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mille autres. Celui-là est illicite, nous en convenons volontiers; mais nous l'avons dit, la loi n'annule que les obligations qui ont une cause illicite, et non celles qui ont un motif illicite (1) ».

Aux arguments déjà exposés, M. Demolombe en ajoute un autre qui nous parait décisif. Si les art. 1131 et 1133 s'appliquent aux dispositions à titre gratuit, peu importe que la cause soit ou non exprimée; la preuve de cette cause pourra toujours être faite. Alors, que signifie la distinction de la jurisprudence annulant la libéralité quand elle est contenue dans le même acte que la reconnaissance, et la déclarant valable au cas contraire ? (1).

Enfin, si l'on décide avec la jurisprudence qu'il faut annuler la libéralité à titre gratuit, parce qu'elle a été déterminée uniquement par le sentiment où se trouvait le testateur ou le donateur, qu'il était le père adultérin ou incestueux de l'enfant, il faudrait l'annuler pour le tout et non point seulement jusqu'à concurrence de la quotité fixée par l'art. 762. L'aveu contenu dans le testament ou l'acte de donation ne saurait être considéré comme une preuve de la filiation adultérine ou incestueuse, et par conséquent ne saurait donner à l'enfant ainsi reconnu les droits que l'art. 762 accorde aux enfant adultérins ou incestueux (2). Décider le contraire, ce serait contrevenir aux dispositions de l'art. 342 qui interdit la preuve de la paternité adultérine ou incestueuse.

(1) Baudry-Lacantinerie, t. II, 5o éd., p. 604. Demolombe, t. 5, p. 628 et ss. Note de Devilleneuve, sous arrêt de cassation du 15 juillet 1816, § 46, 1, 721.

(2) Amiens, 16 mai 1813. Cass. 15 juillet 1846, § 46, 1, 722.

QUATRIÈME PARTIE

LÉGISLATIONS ÉTRANGÈRES ET PROJETS DE LOI

CHAPITRE PREMIER

LEGISLATIONS ÉTRANGERES

La solution donnée par un certain nombre de législations étrangères à la question de la recherche de la paternité, dans le sens de l'admission du principe de la libre recherche, est un des arguments le plus souvent mis en avant, par ceux qui demandent une modification de l'art. 340 C. Civ. Pourquoi ne pas admettre dans notre législation, dit-on, un principe que la majorité des peuples a conservé, qui a produit chez eux d'excellents résultats et auquel reviennent petit à petit ceux qui l'avaient abandonné, après avoir constaté les effets déplorables du principe de l'interdiction de la recherche de la paternité. Malheureusement notre étude sur ce point ne peut être que fort incomplète, car pour bien connaître la valeur de l'argument tiré de l'exemple des législations étrangères, il nous faudrait non seulement exposer les principes de ces législations, mais encore nous livrer à une étude appro

fondie de la jurisprudence, des écrits des juristes et des philosophes de ces pays, sur notre matière.

:

Les législations étrangères que nous avons étudiées, se divisent en deux groupes principaux pays de libre recherche, pays prohibitifs de la recherche de la paternité. Ce dernier groupe peut lui même se subdiviser: en pays admettant de larges exceptions au principe de l'interdiction; en pays n'admettant que les exceptions d'enlèvement et de viol.

Au premier groupe appartiennent l'Allemagne, l'Angleterre, la grande majorité des états des Etats-Unis d'Amérique, l'Autriche, les cantons suisses de Zurich et du Valais, le Canada.

Au second groupe appartiennent La Hollande, le Portugal, l'Espagne, les cantons suisses de Vaud et de Neufchâtel, l'Italie, le Mexique, la Belgique, la République d'Haïti.

A. Pays de libre recherche. Le nouveau Code Civil de l'Empire Allemand, admet le principe de la libre recherche dans l'art. 1717 ainsi conçu: « On doit considérer comme père d'un enfant naturel, dans le sens des art. 1708 et 1716, celui qui a cohabité avec la mère pendant la période de conception, à moins qu'un autre homme n'ait pendant la même période aussi, cohabité avec elle. On ne doit pas prendre cette cohabitation en considération si, d'après les circonstances, il est impossible manifestement que la mère ait conçu l'enfant par suite de cette cohabitation.

« Il faut considérer comme période légale de conception, le temps qui s'est écoulé du 180 jour au 302o avant

la naissance de l'enfant, en y comprenant ces deux jours ». Il suffira donc, pour que la paternité puisse être déclarée, de prouver que lors de la conception, celui qui est réclamé comme père de l'enfant naturel, a cohabité avec la mère. La preuve de la cohabitation entraîne avec elle une présomption de paternité. A ce principe, posé par le 1er al. de l'art. 1717, le 2o al. du même art. apporte un correctif nécessaire; la présomption de paternité tombe et la preuve de la cohabitation ne doit plus être prise en considération, si le défendeur établit que dans le même temps, la femme a cohabité avec d'autres qu'avec lui. Le § 2 de l'art. 1717 fait encore exception au principe dans le cas où, d'après les circonstances, il est manifestement impossible que la mère ait conçu l'enfant par suite de

cette cohabitation.

L'exception plurium, admise par le Code Civil allemand dans le cas de recherche de paternité, n'est point admise au contraire, lorsque le père de l'enfant l'a volontairement reconnu après sa naissance dans un acte authentique. art. 1718.

De même que le Code Allemand, le Code Autrichien crée une présomption de paternité, lorsqu'il est prouvé qu'il y a eu cohabitation entre celui qui est réclamé comme père de l'enfant, et la mère, pendant la période légale de conception. De même, la paternité naturelle sera établie par le simple aveu du père, fait même hors justice. Art. 163. « Est présumé père de l'enfant celui qui, suivant le mode établi par les lois sur la procédure, est convaincu d'avoir cohabité avec la mère d'un enfant dans les sept mois au moins, et les dix mois au plus, qui ont précédé le

moment de l'accouchement, ou celui qui avoue un tel fait, même hors justice ».

La loi anglaise, accorde très largement l'action en recherche de paternité; mais alors qu'antérieurement à 1835, la paternité était déclarée sur la simple désignation du père faite sous serment par la mère,depuis cette époque, la seule affirmation de la mère, même sous serment, n'est plus suffisante. «Il faut que son témoignage soit appuyé par d'autres ou par un commencement de preuve par écrit. » (1) Le juge chargé de l'affaire examine les preuves apportées la mère, et s'il estime que la paternité a été établie, il condamne le défendeur.

par

L'art. 241 du Code Civil du Bas Canada ainsi conçu: «<La recherche judiciaire de la paternité et de la maternité est permise à l'enfant naturel, et la preuve s'en fait tant par écrits que par témoins, sous les circonstances et restrictions portées aux art. 232, 233 et 234 relatifs à la preuve de la filiation des enfants légitimes », tout en admettant le principe de la libre recherche de la paternité, subordonne l'exercice de l'action à certaines conditions que nous n'avons point rencontrés dans les autres législations. La preuve de la paternité, dit l'art.241 peut se faire « tant par écrits que par témoins ». Il semble résulter de là, que la loi canadienne admet tous les modes de preuve pour établir la paternité naturelle, mais l'art. 241 in fine, en renvoyant aux art. 232, 233 et 234 a pour but d'indiquer dans quelles circonstances la preuve par témoins peut être administrée. Or, il résulte de l'art. 232, 2o al., que la preuve par témoins ne peut être admise, «que lors(1) Lehr, Droit civil anglais p. 122

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