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CHAPITRE V

DES ENFANTS ADULTERINS OU INCESTUEUX

On nomme enfants adultérins ou incestueux, ceux qui sont nés de personnes entre lesquelles existe un empêchement de mariage, soit à raison du degré de parenté, soit parce que l'un des auteurs de l'enfant était déjà engagé dans les liens du mariage.

Alors que l'art. 334 du C. Civ. autorise la reconnaissance des enfants naturels simples dans leur acte de naissance, ou postérieurement dans un acte authentique, donnant ainsi aux auteurs de l'enfant le moyen de réparer la faute commise et d'assurer à cet enfant, malgré le vice de sa naissance un état et des droits; l'articles 335 du C. Civ. interdit d'une façon formelle la reconnaissance des enfants adultérins ou incestueux. « Cette reconnaissance ne pourra avoir lieu au profit des enfants nés d'un commerce incestueux ou adultérin », art. 335 C. Civ. Le législateur a voulu empêcher le scandale qui résulterait nécessairement de l'aveu de l'adultère ou de l'inceste par ceux qui s'en seraient rendus coupables.

Partant de cette idée, le législateur devait être logiquement conduit à interdire la recherche de la paternité, quand le résultat de l'action doit conduire à la constatation d'une filiation adultérine ou incestueuse, alors même que l'on se trouverait dans le cas prévu par le 2o al. de l'art. 340. C'est ce qu'a décidé l'art. 342 ainsi conçu: « Un enfant ne sera jamais admis, à la recherche soit de la paternité soit de la maternité, dans le cas, où suivant l'art. 335, la reconnaissance n'est pas admise ». Peu importe que les conditions exigées par l'art. 340, 2o al., pour autoriser l'action en recherche de paternité soient réunies, par le seul fait que l'exercice de l'action en recherche de paternité doive aboutir à la constatation d'une filiation adultérine ou incestueuse, l'enfant est privé du droit d'agir.

On a cependant contesté la portée de l'art. 342 C. Civ., et on a soutenu qu'au cas d'enlèvement de la mère, la paternité pourrait être attribuée au ravisseur alors même qu'elle devrait aboutir à une déclaration de paternité adultérine. « Lorsqu'un homme marié, dit M. Loiseau, enlève une fille, ou un garçon une femme mariée, leur enfant peut être déclaré appartenir au ravisseur, si la conception de cet enfant coïncide avec l'époque de l'enlèvement de la mère; il est alors évident que l'enfant est adultérin (1) ».

Cette opinion isolée, doit être repoussée en présence des termes absolus des art. 335 et 342.

La portée de l'art. 342 est la même que celle de l'art. 340 1er al. De même que l'enfant naturel simple ne peut

(1) Loiseau, p. 735.

jamais rechercher sa filiation paternelle, qu'elle ne peut point être recherchée en son nom à son profit, ou contre lui pour le frapper des incapacités légales, de même la recherche de la paternité adultérine ou incesteuse est interdite à l'enfant et à son profit, ou contre lui pour faire réduire les libéralités qui lui auraient été faites au-delà des limites fixées par l'art. 762 C. Civ. « Considérant que la reconnaissance d'un enfant adultérin ou incestueux est frappée d'une nullité absolue, et ne peut pas plus être opposée à l'enfant, qu'il ne peut s'en prévaloir lui-même ; dit un arrêt de la Cour de Grenoble du 26 juin 1821, 3o que toute production de pièces, toute investigation qui aurait pour objet de prouver une filiation adultérine, soit par voie d'action, soit par voie d'exception, doivent également être repoussées ». La Cour de Cassation, par arrêt du 17 avril 1823 rejeta le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour de Grenoble (1).

Il y aurait de même recherche de paternité adultérine prohibée par l'art. 342, au cas où un enfant ayant été reconnu dans les formes exigées par l'art. 334 par un homme libre, voudrait sur un commencement de preuve par écrit rechercher sa mère, pour établir qu'étant mariée à l'époque de la conception, l'acte de reconnaissance fait par le père est nul comme fait au profit d'un enfant adultérin. Il en serait de même au cas où l'on voudrait prouver que la mère de l'enfant est parente avec l'auteur de la reconnaissance à un degré prohibant le mariage entre eux. Ainsi l'a jugé la Cour d'Aix par arrêt du 30 mai 1866 (2).

(1) Dall. Rep. verb. paternité et filiation. p. 415. note 1. Cass. p. 421. note 1.

(2) Aix. 30 mai 1866. D. 66-2-201.

L'art. 335 interdit la reconnaissance des enfants naturels, lorsque cette reconnaissance doit aboutir à la constatation d'une filiation adultérine ou incestueuse. Mais, quelle sera la valeur d'une telle reconnaissance si elle a été faite dans la forme authentique ? Le Code ne dit pas en propres termes qu'une telle reconnaissance est nulle, mais il faut cependant conclure à la nullité en présence des dispositions de l'art. 335, interdisant d'une façon absolue la reconnaissance des enfants adultérins ou incestueux, et dire que si une telle reconnaissance avait été faite elle ne pourrait produire aucun effet.

Suivant certains auteurs cependant, la reconnaissance faite par acte authentique d'enfants adultérins ou incestueux, ne serait point complètement dépourvue d'effet. L'art. 762, a-t-on dit, suppose que la filiation adultérine ou incestueuse peut être prouvée puisqu'il accorde un droit alimentaire aux enfants adultérins ou incestueux; ne serait-ce point le cas, lorsque l'enfant adultérin ou incestueux aura été reconnu par un acte authentique, d'appliquer les dispositions de l'art. 762. On raisonne ainsi ce que le législateur a voulu éviter, c'est que par une reconnaissance authentique, le père puisse donner à ses enfants adultérins ou incestueux, le droit de porter son nom et venir à sa succession; mais il n'a point entendu dispenser l'auteur de la reconnaissance de fournir des aliments à ses enfants adultérins ou incestueux. L'art. 342 interdit bien aux enfants adultérins ou incestueux de rechercher leur filiation, mais lorsque cette filiation se trouve établie par une reconnaissance faite par acte authentique, la prohibition de l'art. 342 n'a plus d'objet et

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