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>> membres de cette réunion aucune interdiction de donner » mandat à quelques-uns d'entre eux, à l'effet de réclamer..... >> le recouvrement des sommes pouvant être dues collective»ment à tous » (Cass., 25 juin 1866, D., 66. 1. 334, S., 66. 1. 358). Ainsi jugé à propos d'une compagnie de sapeurspompiers (Cass., 24 nov. 1875, D., 76. 1. 115, S., 76. 1. 166). De même, la cour de cassation a admis que ce mandat pouvait être donné à un membre à l'effet de réclamer le recouvrement des sommes pouvant être dues collectivement à tous, en réparation d'un dommage commun résultant d'un délit, le mandataire étant lui-même intéressé comme associé à la réparation du préjudice commun (Affaire du cercle catholique d'Epernay. Cass., 20 juillet 1878, S., 80. 1. 89).

D'autre part, en dehors de ce mandat, il est admis que lorsque l'obligation contractée envers les membres de la société est indivisible, chacun des membres a le droit d'agir en son nom personnel pour obtenir l'exécution intégrale de cet engagement (Seine, 16 avril 1879, D., 80. 3. 22. Cass., 29 juin 1847, D., 47. 1. 342, S., 48. 1. 212). L'action en justice est donc possible, d'après la jurisprudence, dans trois

cas:

Lorsqu'il y a eu renoncement exprès ou tacite de la part du défendeur à se prévaloir de la maxime « Nul ne plaide par procureur »;

Lorsqu'il y a eu mandat spécial pour tous les associés; Lorsque l'obligation contractée envers eux est indivisible. En dehors de ces trois hypothèses, c'est la théorie classique qui reprend son empire et il n'est pas possible d'actionner une association dans la personne de son président ou de ses administrateurs. En ce sens Colmar, 5 juillet 1864, S., 65. 2. 16 et Cass., 7 décembre 1880, D., 81. 1. 149, S., 81. 1. 244. Dans ce dernier arrêt, il s'agissait d'un sieur Raymond

qui s'était engagé à construire un immeuble pour le cercle de l'Union de Limoges. Ayant éprouvé des difficultés, il actionna le sieur Nicot, pris en qualité de président du cercle. Les membres intervinrent au procès, alléguant qu'ils n'avaient pas été représentés et triomphèrent. La cour de cassation rejeta le pourvoi de Raymond : « Attendu... qu'on prétend vainement » qu'ils (les membres intervenants) étaient représentés au » procès par le président du cercle.... Attendu, en effet, que le président d'un cercle, c'est-à-dire d'une association dépour>> vue de toute personnalité civile, ne peut en représenter les >> membres qu'autant qu'il a reçu dans ce but un mandat spécial de chacun d'eux et qu'ils sont individuellement désignés dans les actes de la procédure... ». C'est donc l'affirmation pure et simple des principes de l'école.

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En ce qui concerne les contrats à titre onéreux, la jurisprudence maintient le principe que l'association, dépourvue de personnalité morale, ne peut ni contracter, ni posséder en nom. Mais elle admet que les membres peuvent s'engager ut singuli les uns vis-à-vis des autres à certaines prestations, soit, par exemple, au paiement de cotisations. Ainsi jugé, notamment à propos de cercles. — Cass., 25 juin 1866, D., 66. 1. 334, S., 66. 1. 358. — Cass., 24 nov. 1875, D., 76. 1. 115, S., 76. 1. 166. Cass., 29 nov. 1879, D., 80. 1. 85, S., 80. 1.56. Cass., 27 janvier 1890, D., 90. 1. 148.

Bien plus, la cour de cassation a admis, sous le couvert de l'indivisibilité de l'obligation, une théorie se rapprochant de celle de M. de Vareilles-Sommières. Voici l'espèce, très connue, dont s'agit : Les administrateurs du cercle philharmonique de Marseille avaient actionné la Compagnie du gaz à fin d'exécution d'un contrat d'éclairage passé avec eux. La cour d'Aix, par un arrêt du 2 juillet 1844, avait admis qu'ils pouvaient agir comme membres de la réunion. La Compa

gnie du gaz se pourvut en cassation elle faisait valoir que le contrat avait été passé avec un être moral inexistant; que, par suite, il était nul. A la vérité, on essayait maintenant de prétendre que le contrat avait été fait dans l'intérêt des membres du cercle, mais la Compagnie faisait remarquer que les parties avaient toujours eu l'intention d'agir pour l'association, abstraction faite de ses membres; que le contrat avait été fait en son nom et, bien plus, en son nom aussi, l'action primitivement intentée. Ce n'est qu'à titre d'expédient, que les membres sont, par la suite, apparus dans la procédure. Une telle fiction faussait donc l'intention des parties. En droit pur, il est certain que l'argumentation de la Compagnie était irréfutable: il est bien évident que ce n'était point envers chaque associé actuel que la Compagnie était engagée, mais envers cet être moral qui était le cercle, composé des associés actuels et aussi des associés futurs. Si l'opinion contraire était exacte, il faudrait donc dire que la démission ou la mort d'un des membres du cercle ne l'eût pas libéré et que lui ou ses héritiers fussent restés tenus envers la Compagnie du gaz, à l'exclusion des nouveaux membres, ce qui eût été évidemment contraire à l'intention des parties. Cependant, la cour de cassation, après le conseiller-rapporteur, repoussa cette théorie disant que rien ne s'opposait à un semblable contrat et que, du reste, l'obligation contractée étant indivisible, chacun avait le droit d'en demander l'exécution entière. On le voit, la cour de cassation motive son arrêt beaucoup plus en équité qu'en droit et ne répond rien à l'argumentation des demandeurs. Cass., 29 juin 1847, D., 47. 1. 342, S., 48. 1. 212.

Cette théorie de l'indivisibilité a été appliquée dans un autre cas que nous citons à cause de la hardiesse de certains de ses attendus qui semblent, du reste, contredire les autres.

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Un sieur Dehaye, ancien membre de la société chorale « les Enfants de Saint-Denis », détenait les diplômes accordés à ladite association à la suite de concours auxquels elle avait pris part. Sur les réclamations du président, il opposa la maxime « Nul ne plaide par procureur ». Le tribunal de la Seine rejeta son exception en alléguant que rien ne s'opposait à ce que les membres de l'association pussent donner mandat à quelques-uns d'entre eux de traiter au nom de chacun ; que, du reste, Dehaye avait lui-même fait partie et profité de cette société qu'il prétendait inexistante, « qu'il reconnaissait donc » parfaitement à cette époque l'existence de fait de la société ». Il en déduisait que le président pouvait donc toujours agir comme membre en son propre et privé nom et obtenir la restitution totale. « Attendu que l'obligation de restituer les diplômes dont s'agit est indivisible ». Mais il ajoutait : << Attendu que les diplômes gagnés par les efforts collectifs. » de la société appartiennent exclusivement à celle-ci ». Qu'est-ce que le tribunal entendait par cette expression : la Société? N'y avait-il pas là une contradiction avec le principe, affirmé plus haut, que les membres réclamaient à bon droit une chose leur appartenant « à chacun et, par suite, en fait, >> à tous? » Une note anonyme au Dalloz, commentant ce jugement, l'explique en ces termes : « Les récompenses honorifiques accordées à une société, à une réunion d'individus, appartiennent à cette société, à cette réunion et non à ses » membres ». Voilà donc la contradiction rendue flagrante: si, comme nous le croyons, les diplômes n'appartiennent point aux membres, à quel titre ceux-ci les réclameront-ils? Au titre de membres de la réunion, dit-on; mais alors ils n'agissent pas pour eux, mais pour un être moral de fait, qu'on l'appelle Réunion ou Société, et qui est seul propriétaire. Or cet être est, nous dit-on, inexistant au point de vue Desgranges

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légal; par conséquent, pour rester fidèle aux principes, le tribunal aurait dû débouter le président. Supposons un instant qu'à l'exception de Dehaye, tous les membres se soient renouvelés: aurait-on pu, décemment, avec la théorie de la propriété indivisible des associés, enlever ces diplômes à Dehaye, qui avait contribué à les gagner, pour les donner à des personnes qui n'y auraient eu aucun droit? Concluons donc que le jugement, bon au point de vue de la solution, est mauvais sur les motifs (Seine, 16 avril 1879, D., 80. 3. 22).

Une autre décision, dont au reste nous désapprouvons la solution, qui se base également sur les droits des associés, est plus logique dans l'application du principe. Il s'agissait d'un local acheté par quelques individus pour y établir une société maçonnique. L'un d'eux étant venu à décéder, ses héritiers demandèrent le partage qui fut accordé par le tribunal de la Roche-sur-Yon et la cour de Poitiers, par ces

motifs que l'association pour laquelle on prétendait avoir acheté était incapable et que l'on devait, en l'espèce, présumer que les associés avaient acquis pour eux personnellement (Poitiers, 9 déc. 1876, D., 77. 2. 229, S., 78. 2. 89).

Enfin un récent jugement, absolument parfait au point de vue des principes classiques, déclare, dans une espèce analogue, les associés personnes interposées en l'année 1859, des francs-maçons achetèrent une maison à Rodez pour y établir leur loge. Plus tard, l'association devint une sorte de cercle n'ayant plus que des rapports lointains avec les autorités maçonniques. En 1891, un groupe prétendant conserver les traditions de la loge primitive actionna le cercle en délaissement, après s'être fait faire, par le sieur Labarthe, survivant des acheteurs, cession de tous ses droits. Le tribunal de Rodez et, après lui, la cour de Montpellier, adoptant les

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