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» posséder des biens meubles et immeubles pour leurs usa»ges, et cette permission est particulièrement nécessaire pour » la possession des immeubles. » (Domat, Droit public, liv. 1, tit. II, § 15). Mais il faut considérer, pour bien comprendre ce texte, la suite du paragraphe, la place de la citation et la rapprocher d'un autre passage du même auteur. Dans la suite du § 15, Domat explique sa pensée, cette permission est exigée de peur de l'accumulation des biens de mainmorte, pour le maintien des droits de relief et de service militaire. Ces droits disparaîtraient si les biens restaient aux communautés qui ne meurent pas, ne peuvent porter les armes, donc il leur faudra une permission spéciale pour retenir les biens acquis ce sera l'effet des lettres d'amortissement et c'est justement de cette hypothèse que s'occupe Domat dans le § 15 : «... Ainsi les communautés ne peuvent posséder d'immeu»bles que par la permission du Prince et à la charge de faire » cesser ses intérêts et ceux des seigneurs. Et cette permis>>sion s'accorde par des lettres qu'on appelle d'amortisse>>ment » (Domat, loc. cit.).

du

De plus, le § 15 est précédé d'un autre qui ne parle que droit de s'assembler «... Et il n'y Et il n'y a que le Souverain qui puisse donner ces permissions et approuver les corps et >> communautés, à qui le droit de s'assembler puisse être >> accordé >> ('). Et c'est ainsi que s'expliquent ces mots :

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(1) Voici le texte de Domat : « § 14. Comme il est de l'ordre et de la police d'un >> Etat que non seulement les crimes, mais tout ce qui peut troubler la tranquillité publique ou la mettre en péril y soit réprimé, et que par cette raison, toutes >> assemblées de plusieurs personnes en un corps y soient illicites, à cause du dan» ger de celles qui pourroient avoir pris pour fin quelque entreprise contre le public, >> celles mêmes qui n'ont pour fin que de justes causes ne peuvent se former sans » une expresse approbation du Souverain, sur la connoissance de l'utilité qui peut » s'y trouver. Ce qui rend nécessaire l'usage des permissions d'établir des Corps et » Communautés ecclésiastiques ou laiques, réguliers, séculiers, et de toute autre » sorte, Chapitres, Universités, Collèges, Monastères, Hôpitaux, Corps de métiers,

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<«< c'est une suite, etc... » par lesquels débute le § 15 et que l'on doit traduire ainsi il résulte de la permission de s'assembler, la permission de posséder. Au titre XV du même livre, Domat, renvoyant au titre II, parle d'abord du droit d'association pour lequel il exige une permission ($1) et ensuite, de la capacité de ces communautés qui résulte de ce qu'elles sont «< légitimement établies » sans exiger une nouvelle autorisation (1).

Si maintenant nous rapprochons le texte de Domat de textes pris dans d'autres auteurs, notre opinion se confirmera. La coutume du Nivernois (2) met sur le même rang le droit

» Confréries, maisons de Ville ou d'autres lieux et toutes autres qui rassemblent » diverses personnes pour quelque usage que ce puisse être. Et il n'y a que le Sou» verain qui puisse donner ces permissions et approuver les Corps et Communautés >> à qui le droit de s'assembler puisse être accordé.

» § 15. C'est une suite du droit de permettre les établissements des Corps et Com>>munautés de leur permettre aussi de posséder des biens meubles et immeubles » pour leurs usages, et cette permission est particulièrement nécessaire pour la » possession des immeubles; car, comme ces communautés sont perpétuelles, leurs >> immeubles deviennent inaliénables et ne peuvent plus changer de maîtres. De >> sorte que le prince ou le seigneur, de qui ces immeubles étoient tenus en fief ou >> censive, sous la condition d'un certain droit à chaque changement par vente ou >> autrement selon les titres ou les coutumes, perdent ce droit sur les héritages qui » passent aux communautés. Et le prince y a d'ailleurs son intérêt à cause du ser»vice que lui doivent les possesseurs d'héritages tenus en fief, lorsqu'il convoque >> ses vassaux au ban. Ainsi les communautés ne peuvent posséder d'immeubles que » par la permission du Prince et à la charge de faire cesser ses intérêts et ceux » des seigneurs. Et celte permission s'accorde par des lettres qu'on appelle » d'amortissement ».

(1) « § 1. La première règle de l'ordre et de la police des communautés est qu'elles soient établies pour le bien public et par l'ordre où la permission du » Prince, car, comme il a été dit en son lieu, toutes assemblées de plusieurs per>> sonnes, sans cet ordre ou cette permission, seroient illicites.

» § 2. Les communautés, légitimement établies, tiennent lieu de personnes et >> leur union, qui rend communs à tous ceux qui les composent, leurs intérêts, >> leurs droits et leurs privilèges, fait qu'on les considère comme un seul tout. Et » comme chaque particulier exerce ses droits, traite de ses affaires en justice, il » en est de même des communautés. » (Domat, Droit publie, liv. I, tit XV). (*) « Art. 7: Peuple et sujects, outre le nombre de dix, s'ils n'ont de ce chartre

d'association et la capacité : une seule autorisation confère les deux droits. Et Guy-Coquille commentant l'article nous dit : « Cest article de coutume est tiré du droict des Romains... » Et si le Corps ou Collège est approuué par le Prince, il peut >> auoir bourse commune ». Le texte est donc formel. Il en est de même de Loysel, dans ses Institutes coutnmières, lorsqu'il nous dit au Livre I, titre I, max. 59: « Nul ne peut amortir que le roy » et dans le Livre III, titre IV, max. 23 : <«< L'on ne se peut assembler pour faire corps de communauté sans congé et lettre du roy ». Il ne parle donc, dans le Livre I, que du droit d'amortissement, ce qui veut dire, non pas que la communauté ne peut acquérir, mais simplement qu'elle est contraignable de vider ses mains endéans l'an et jour, sauf lettres d'amortissement du roi. Dans le Livre III, il ne parle que du droit d'association qu'il traite dans le chapitre intitulé «< De Communauté, compagnie ou société, et principalement entre mari et femme ». Le texte est donc aussi général que possible.

Mais on nous oppose l'Edit de 1749 qui défend tout établissement de communautés sans la permission du Prince. Nous ferons observer que le texte de l'article 1 ne parle que de l'établissement, c'est-à-dire du droit d'association et qu'il ne fait que renouveler les anciennes défenses; qu'il est donc juste, pour l'interpréter, de consulter la tradition, ce que nous venons de faire. D'autre part, l'article 14 traitant spé

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» et priuilège, ou s'ils n'ont corps et communauté approuuée, ne se peuvent assembler, passer procuration, ne imposer, ny faire assiette sur eux pour quelque

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» affaire que ce soit, sans l'auctorité du Seigneur haut iusticier et à son refus ou delay doiuent auoir recours au Supérieur immédiat. Et s'ils le font, l'acte est

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»> nul et sont amendables d'amende arbitraire enuers le dit seigneur haut iusticier : Guy-Coquille, Les coutumes du pays et duché de Nivernois, 4e édit. Paris, 1635, chap. 1, art. 7. Il est curieux de trouver là, dans cette limitation au chiffre dix, comme une première ébauche de notre article 291 C. P.

cialement de la capacité, se borne à interdire certains actes aux communautés; a contrario, il leur reconnait donc capacité pour les autres (').

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Mais nous ne pouvons mieux faire que de citer l'opinion du plus grand des jurisconsultes, de Pothier, commentant cet édit (2)« Les communautés n'ont pas non plus le droit d'acquérir toutes les choses que les particuliers ont le droit d'acquérir. Dès avant l'édit de 1749, les communautés... pouvaient être obligées de vider leurs mains de ces hérita» ges..., à moins qu'elles n'eussent obtenu du roi des lettres » d'amortissement... ». Pothier, Des personnes, liv. I, t. VII.

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Il en donne ensuite la raison, puis examinant les fins de non-recevoir qui peuvent être opposées à la sommation de vider les mains, il cite des lettres d'amortissement: celles-ci sont donc postérieures à l'acquisition, elles ne rendent pas le corps personne morale, elles ne lui donnent pas le droit d'acquérir. Et Pothier dit fort justement : « C'étoit plutôt la » faculté de retenir qui leur manquoit, que la faculté d'acqué>> rir ». Ce qui le prouve bien, c'est qu'elles pouvaient retenir par prescription. L'édit de 1749, continue Pothier, vient les rendre incapables d'acquérir, non pas tout, mais seulement des droits réels et des rentes constituées sur les particuliers; il leur reste le droit d'acquérir des choses mobilières, et des

(1) Art. 1 Renouvelant en tant que de besoin les défenses portées par les ordon>>nances des rois nos prédécesseurs, voulons qu'il ne puisse être fait aucun nouvel » établissement de chapitres... ou autres corps et communautés, soit ecclésiasti»ques, soit laïques de quelque qualité qu'elles soient, si ce n'est en vertu de >> notre permission expresse...

» Art. 14 Faisons défense à tous les gens de mainmorte d'acquérir, recevoir ni » posséder à l'avenir, aucuns fonds de terre, maisons, droits réels, rentes foncières >> non rachetables, même des rentes constituées sur particulier, si ce n'est après

>> avoir obtenu des lettres patentes... » (Edit du 25 août 1749; Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, XXII, Paris, 1830, p. 227).

(2) Pothier, Des personnes, 1, VII, p. 352.

rentes sur le roi ou les villes (1). Il n'y a donc là qu'une restriction de capacité. Et ceci était bien dans les traditions de notre ancien droit l'édit de 1749 ne fait donc, comme il le dit lui-même, que les confirmer.

Quelle est la nature de cette capacité? A ce moment, la fiction de la personnalité est partout acceptée : l'Association est considérée comme une personr e, c'est ce que nous disent Bourjon, Domat et Pothier (2). Il en résulte que les biens de Ja communauté n'appartiennent pas aux associés. Pothier est particulièrement formel: « Les corps et communautés établis >> suivant les lois du royaume sont considérés dans l'Etat » comme tenant lieu des personnes... Ce sont des êtres intel» lectuels, différents et distincts de toutes les personnes qui » les composent... C'est pourquoi, les choses qui appartien» nent à un corps n'appartiennent aucunement, pour aucune >> part à chacun des particuliers dont le corps est composé (Pothier, Des personnes, liv. I, t. VII) (3).

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Mais, répétons-le, jamais on ne crut que la personnification fût conférée par le pouvoir autrement que d'une manière indirecte, c'est-à-dire par l'autorisation de s'associer. L'édit de 1749 ne change rien à cette théorie, c'est une simple loi sur la mainmorte que le roi veut supprimer, mais qu'il se réserve le droit d'autoriser exceptionnellement. Ce n'est pas une incapacité absolue qu'il édicte, ce n'est qu'une limitation à une capacité dangereuse; ce n'est pas la suppression d'une

(') Pothier, op. cit., p. 357 à 361.

(*) « Les biens d'une communauté n'appartiennent pas aux particuliers qui la » composent, mais à la communauté qui, de sa nature, est perpétuelle, si le prince »> ne la supprime » (Bourjon, Droit commun de la France).

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<< Les biens et les droits d'un corps ou communauté appartiennent tellement au » corps qu'aucun des particuliers qui le composent n'y a aucun droit de propriété (Domat, Droit public, liv. I, t. XV, § 8).

(3) Pothier, op. cit., p. 352.

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