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tion de l'association, mais pour la reconnaissance de la personnalité civile. Nous disons: la reconnaissance; et, en effet, l'auteur dénie le pouvoir créateur de l'Etat, mais admet que ce dernier a le droit d'exiger une sorte d'acte de naissance de la nouvelle personne morale. Il en résulte que la déclaration ne sera pas nécessaire si l'on ne veut pas de cette personnalité. Quant à la capacité, c'est toujours le principe du but poursuivi qui la limite pour les immeubles; les valeurs mobilières doivent être placées en titres nominatifs. Ce contreprojet n'a donc d'intéressant que sa théorie générale sur la personnalité. C'est déjà beaucoup et nous verrons que, par la suite, c'est une disposition analogue qui a été adoptée par la Chambre et l'on peut dire ainsi que, sur cette question, le contre-projet a mis en échec le projet du gouvernement.

Le contre-projet Cunéo d'Ornano (1) repose sur le même fondement il l'exprime même en termes formels dans son article 4. La formation de l'association et l'acquisition de la personnalité sont soumises à des formalités analogues à celles du projet précédent. La capacité diffère: elle est complète pour les associations déclarées, sauf deux exceptions: la propriété immobilière reçoit une certaine limitation par la fixation d'un maximum pour chaque associé ; d'autre part, les legs universels ou les donations avec réserve d'usufruit ou d'usage sont interdits en faveur d'une association. Ces dernières dispositions parent au danger de la mainmorte et évitent les fraudes auxquelles on pourrait recourir. Même qualité que dans le contre-projet Gayraud, c'est-à-dire l'affirmation, suivant les paroles mêmes de l'auteur à la séance du 29 janvier 1901, que la personnalité civile est une conséquence aussi légitime de la liberté humaine que le droit de s'associer.

(1) Séance du 29 janv., Off. du 30 janv. 1901.

Nous avons gardé pour la fin l'étude du contre-projet Lemire ('), à cause des très curieuses dispositions qu'il renferme. Nous y voyons la traduction législative de la théorie du contrat d'association. Au reste, M. l'abbé Lemire a déclaré que son projet avait été étudié « par des juristes de premier ordre, de première valeur » qui ont travaillé à sa rédaction. Or, si l'on veut se rappeler que l'auteur de cette déclaration est député d'Hazebrouck dans le département du Nord et que M. de Vareilles-Sommières est doyen de la Faculté libre de Droit de Lille, on ne peut manquer d'être frappé de toutes ces coïncidences.

Et, chose curieuse, M. Lemire, après avoir soutenu la théorie de M. de Vareilles, à savoir que l'expression de personnalité n'est qu'une pure métaphore, en arrive, comme lui, tant cette idée s'impose à l'esprit, à avouer « qu'elle est quelque chose de spontané, qu'elle est le résultat d'une situation »>. Le projet divise les associations en deux classes: ordinaires et d'utilité publique ; il soumet leur formation à certaines formalités. L'association ordinaire est régie par ses statuts ou par les règles du contrat de société. Toujours comme dans la théorie du contrat d'association, les dons et legs faits à l'association sont réputés être des dons et les legs avec charge faits aux associés en vue du but social (art. 13). Les chefs de l'association la représentent en justice.

Ce contre-projet se heurte absolument aux mêmes objections que nous avons faites à M. de Vareilles, aussi ne nous y arrêterons-nous pas plus longtemps.

Dans la séance du 31 janvier 1901, la Chambre aborda l'examen du projet lui-même, elle y consacra environ deux mois. Disons tout de suite que le projet Waldeck Rousseau

(') Id.

arrivait devant la Chambre, modifié déjà notablement par la commission; que celle-ci continua, pendant tout le cours de la discussion, d'y apporter de nouveaux changements; enfin, que des amendements votés par la Chambre achevèrent de le remanier de fond en comble et d'en modifier complètement le caractère. C'est pour cela que nous avons dû consacrer une étude spéciale au projet du gouvernement, car il diffère entièrement de celui voté par la Chambre.

Les principales différences portent sur les quatre points sui

vants :

1o La définition de l'association est modifiée.

2o La déclaration devient facultative.

3° L'association déclarée est capable.

4° Le projet ne définit plus la personnalité civile. Examinons ces points tour à tour.

La première disposition attaquée du projet Waldeck-Rousseau fut naturellement sa définition. M. Paul Beauregard, professeur de droit à Paris et député, proposa la solution la plus sage qui consistait à supprimer la définition. Il reprochait à celle du gouvernement de méconnaître un des caractères essentiels de l'association, c'est-à-dire la permanence : autrement, disait-il, une présidence de thèse constituant une mise en commun d'activité entre le président et le candidat sera une association, par conséquent soumise à la déclaration préalable. M. de Chambrun (') faisait le même reproche. Une très intéressante discussion s'engagea ensuite sur la distinction faite entre le contrat relatif aux personnes et le contrat relatif aux biens. Sur observation du rapporteur M. Trouillot, que la question serait réglée plus tard, on se borna, sur la proposition de M. Charles Ferry, à insérer dans l'art. 1 la

(1) Discours de MM. Beauregard et de Chambrun, séance du 31 janvier, Officiel du 1er fév. 1901.

mention du caractère de permanence. L'art. 1 se trouvait ainsi rédigé :

ARTICLE PREMIER. L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et aux obligations.

On peut regretter que la Chambre ait refusé d'insérer dans cet article le mot «< ressources », car cette absence pourrait prêter à des controverses d'école, d'autant qu'ainsi rédigé, l'article 1er n'est pas en harmonie avec l'art. 6.

La seconde modification porte sur la déclaration préalable exigée, on se le rappelle, pour la formation de l'association. M. Groussier, dans la séance du 4 février, proposa un amendement qui, après une adjonction de M. Fournière, devint le nouvel art. 2.

Aux termes de cet amendement, la déclaration n'était plus exigée que pour l'acquisition de la personnalité civile et non pour la formation de l'association. C'était reprendre l'idée du contre-projet Gayraud. L'auteur faisait remarquer que le projet du gouvernement créait aux groupements de moins de vingt personnes une situation plus dure que sous le régime du code pénal. En quoi, du reste, cette formation. libre pourrait-elle offrir un danger du moment qu'on maintient la déclaration pour l'acquisition de la capacité? «< Ce qui est dangereux, ce n'est pas l'association, c'est l'associa» tion qui possède ». M. Ribot insista dans ce sens, en citant l'exemple de certaines loges, cercles ou chambrées du Midi, associations du Nord qui se réunissent « pour causer d'affai»res politiques et quelquefois pour organiser leur action ». Il cita aussi diverses associations de dames charitables et demanda si on les soumettrait à la déclaration. Sur ces entre

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faites, M. Fournière ajouta à l'amendement Groussier une exception visant les associations religieuses. La Chambre adopta leur manière de voir. Il en résulte que la déclaration préalable devient facultative. Elle n'est plus exigée pour la formation de l'association, mais simplement pour l'acquisition de la personnalité civile. Exception est faite pour les associations religieuses qui ne peuvent se former sans déclaration (').

Qu'est-ce qu'une association religieuse? M. Fournière, l'auteur de l'amendement, l'a lui-même expliqué. Il ne peut s'agir des congrégations, puisque leur sort est réglé ailleurs.

Il s'agit des auxiliaires libres de l'Eglise, même ne demandant pas la capacité civile, même ne possédant pas d'immeubles, car, dit l'auteur, les ministres du culte étant, d'après le Concordat, soumis à la police générale, leurs auxiliaires doivent l'être aussi. Il s'ensuit que l'association religieuse hoc sensu sera celle qui, composée de laïques, aura un but religieux, par exemple une société de Saint Vincent-de-Paul, et les diverses confréries entre hommes ou femmes laïques, vouées à une dévotion particulière ou destinées à pourvoir aux frais de certains accessoires du culte. Il ne faut pas non plus douter, bien que M. Fournière ait semblé ne faire allusion qu'à l'Eglise catholique et baser son exception sur le Concordat, que toutes les autres associations laïques à but religieux et à quelque confession qu'elles appartiennent, sont également soumises, pour la validité de leur formation, à la déclaration préalable. Le texte de l'art. 2 a une portée générale et ne distingue pas.

La déclaration préalable a donc, dans le texte de la Chambre, un double caractère, elle fait acquérir la capacité, c'est

(1) Séance du 4 février, Officiel du 5 février 1901.

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