés par la même parole, et sont réservés au feu du jour du jugement. Or, il est une chose que vous ne devez pas ignorer, mes bienaimés, c'est qu'aux yeux du Seigneur un jour est comme mille ans, et mille ans comme un jour.» (II. Petr. 3. 3-8.)

L'entendez-vous? Aux yeux du Seigneur mille ans sont comme un jour. C'est un apôtre qui désabuse ainsi les fidèles. Direz-vous donc encore que l'apostolat s'est trompé avec Jésus-Christ?

Mais écoutez encore :

<< Ainsi le Seigneur n'est pas infidèle à sa promesse et n'en retarde pas l'accomplissement, comme quelques-uns se l'imaginent; mais il attend tous les hommes avec patience, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous retournent à lui par la pénitence.

» Cependant, le jour du Seigneur viendra tout d'un coup, comme le larron durant la nuit; et alors, dans le bruit d'une effroyable tempête, les cieux passeront, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec tout ce qu'elle renferme sera consumée par le feu. Puis donc que toutes ces choses doivent périr, quels devez-vous être et quelle doit être la sainteté de votre vie et votre piété, attendant et hâtant par vos désirs l'avénement du jour du Seigneur. » (Ibid. 9-12.)

Voilà ce que la parole apostolique dit à chacun de nous dans tous les siècles: la figure du monde passe, regardez la fin, et hâtez-vous de mériter la vie qui ne passe pas : Volat ætas, vide quò tendas. (Hieron.)

Cette doctrine qui détache les hommes de la vanité, les détacheraitelle de leurs devoirs en ce monde ? Aurait-elle pour effet, comme on le dit encore, de faire compter pour rien ou pour peu de chose tout ce qui intéresse l'homme dans le temps? Mais c'est encore une fois fermer les yeux à la clarté de la parole évangélique et apostolique. Les apôtres, en montrant aux hommes la vanité du monde, ne leur apprennent-ils pas en même temps l'importance des plus petites choses? Les lettres sublimes de saint Pierre, de saint Paul, de saint Jean, de saint Jacques et de saint Jude, ne parlent-elles pas explicitement des obligations de l'homme dans la famille et dans l'État, et des devoirs de toutes les conditions sociales?

Et le divin Maître qui a dit : Une seule chose est nécessaire, n'a-t-il pas révélé aussi qu'un verre d'eau donné à celui qui a soif n'est pas oublié par le souverain Juge?

Tout est petit et tout est grand aux yeux du chrétien. Toutes choses sont vaines si on ne les rapporte pas à leur fin; mais les moindres choses sont d'un prix infini quand l'amour les offre en disant : « Père! que votre volonté soit faite sur la terre comme dans les cieux! » L'unique nécessaire comprend ainsi tout le reste.

Mais à quoi bon rappeler ces vérités à ceux qui lisent l'Evangile sans les entendre? Un jour, «on amena à Jésus un homme qui était sourd. Jésus le tirant à l'écart lui toucha les oreilles, et levant les yeux au ciel, jela un profond,soupir et lui dit : Ephphéta, c'est-à-dire : Ouvrez-vous. (Marc. 7. 32-34.) Touchez aussi ces intelligences endurcies, Seigneur, afin qu'elles cessent de juger la parole qui les jugera.

FIN.

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