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les droits de ceux desdits enfants dont les pères sont dé cédés dans l'intervalle de cette loi à la publication du Code civil, qu'en effet, le sort desdits enfants n'a été définitivement réglé que par la loi du 14 Floréal an XIsur cet objet (1) ». Telle fut également l'interprétation admise par Treilhard dans son rapport au Corps Législatif sur le décret du 14 Floréal an XI (2).

En résumé, quant aux droits de succession, on décidait qu'il fallait pour que les enfants naturels dont le père était décédé postérieurement au 12 Brumaire puissent en jouir, qu'ils eussent été reconnus par acte authentique conformément aux art. 10, 11 et 12 de la loi de Brumaire, ou bien que cette loi ayant gardé le silence, il y avait lieu de surseoir jusqu'à la promulgation du 'Code Civil. Mais pouvait-il en être de même en ce qui concerne le droit aux aliments. Le mode de preuve exigé par l'art 8 de même que par les art. 10 11 et 12 ne parait avoir trait qu'aux droits successifs. « Pour être admis à l'exercice des droits ci-desus, » dit en effet l'art. 8, or, les droits dont parle l'art. 8, sont les droits de succession. Certains tribunaux crurent devoir distinguer, et admettre que la paternité pouvait être recherchée, même sans que l'enfant naturel eut à fournir les preuves énumérées dans l'art. 8 de la loi de Brumaire, mais que la paternité ainsi prouvée ne pouvait donner à l'enfant qu'un droit à des aliments, et à la mère un droit à des dommages intérêts. C'était

(1) Cass. 8 Messidor an XII. Dev. I. I. 890. Dans le même sens. Cass. 24 Prairial an VII. Dev. I. I. 213. Cass. 4 Pluviose an VIII. Dev. I. I. 296. Contra. Trib. Appel Paris 6 Floréal an X. Dev. I. 2. 66. Bruxelles. 15 fév. 1806. Coll. Nouv. 2. 2. 116.

(2) Décret et Rapport. S. 3. 2. 183 et ss.

admettre que les effets de la paternité sont divisibles. (1) Le tribunal de Liège admit que des preuves suffisantes de paternité, donnant droit à l'enfant de réclamer des aliments, n'étaient pas suffisantes pour établir sa filiation. «< Attendu, dit ce jugement, que suivant la loi 9 § 5 de agnoscendis et alendis liberis, des aliments accordés à l'enfant ne lui donnent pas le droit de filiation »>. (2)

Dans son rapport sur l'Arrêté du 12 ventôse an V, le Ministre de la Justice admettait bien que les enfants naturels ont un droit alimentaire, alors même qu'ils n'ont point été reconnus par acte authentique, mais sans préciser quelles preuves les enfants naturels qui n'ont pas. été reconnus devaient fournir pour obtenir ces aliments. Par un arrêt du 26 mars 1806, la Cour de cassation décida que les effets de la paternité sont indivisibles, et que l'enfant qui n'a point été reconnu conformément à la loi ne peut point rechercher sa filiation. «< Attendu, dit cet arrêt, qu'il résulte de la loi du 12 Brumaire an II, qu'à compter de la publication de cette loi, toute recherche de la paternité non reconnue est abolie, non seulement par rapport aux droits successifs, mais même relativement aux aliments pour l'enfant, aux frais de gésine et aux dommages-intérêts pour la mère, par la raison que la paternité étant indivisible, un homme ne peut pas être père pour un cas, et ne pas l'être pour un autre (1) ».

(1) Jugement du tribunal du district de Beauvais, 29 Floréal III. Appel au trib. de Chaumont, 15 Frimaire an III. Cassé 26 Mars 1806. S. 6, 2. 570. (2). Liége 19 Ven'ôse an IX. Conf. trib. App. Liége, 8 Floréal an IX Cassé 3 Ventôse an X S. 3. 1. 185.

(1) Cass. 26 mars 1806, S 6. 2. 570. Loiseau, p. 126, 127.

La loi du 12 Brumaire an II traite des enfants adultérins dans son article 13 ainsi conçu :

<«< Il leur sera accordé, à titre d'alimens, le tiers en propriété de la portion à laquelle ils auraient droit s'ils étaient nés dans le mariage ».

Nulle part, il n'est question dans la loi du 12 Brumaire des enfants incestueux, d'où il faut conclure que cette catégorie d'enfants était soumise au droit com

mun.

Il résulte de l'article 13, que l'incapacité dont étaient frappés les enfants adultérins était simplement une incapacité d'ordre pécuniaire; mais qu'ils avaient le droit, si le père était décédé avant la promulgation de la loi du 12 Brumaire, de prouver leur filiation paternelle conformément à l'article 8 de cette loi; que si leur père était décédé postérieurement au 12 Brumaire an II ils pourraient être valablement reconnus par acte authentique, mais que la preuve de leur filiation ainsi établie, ne leur donnait qu'un droit alimentaire dont la quotité était fixée par l'art. 13, § 2.

Ainsi donc, on en était arrivé à interpréter la loi du 12 Brumaire an II dans le sens de l'interdiction de la recherche de la paternité, alors qu'elle ne contenait en réalité qu'une sage règlementation de l'action en recherche de paternité. Nulle part, en effet, cette loi ne contient le principe prohibitif. On a cherché des arguments dans les intentions du législateur, mais, à notre sens cela n'est point suffisant, et pour introduire dans la jurisprudence un principe nouveau et aussi contraire à celui qu'avait admis l'ancien droit, il aurait fallu qu'il fut nettement exprimé dans le texte.

En réalité la loi du 12 Brumaire an II, loin d'améliorer le sort des enfants naturels, n'eut pour conséquence que de le rendre pire. Elle les laissait désormais à la discrétion de leur auteur; voulait-il bien les reconnaître en employant les formes exigées par les art. 10,11 et 12, il les élevait du coup au rang des enfants légitimes quant aux droits successifs; mais il lui était loisible de ne point les reconnaître et personne alors ne pouvait le contraindre à leur fournir même les aliments nécessaires à leur subsistance.

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