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ver que

les auteurs d'après lesquels le débiteur n'a pas à proula remise a été volontaire, et nous ne sommes pas obligé comme eux de créer une présomption légale sans loi, ce qui est défendu à l'interprète, et de contrevenir aux règles ordinaires en matière de preuve. De plus, ce n'est pas une obligation pour le juge, dans notre système, de présumer que la remise a été volontaire; il en est autrement dans le système opposé.

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La jurisprudence est divisée sur ce point et varie avec les espèces. Il a été jugé notamment, conformément à la première opinion opinion: 1° « Que le titre » sous-seing privé ou l'expédition authentique de la quittance qui se trouvent en la possession de la >> caution sont, jusqu'à preuve contraire, présumés >> lui avoir été volontairement remis par le créancier. » (Req., 6 août 1873, D. P., 75. 1. 260); 2° « Que la » remise par le créancier au débiteur du titre original » sous-seing privé n'est libératoire que si elle est vo»lontaire et que le créancier peut, pour prouver qu'il » n'a pas rendu le titre volontairement, faire interroger » le débiteur sur faits et articles.» (Bordeaux, 26 novembre 1885, Journal des Arrêts de Bordeaux, 86. 1. 49.)

Mais, d'autre part, un arrêt de la chambre civile a décidé que « les juges du fond ont le droit de vérifier >> par les documents et circonstances de la cause, si la » remise alléguée émane réellement de la volonté du » créancier, et de décider qu'elle est volontaire, au » moyen d'un ensemble de présomptions graves, préci

» ses et concordantes jointes à la possession du titre. » (Civ. rej., 17 mars 1869, D. P., 69. 1. 338.)

Dans le même sens, il a été jugé que « la remise du >> titre ne faisant preuve de la libération que lorsqu'elle » est volontaire, le juge peut vérifier, d'après les cir>> constances de la cause, si ce caractère doit lui être » reconnu. » (Req., 20 octobre 1890, D. P., 91. 1. 263.)

Mais ce point une fois admis ou établi, que celui des plaideurs qui a invoqué une présomption légale se trouve dans le cas prévu par la loi, le procès n'est pas toujours fini. Nous allons voir, en effet, que beaucoup de présomptions légales admettent la preuve contraire, et dans ce cas, la partie à laquelle une telle présomption sera opposée pourra prouver qu'elle ne peut point s'appliquer dans l'espèce déterminée où elle est invoquée, que la conséquence tirée par la loi en règle générale est inexacte, erronée en ce qui concerne le fait en cause. Et si cette preuve est rapportée, celui qui a invoqué la présomption légale pourra suc

comber.

SECTION II

DE LA FORCE PROBANTE DES PRÉSOMPTIONS LÉGALES

§ I. Division des présomptions légales en présomptions simples et en présomptions absolues.

Comme nous l'avons dit plus haut, les présomptions légales, si elles dispensent de preuve celui au profit duquel elles existent, n'ont pas toutes la même puissance, la même force probante; il y a, en effet, entre

les

elles cette différence importante que les unes peuvent être combattues par la preuve contraire, tandis que autres ne le peuvent pas; les unes peuvent être discutées, réfutées, les autres sont inattaquables, s'imposent à tous, et la loi, sur ce point intolérante, oblige les plaideurs à tenir pour établis certains faits parce qu'elle le décide et le veut ainsi dans sa toute puissance.

Cette différence entre les présomptions légales est ancienne dans notre législation. On a toujours reconnu et enseigné que certaines présomptions légales ne pouvaient pas être contredites, que les autres, au contraire, pouvaient l'être. Et vers la fin du xvi° siècle, on a donné à ces diverses présomptions des noms particuliers, qui ont persisté jusqu'à notre époque et qu'on retrouve constamment dans les recueils de jurisprudence et les ouvrages des jurisconsultes; on a appelé les premières présomptions « juris et de jure », les secondes présomptions « juris tantum ». On les appelle aussi, et nous nous servirons de préférence de ces expressions, présomptions légales absolues et présomptions légales simples.

Il s'agit, tout d'abord, de rechercher quelles présomptions sont simples, et quelles présomptions sont absolues.

Dans notre ancien droit, les jurisconsultes ne paraissent pas avoir indiqué d'une façon bien nette, à quel signe distinctif on pouvait reconnaître une présomption <«< juris tantum ou une présomption « juris et de jure ».

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Le législateur de 1804 a, au contraire, permis de les

distinguer les unes des autres. Sans doute il n'a point dit, pour chaque présomption qu'il créait, si c'était une présomption simple ou une présomption absolue, mais il a énuméré limitativement, dans l'art. 1352 du code civil, les cas dans lesquels la preuve contraire est interdite contre une présomption légale. De telle sorte qu'en principe les présomptions légales admettent la preuve contraire, et le rôle de l'interprète se borne à déterminer les présomptions absolues, toutes les autres devant constituer des présomptions simples.

§ II. Des présomptions légales absolues et de la prohibition de la preuve contraire.

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No 1. Principe.

L'art. 1352 est ainsi conçu dans son deuxième alinéa : << Nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi, lorsque, sur le fondement de cette présomp» tion, elle annule certains actes ou dénie l'action en » justice, à moins qu'elle n'ait réservé la preuve con>> traire et sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu » judiciaires ».

Ainsi, deux groupes de présomptions constituent des présomptions absolues n'admettant pas la preuve contraire: 1° le groupe des présomptions sur le fondement desquelles la loi annule un acte; 2° le groupe des présomptions en vertu desquelles la loi dénie l'action. en justice. Toutes les présomptions sont absolues qui peuvent rentrer dans l'un de ces groupes.

On comprend parfaitement et il est inutile d'expli

quer ici ce que veut dire la loi dans le premier cas ́prévu, celui d'une présomption en vertu de laquelle un acte est annulé. Mais que veut-elle dire quand elle parle d'une présomption sur le fondement de laquelle l'action en justice est déniée? Jamais, à vrai dire, la loi ne dénie l'action en justice, en ce sens qu'elle ne défend jamais d'agir judiciairement, qu'elle n'interdit à aucun plaideur de saisir les tribunaux, quelque téméraire que soit le droit invoqué. La loi veut parler du cas où le défendeur peut opposer à la demande contre lui formée une exception péremptoire qui la fait immédiatement tomber. L'action a été introduite, mais celui contre lequel elle est dirigée a, pour se défendre, un moyen puissant, comme la prescription par exemple, qui fait évanouir l'action presqu'aussitôt qu'elle est formée. Toutes les fois qu'un défendeur aura ainsi à opposer à la demande une présomption sur le fondement de laquelle l'action est paralysée dès sa naissance, cette présomption sera absolue et non susceptible d'être combattue par la preuve contraire.

MM. Dalloz font une observation intéressante au sujet de la définition contenue dans cet art. 1352 et apportent sur ce point une précision utile : « On a remarqué avec » raison, disent-ils, que toutes les présomptions abou» tissent finalement à l'un ou l'autre de ces deux résul>> tats l'annulation d'un acte ou dénégation de l'action » en justice, de sorte qu'à considérer les présomptions » dans leurs dernières conséquences, on en viendrait à n'avoir jamais de présomptions simples et à ne trou» ver que des présomptions absolues (cf. Larombière,

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