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des art 329 et 330. C. Civ. Il admet que ces articles qui ont trait à la filiation légitime, s'appliquent purement et simplement à la filiation naturelle, car il admet en principe, qu'il faut interpréter les dispositions contenues dans le Chap. III par celles contenues dans le Chap. II, lorsqu'il ne se trouve dans le Chap. I aucune dérogation expresse ou tacite. D'après les art. 329 et 330, l'action en réclamation d'état d'enfant légitime appartient aux héritiers de l'enfant; nulle disposition dans le chap. III n'étant en opposition avec les dispositions contenues dans ces articles, il faut en conclure que le même droit appartient aux héritiers de l'enfant naturel. (1)

Faut-il reconnaître le même droit aux créanciers de l'enfant naturel comme exerçant les droits et actions de leur débiteur conformément à l'art 1166. C. Civ. Il est certain que, tant que les créanciers de l'enfant naturel n'ont pas un droit né et actuel, que tant que leur action par conséquent n'a pour but que la recherche de la paternité de leur débiteur, ce droit doit leur être refusé. Mais devrait-il en être de même, si l'action en recherche de paternité intentée par les créanciers de l'enfant naturel, venait à l'appui d'un droit né et actuel; si ils venaient soutenir que leur débiteur étant le fils d'un homme décédé, il réclament paiement de leur créance sur la part héréditaire qui reviendrait à leur débiteur si sa filiation paternelle était établie. Nous pensons que même alors, ils n'ont pas le droit d'intenter l'action en recherche de paternité. Tant que l'action repose directement sur la tête de l'enfant, c'est-à-dire, tant qu'il est vivant, elle a un carac(1) Demolombe. T. 5. no 2×2. à 284. no 520.

tère essentiellement moral, le but principal que l'enfant chercherait à atteindre en l'exerçant, serait d'établir sa filiation paternelle; l'acquisition des droits résultant de la filiation naturelle ne vient qu'en second ordre. La conséquence de ce caractère essentiellement moral de l'action en recherche de paternité de l'enfant est que, tant qu'il est vivant, l'action n'appartient qu'à lui et ne peut pas être intentée en son nom par des tiers intéressés (1).

Nous avons examiné les cas dans lesquels l'action peut être intentée au nom de l'enfant, et nous n'avons reconnu ce droit qu'à ses héritiers. Mais, l'action en recherche de paternité peut-elle être intentée contre l'enfant, afin que sa filiation étant établie, il soit frappé des incapacités légales. Les héritiers du défunt que l'art 908 désigne comme ayant le droit d'invoquer l'incapacité de récevoir de l'enfant naturel reconnu, au delà des limites fixées par cet article, ont-ils également le droit, de faire réduire les donations ou les legs dépassant la quotité fixée par l'art. 908, en établissant que le donataire ou le légataire est enfant naturel du testateur.

Ceux qui admettent avec la jurisprudence que l'action en recherche de paternité est un droit essentiellement personnel, refusent naturellement aux personnes indiquées dans l'art. 908, le droit de prouver la filiation paternelle du donataire ou du légataire, pour faire réduire le legs ou la donation aux limites fixées par cet article. (2)

Ceux même, qui comme MM. Demolombe, Marcadé, Massé et Vergé reconnaissent aux héritiers de l'enfant

(1) Laurent. T. 3 n° 470.

(2) Dalloz. Rep. verb. Paternité et filiation, p. 387.

naturel le droit d'intenter l'action en recherche de paternité, soutiennent que cette action ne peut être intentée contre lui. « La loi, disent MM. Massé et Vergé, ne brave le scandale d'un procès en recherche de maternité que dans l'intérêt de l'enfant : c'est ce qui résulte des termes mèm es es art. 341 et 342. Et de ce qu'elle a ouvert à l'enfant l'action en recherche de maternité, dans un intérêt assurément plus élevé qu'un simple intérêt pécuniaire, on ne peut en conclure qu'elle l'a ouverte, contre l'enfant, aux tiers dont un intérêt pécuniaire serait le seul mobile. (1) La conséquence logique de la théorie de M. Demolombe, qui applique à l'action en recherche de filiation naturelle les art. 329 et 330 du Code Civil, est qu'en dehors des héritiers de l'enfant naturel, l'action en recherche de paternité ne peut appartenir à aucune autre personne. Cet auteur cependant, invoque d'autres raisons pour refuser l'exercice de l'action en recherche. de paternité contre l'enfant. La lecture du Code, dit-il, produit cette impression, que le législateur ne s'est occupé des preuves de la filiation naturelle, que dans l'intérêt de l'enfant; art. 335, 337, 339, 340, 341. C. Civ. Le mot réclamation qu'emploient les art. 338, 339 et 341, ne peut s'entendre que de l'action dirigée par l'enfant. Quant aux tiers dont parle l'art. 329, ils ont seulement le droit de contester l'action en recherche de paternité, ils ne peuvent pas se porter demandeurs à l'action.

Enfin, dit M. Demolombe, que vaut la considération d'intérêt général fondée sur la fraude? Ne va-t-on pas, si l'on admet que l'action peut être dirigée contre l'en

(1) Massé et Vergé sur Zachariœ T. I. p. 331. note I.

fant aboutir à un résultat choquant, les enfants adultérins ou incestueux ne peuvent être reconnus, leur filiation ne peut être prouvée judiciairement, ils pourront donc recevoir les libéralités qui leur auront été faites au delà des limites fixées par l'art. 908 3o al. sans qu'il soit possible de les faire réduire en établissant qu'ils sont adultérins ou incestueux, ils seront donc ainsi plus favorisés que les enfants naturels simples (1).

Le rapprochement de l'art. 340 2e al. de l'art. 908, nous conduit à une conclusion contraire. L'art. 908 frappe les enfants naturels d'une incapacité de recevoir au delà des limites qu'il fixe. Cette incapacité est d'ordre public et atteint non seulement les enfants naturels qui ont été volontairement reconnus, mais encore, elle les frappe en qualité d'enfants naturels. « La cause génératrice de l'incapacité, dit M. de Loynes, réside dans le rapport de paternité et de filiation; elle ne résulte pas seulement de la reconnaissance; elle frappe comme le dit la loi, l'enfant naturel à quelqu'époque qu'ait été faite la reconnaissance. Sans doute, si la filiation n'est pas régulièrement constatée, il sera imposible de prouver l'incapacité, et la libéralité produira des effets aussi étendus que si elle s'adressait à un étranger. Mais il ne faudrait pas en conclure que l'incapacité n'existe pas. Elle est cachée; la preuve en est impossible, si on admet avec la jurisprudence et contrairement à l'opinion de la majorité des auteurs que l'action en recherche de maternité, de même que l'action en recherche de la paternité

(1) Demolombe t. 5, n° 527. Marcadé, t. II. p. 85, 86.

dans les rares hypothèses où elle est autorisée par la loi, est personnelle à l'enfant et ne peut être intentée contre lui »> (1). Lorsque les enfants naturels se trouvent, dans le cas de l'art. 340 1er al., il est bien certain que l'interdiction absolue de rechercher la paternité, s'oppose à ce que l'action soit intentée contre eux, dans le but de les frapper de l'incapacité de l'art. 908. Mais lorsque les enfants naturels se trouvent dans le cas de l'art 340. 2° al., lorsqu'ils ont le droit de rechercher leur filiation paternelle, lorsque ce droit est reconnu à leurs héritiers, on ne comprendrait pas que la violation d'un principe d'ordre public comme celui contenu dans l'art. 908, put dépendre d'un accord intervenu entre le père et l'enfant. Il faut que l'incapacité dont sont frappés les enfants naturels puisse être invoquée contre eux et les termes généraux employés par l'art 340. 2o al., accordant ce droit aux personnes désignées dans l'art. 908.

(1) De Loynes note sous arrêt de Dijon, 18 décembre 1891. D. 92. 2. 217 dans le même sens, Aubry et Rau. t. 6. p. 199. note 6. Baudry-Lacantinerie, t. I. 5 édition p. 561.

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