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se ménager une preuve par écrit, au moment où ils ont été accomplis.

Les délits et quasi-délits qui sont la source de nombreuses actions en justice, peuvent aussi, et pour la même raison, être toujours prouvés à l'aide des présomptions de l'homme.

2o Vices du consentement. Le principe posé par l'article 1348 s'applique aussi aux vices du consente

ment.

L'erreur, le dol, la violence peuvent être établis par simples présomptions, et le plus souvent, ce sont des présomptions de l'homme qui sont invoquées pour établir des faits de cette nature, des faits dolosifs, par exemple, qui n'ont pu évidemment être constatés par écrit au moment où ils se sont produits et qui presque toujours n'ont pas eu de témoins.

Mais pourtant, objecte-t-on, en ce qui concerne le dol, l'article 1146 du code civil dit que « le dol ne se présume pas ». Cela signifie simplement qu'il doit toujours être prouvé, mais il peut l'être par tous les modes de preuve admissibles et notamment par les présomptions, puisque la partie qui s'en plaint n'a pu s'en procurer une preuve littérale.

On objecte encore que les présomptions de l'homme devraient être prohibées pour établir le dol lorsque la convention attaquée a été constatée par écrit, que dans ce cas, en effet, on se heurte aux dispositions des art. 1319 et 1322 du code civil qui portent que l'acte authentique et l'acte sous-seing privé reconnu ou légalement tenu pour reconnu, font pleine foi de la con

vention qu'ils renferment, et à celles de l'art. 1341 qui défend de prouver par témoins contre et outre le con

tenu aux actes.

la

Nous répondons sur le premier point, avec M. Laurent, que ce n'est pas l'acte que l'on attaque, mais la convention qu'il constate, et sur le second point, que règle de l'art. 1341 ne peut s'appliquer, lorsque le demandeur a été dans l'impossibilité de se procurer une preuve littérale, que c'est bien le cas de celui qui allègue le dol.

3° Fraude et simulation. Comme pour le dol, les présomptions simples sont d'un secours fréquent et parfois unique, pour prouver la fraude et la simulation, si souvent invoquées en justice; presque toujours cette fraude, cette simulation ne pourront être établies qu'à l'aide de certains faits de la cause, et de certaines circonstances du procès, desquels les parties et les magistrats pourront tirer les conséquences nécessaires pour prouver la fraude, la simulation. La fraude peut toujours et par toutes personnes être prouvée par présomptions, même la fraude à la loi ('); la simulation, au contraire, ne peut être établie par ce moyen de preuve que par les tiers, c'est-à-dire par ceux qui n'ont point joué un rôle actif dans le contrat prétendu simulé. Ceux qui se sont prêtés à la simulation ne peuvent la prouver que par la preuve littérale, car au moment où le fait juridique s'est accompli, ils auraient pu, dans une contre-lettre, se ménager la preuve de la simulation.

() Req. rej, 20 mars 1865, S., 65, 1. 208. — Req. rej., 22 nov. 1869, S., 70. 1.339.

Nous venons de dire, conformément à l'art. 1353 du code civil, que le dol et la fraude pouvaient être établis par simples présomptions parce qu'ils peuvent l'être par témoins, en vertu de l'art. 1348 du même code.

Que signifient alors les derniers mots de l'art. 1353 qui, après avoir indiqué que les présomptions devaient être admises dans les cas seulement où la loi admet la preuve testimoniale, se termine ainsi : « à moins que » l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol »?

Ces derniers mots sont absolument inutiles, puisque l'art. 1353 ne fait qu'assimiler les présomptions aux témoignages et que la fraude et le dol peuvent être prouvés par témoins.

Veulent-ils, comme on l'a prétendu, établir une distinction en ce qui concerne la fraude à la loi, qui pourrait toujours être prouvée par présomptions, tandis qu'elle ne pourrait l'être par témoins que dans le cas où celui qui l'allègue aurait été dans l'impossibilité de s'en procurer une preuve littérale? Nous ne le pensons pas, nous croyons que la preuve testimoniale est toujours admissible pour établir la fraude à la loi, au même titre que les présomptions, parce que même celui qui se rend complice de la fraude est dans l'impossibilité, au moins morale, de s'en procurer la preuve par écrit.

Dans tous les cas, et c'est le seul point qui nous intéresse ici, la fraude et le dol peuvent toujours être établis à l'aide de simples présomptions.

Les présomptions de l'homme ont donc, nous venons de le voir, une grande importance dans la pratique. De nombreux jugements sont basés spécialement et uni

quement sur les conséquences tirées par le magistrat des faits de la cause. Il est peu de procès où ne trouvent place quelques présomptions légales. Dans les actions pauliennes, dans les demandes en distraction d'objet saisi, dans les actions en nullité de testament pour cause de captation notamment, c'est le plus souvent grâce à des présomptions simples que la fraude du débiteur, l'entente frauduleuse entre le saisi et le demandeur en distraction et la captation peuvent être établies et le sont suffisamment, pour permettre aux juges de statuer en connaissance de cause.

SECTION II

QUALITÉS QUE DOIVENT AVOIR LES PRÉSOMPTIONS DE L'HOMME

POUR TENIR LIEU DE PREUVE

Il y a des degrés dans les présomptions humaines; ce sont des présomptions fortes qu'on doit invoquer pour convaincre le juge; celui-ci, en effet, ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes (art. 1353 C. c.).

Ce n'est pas à dire cependant que plusieurs présomptions soient nécessaires, pour permettre au juge de statuer en se basant sur ce moyen de preuve. Le vieil adage testis unus, testis nullus, n'est plus vrai aujourd'hui. Une seule présomption, si elle est assez grave, peut suffire pour déterminer la conviction. Presque tous les auteurs sont d'accord sur ce point (').

(') Demolombe, Obligations, liv. III, tit. III, chap. VI, n. 245; Aubry et Rau, VIII, § 766; Bonnier, II, 817; Larombière, V, art. 1353, n. 8,

Seul Toullier (') enseigne l'opinion contraire, en se basant sur le texte de la loi qui semble exiger plusieurs présomptions; c'est là une interprétation erronée. Tout ce qu'a voulu dire l'art. 1353, à notre avis, c'est que s'il y a plusieurs présomptions, elles ne doi

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Les présomptions doivent être graves et précises, c'est-à-dire que la conséquence qu'on en tire doit être assez forte pour entraîner la conviction du juge ou tout au moins une grande probabilité.

Les juges sont et doivent être sévères dans l'admission des présomptions simples. Ils sont, d'ailleurs, souverains appréciateurs des présomptions invoquées, et, dans les cas où ce genre de preuve est possible, ils sont absolument libres de tirer des faits de la cause les conséquences qui leur paraissent logiques et convaincantes. Ce sont eux seuls qui décident si les présomptions sur lesquelles l'une ou l'autre des parties se base sont graves, précises et concordantes. Ils ne relèvent pas, à ce point de vue, de la cour de cassation.

Ils peuvent même puiser en dehors de la cause, par exemple dans une procédure criminelle, les faits dont ils pourront tirer des conséquences utiles pour former leur conviction. C'est l'opinion générale des auteurs et de la jurisprudence (*).

Présomptions de l'homme en matière criminelle.

(1) Toullier, X, 20 à 22.

Rouen,

(*) Demolombe, Obligations, liv. III, chap. VI, n. 244. 20 fév. 1867, D. P., 68. 2. 80. Aix, 4 mai 1874, D. P., 75. 2. 52.

Riom, 30 janv. 1883, D. P., 84. 2. 199.

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