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titution, le créancier se met dans l'impossibilité de prouver sa créance (1).

Enfin, d'après les mêmes principes d'interprétation restrictive, il faut décider que la délivrance, par un notaire, de la grosse ou d'expéditions d'actes qu'il a reçus, n'emporte pas présomption légale de paiement en ce qui concerne les frais et honoraires dus pour ces actes; ce n'est pas là en effet le titre de la créance du notaire vis-à-vis de son client. Et cependant la cour de cassation juge qu'il y a, dans cette remise d'actes par le notaire, une présomption de libération (*); c'est créer une nouvelle présomption de cette nature et la cour de cassation n'a pas le pouvoir de le faire. La jurisprudence des cours d'appel est sur ce point divisée (').

3° Présomption de l'art. 1384.-L'art. 1384 du code civil établit une présomption de faute contre certaines. personnes qu'il rend responsables des faits dommageables commis par d'autres. Ce sont : le père, et après son décès, la mère qui sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux; les instituteurs et les artisans qui sont responsables du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance; enfin les

(') Demolombe, V, n. 405; Larombière, III, art. 1282, n. 7; Aubry et Rau, IV, p. 209.

(3) Cass., 26 janvier 1858, S., 58. 1. 527; cass., 6 février 1860, S., 60. 1.

330.

(3) Dans le sens de la cour de cassation, Bordeaux, 8 mars 1889, D., P., 92. 2. 1. Dans le sens contraire, Dijon, 14 août 1879, S., 80. 2. 15, et Alger, 30 mai 1888, S, 91. 2. 158.

maîtres et les commettants qui sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

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Mais la liste est close et la loi ne parle dans cet article ni du mari, ni du tuteur. Toujours en vertu de notre principe, il n'est pas possible de dire que le mari est responsable à priori du dommage causé par sa femme parce qu'il est présumé en faute, que pour la même raison le tuteur est responsable du dommage causé par son pupille. Sans doute le tuteur pourra être responsable dans ce cas, mais ce ne sera point en vertu d'une présomption légale, la faute ne sera pas présumée contre lui, et pour entraîner sa responsabilité, il faudra prouver, conformément au droit commun, qu'il a commis une faute, et qu'avec plus de surveillance, une meilleure éducation, plus de sévérité, il aurait pu éviter le préjudice.

La solution que nous venons de donner est admise par tous en ce qui concerne le mari à l'égard de sa femme, mais il y a des dissidences en ce qui concerne le tuteur, et pourtant il ne devrait pas y en avoir. Certains auteurs, et notamment MM. Aubry et Rau ('), assimilent les tuteurs aux pères et sont d'avis que, pour les uns comme pour les autres, la responsabilité est la même, et que le tuteur doit être présumé en faute par sa seule qualité. Nous ne pouvons partager et accep ter cette opinion qui est contraire à la loi; le tuteur n'est pas compris dans l'énumération de l'art. 1384;

(1) V. Aubry et Rau, IV, p. 758, note 11.

par conséquent, la présomption contenue dans cet article ne peut pas lui être applicable.

4° Présomption de l'art. 1784. — Une autre présomption de faute est à tort étendue par certains arrêts, c'est celle de l'art. 1784 du code civil. Cet article présume la faute des voituriers en ce qui concerne la perte et les avaries des choses qui leur sont confiées. Quelques arrêts admettent cette présomption de faute pour les accidents arrivés aux personnes. (Aix, 5 juill. 1887, S., 87. 2. 230. — Paris, 27 juill. 1892, D. P., 92. 2. 557). L'art. 1784 ne parlant que du transport des choses ne doit pas pouvoir être invoqué quand il s'agit du transport des personnes. Pour obtenir réparation des accidents arrivés à celles-ci, il faut donc prouver la faute du voiturier, ce qui est généralement facile. La cour de cassation juge dans le sens que nous indiquons (Cass., 10 nov. 1884, D. P., 85. 1. 433).

L'art. 1731 du

5° Présomption de l'art. 1731. code civil va nous fournir un dernier exemple d'extension de présomption légale. Une des obligations du preneur en matière de louage est de restituer la chose louée à l'expiration du bail; sur ce point, l'art. 1730 décide que s'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue....., et l'art. 1731 ajoute : « S'il n'a » pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé » les avoir reçus en bon état de réparations locatives >> et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire ». Voilà une présomption légale bien nettement établie; de ce seul fait qu'un preneur entre en possession de la

chose louée, sans faire dresser un état des lieux, la loi induit qu'il a reçu la chose en bon état de réparations locatives, et il devra la rendre dans le même état.

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Certains auteurs ont le tort d'étendre cette présomption en dehors du cas prévu par la loi. C'est ainsi que M. Colmet de Santerre permet d'invoquer l'art. 1731 en ce qui concerne les grosses réparations, et d'après lui, s'il n'y a pas eu d'état des lieux, le preneur doit être présumé avoir reçu la chose louée en bon état de grosses réparations. « Il est difficile, dit-il, de ne pas rai» sonner a fortiori de ce que la loi dit sur les répara>>tions locatives à ce qui doit être dit des autres. Les » dégradations qui donnent lieu à des réparations >> locatives sont les moins graves si la loi présume » que le preneur n'aurait pas accepté la chose louée » sans faire constater la nécessité de ces mêmes répa>> rations, elle doit à plus forte raison penser qu'en » présence de dégradations plus graves, il aurait encore >> moins consenti à manquer de preuve sur l'état des >> lieux. L'article doit être entendu comme s'il disait : » la chose est présumée reçue en bon état de répara» tions, même locatives » ('). Ce n'est pas possible; l'art. 1731 ne parle que de réparations locatives, il n'est pas permis à l'interprète de l'appliquer aux grosses réparations. D'ailleurs, le preneur n'est tenu que des réparations locatives; ce sont de celles-là seulement qu'il doit se préoccuper.

La présomption de l'article 1731 C. civ. a été éten

(') Colmet de Santerre, VII, 178 bis. Dans le même sens, Guillouard, I, n. 244.

due encore davantage, en dehors même de la matière du contrat de louage. Certains auteurs sont d'avis, en effet, que cette présomption doit être admise en matière d'absence, dans le cas prévu par l'article 126 C. civ. Cet article, après avoir organisé certaines garanties au profit de l'absent, en vue de son retour, peu probable cependant, indique que les envoyés en possession provisoire pourront requérir qu'il soit procédé à la visite des lieux, à l'effet d'en constater l'état. Si cette mesure a été prise et que l'absent revienne, il ne peut pas y avoir de difficulté; les envoyés devront lui remettre ses immeubles dans l'état où ils étaient lorsqu'ils en ont pris possession. Mais supposons qu'un état des lieux n'ait pas été dressé et qu'au bout d'un certain temps l'absent revienne. Les auteurs, dont nous parlons, appliquent ici l'article 1731 C. civ. et décident que l'absent de retour pourra, en se basant sur cette présomption, soutenir que les envoyés en possession provisoire ont reçu les immeubles en bon état.

C'est toujours la même erreur. Ces auteurs transportent un article de loi en dehors de ses limites naturelles, ils étendent une présomption légale, ce qui n'est pas permis à l'interprète. D'ailleurs, l'article 1731, qui se justifie dans la matière du contrat de louage, n'a plus sa raison d'être en matière d'absence. Le bailleur,.en effet, d'après l'article 1720 C. civ., est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce, le preneur peut l'exiger, et s'il n'est rien dit au moment de l'entrée en jouissance, si les parties ne font pas dresser un état des lieux, on comprend très bien que

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