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En premier lieu, la preuve contraire est admise contre les présomptions visées par l'article 1352 lorsqu'elle est réservée par la loi.

En second lieu, il est toujours possible de combattre une présomption absolue par deux modes de preuve spéciaux, l'aveu et le serment, sauf pourtant lorsque la présomption absolue intéresse l'ordre public.

Il nous reste à parler de ces deux exceptions pour terminer notre étude.

1re exception: De la réserve de la preuve contraire. En ce qui concerne la première exception, les auteurs sont presque tous d'accord pour reconnaître que la loi ne réserve jamais la preuve contraire contre une présomption sur le fondement de laquelle un acte est annulé.

Seul, M. Demolombe croit que l'on peut trouver un exemple dans l'art. 1325 du code civil « qui, après » avoir déclaré nul l'acte sous-seing privé qui contient >> une convention synallagmatique, lorsqu'il n'a pas été » fait double ou ne porte pas la mention « fait dou»ble », réserve la preuve contraire résultant de l'exé>>cution de la convention» ('). Nous estimons que M. Demolombe commet une erreur, car ce n'est pas en se basant sur une présomption, mais simplement pour une question de forme, que l'art. 1325 annule l'acte sous-seing privé qui contient une convention synallagmatique, lorsqu'il n'a pas été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt dis

(1) Demolombe, VII, n. 271,

tinct, ou ne porte pas la mention du nombre des originaux qui ont été faits. D'ailleurs, ce n'est pas l'acte en tant que fait juridique, en tant que convention, qui est annulé par l'art. 1325, lorsque les formalités qu'il exige n'ont pas été remplies, c'est seulement l'acte considéré comme écrit, comme moyen de preuve.

Il n'y a donc pas là une exception à la règle qui est sur ce point absolue: parmi les textes du code civil qui prononcent l'annulation d'un acte sur le fondement d'une présomption légale, aucun ne réserve la preuve

contraire.

Il n'en est pas de même dans le second cas prévu par l'art. 1352, et la règle d'après laquelle la preuve contraire n'est pas admise contre une présomption sur le fondement de laquelle la loi dénie l'action en justice comporte, de l'avis de tous, au moins une exception. contenue dans l'art. 1283 du code civil. Cet article dit, en effet, que « la remise volontaire de la grosse du >> titre fait présumer la remise de la dette ou le paie» ment, sans préjudice de la preuve contraire ». En conséquence, le créancier auquel la présomption de libération de l'art. 1283 sera opposée pourra combattre cette présomption et prouver que, malgré la remise de la grosse de son titre, il n'a pas fait remise de la dette à son débiteur, ou que celui-ci ne l'a pas payé.

La plupart des auteurs ne citent pas d'autres cas où la loi réserve la preuve contraire et considèrent celui que nous venons d'indiquer comme unique dans le code. Un auteur cependant, M. Larombière (1), estime

(1) Larombière, V, art. 1352, n. 4.

Dumora

qu'il en existe d'autres et il les trouve dans les art. 312, 653 et 1499 du code civil.

1o La présomption de paternité de l'article 312, par exemple, empêche, en principe, le mari de prétendre qu'il n'est pas le père de l'enfant dont sa femme est accouchée. C'est une présomption légale sur le fondement de laquelle l'action en justice est déniée. Cependant, dans certains cas prévus par la loi, le mari peut intenter l'action en désaveu et prouver qu'il n'est pas le père de l'enfant que sa femme a mis au monde. C'est là, pour M. Larombière, la preuve contraire réservée par la loi elle-même contre une présomption absolue;

2. La présomption de mitoyenneté, sur le fondement de laquelle la loi dénie l'action en justice, d'après le même auteur, peut aussi être combattue, s'il y a titre ou marque du contraire, conformément aux dispositions. des articles 653, 666 C. civ.;

3o Enfin M. Larombière trouve dans l'article 1499 C. civ. la réserve de la preuve contraire contre une présomption légale rentrant dans les termes de l'article 1352. D'après cet article, qui est relatif au régime de la communauté réduite aux acquêts, le mobilier qui existe au moment de la dissolution de la communauté est réputé acquêt. Cependant l'un des époux peut établir que certains meubles lui sont propres, à l'aide d'un inventaire ou d'un état en bonne forme.

Nous partageons l'opinion de M. Larombière en ce qui concerne la présomption de paternité, qui est bien, en principe, une présomption absolue; la loi qui la crée réserve, en effet, la preuve contraire. La seule diffé

rence qui existe entre l'article 1283 et les articles 312 et 313, c'est que dans le cas prévu par le premier, tous les modes de preuve sont toujours admis contre la présomption de libération contenue dans cet article, tandis que dans le cas prévu par les autres articles, la preuve contraire n'est possible que dans certaines conditions déterminées par la loi et que nous n'avons pas à étudier

ici.

Mais, en ce qui concerne la présomption de mitoyenneté et celle de l'article 1499 du Code civil, nous estimons que M. Larombière se trompe en trouvant dans les articles 653, 666 et 670 d'une part, 1499 d'autre part, des présomptions absolues. La loi, en effet, ne déclare pas absolues les présomptions sur le fondement desquelles elle fait résulter la propriété de certaines circonstances. Ce sont, à notre avis, des présomptions simples qui ne peuvent être combattues qu'à l'aide de modes de preuve limitativement énoncés.

2 exception: De l'aveu et du serment considérés comme moyens de preuve admissibles contre les présomptions légales absolues. Et nous arrivons à la

seconde exception que nous avons ainsi formulée : il est toujours possible de combattre une présomption absolue par deux modes de preuve spéciaux, l'aveu et le serment, sauf pourtant lorsque la présomption absolue intéresse l'ordre public.

Cette exception résulte de l'article 1352 du Code civil qui, après avoir énoncé la règle que nulle preuve n'est admise contre certaines présomptions et l'exception relative à la réserve de la preuve contraire, se

termine par ces mots : « et sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires ».

Il est évident que c'est là une deuxième restriction à la règle qui vient d'être posée, et il est difficile de comprendre autrement cette disposition de la loi.

Cependant, certains auteurs n'acceptent pas cette interprétation et refusent de voir dans ces quelques mots qui terminent l'article 1352, une exception à la règle absolue et impérative que les présomptions «< juris et de jure » n'admettent pas en principe la preuve con.

traire.

Il nous faut dire un mot de cette longue et difficile controverse, qui est surtout théorique, car dans la pratique la question est depuis longtemps tranchée dans le sens que nous adoptons.

MM. Larombière et Duranton auxquels se joint Dalloz (') prétendent que la disposition finale de l'art. 1352 contient un simple renvoi aux sections qui vont suivre, dans lesquelles le législateur doit s'occuper des deux derniers modes de preuve admis par la loi, l'aveu et le serment. Et ces expressions « sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires » signifient, d'après eux, ou bien que le législateur décidera, dans les sections qui les concernent, si l'aveu et le serment peuvent être combattus par la preuve contraire et de quelle manière ils peuvent l'être, ou bien qu'il indiquera dans cette partie de son œuvre, si l'aveu et le serment peuvent servir à combattre les présomptions absolues qui, en

(1) Larombière, V, art. 1352, n. 11; Duranton, XIII, n. 415 ; D., Rép., vo Obligations, n. 5007, Suppl., eod. vo, n. 2047.

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