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CHAPITRE SECOND.

Q

Des Proprietés de l'Eau.

rente.

Uand l'eau eft pure, c'eft-à-dire, L'Eaueft quand elle n'eft point troublée transpa par des globules d'air, ni couverte d'écume ou remplie de faletés qui l'épaiffiffent, elle eft de fa nature claire & tranfparente, de forte qu'on y peut diftinguer des corps à une profondeur paffable, reconnoître au-travers de fa maffe des cailloux qui font au fond, & voir l'écaille argentine des poiffons qui nagent fous l'eau. Monfieur de Strahlemberg (1) parle d'un fleuve, dont l'eau eft un peu verdâtre, mais fi claire, que quand on y jette un copeck, qui eft la plus petite monnoye d'argent des Ruffiens, on l'y voit encore à la profondeur de trois braffes. Quoique l'eau ne foit pas auffi tranfparente que l'air, elle eft néanmoins formée de maniere à recevoir la lumiere, afin que les créa

I

tures

(1) Philip. Joh. Von Strahlemberg. im Nordund Oeftlichen Theil von Europa und Afia, Stockholm 1730. 4. P. 435.

L'Eau rompt les

rayons

re.

tures, aufquelles elle fert de demeure, en jouiffent; & elle est si transparente, que les poiffons, dont l'humeur cristalline eft auffi particulierement difpofée pour cela, y peuvent voir commodément pour chercher leur nourriture, & échaper à la voracité d'un grand nombre d'ennemis.

Mais comme l'air même empêche qu'on ne diftingue les objets dans l'éde lumie- loignement, & fait qu'une tour quarrée nous paroît ronde; que les corps les plus vaftes, & en même tems lumineux, tels que font les étoiles, nous femblent petits, & nous deviennent enfin totalement imperceptibles : cela arrive d'autant plûtôt dans l'eau, qu'elle est beaucoup plus épaiffe que l'air. Elle rompt les rayons de lumiere beaucoup plus près; c'est-à-dire, que les rayons lumiere, qui tombent fur elle, y pénétrent par leur preffion, d'abord avec plus de force, (2) enfuite avec moins; de forte qu'il arrive à un bâton droit, que l'on tient dans l'eau, la même chofe qu'à un rayon de lumiere, qu'on fait paffer

de

(2) Memoires de l'Académie des Sciences A. 1722. p. 9.& fuiv. Mem. de Trev. A. 1725. pag.

1953.

paffer au travers d'un prifme (3): il paroît courbe & plus large. C'est pour cela auffi que l'eau réfléchit plûtôt les rayons de lumiere, ce qui fait que peu à peu elle devient plus obfcure, jufqu'à ce qu'enfin on ne peut plus voir

au-travers.

Mais l'eau a une proprieté qui méri- Elle te bien que nous y faffions une atten-groffit les objets retion particuliere, c'eft qu'en même gardez tems qu'elle rompt les rayons de la lu- au tramiere, elle les groffit **. Ce qui a donné lieu à l'invention de cette efpece de microscopes, que l'on fait avec de petits globes de verre (4) remplis d'eau,

dont

(3) Newton Optic. Lib. I. & Mem. de Trevoux 1723. p. 1432. & fuiv. de Grimaldi.

*

La comparaifon, que l'Auteur fait d'un bâton, qu'on tient dans l'eau, avec un rayon de lumiere, qu'on fait paffer au travers d'un Prifme, n'eft point jufte; car le rayon de lumiere fe rompt réellement, au lieu que le bâton paroit feulement fe courber; effet que produit la réfraction des rayons de la lumiere N. c. a. T.

** Elle les groffit. L'expreffion dont l'Auteur fe fert ici & un peu plus bas, eft très-impropre; car les rayons de lumière ne fe groffiffent pas en tombant fur un corps tranfparent; mais en s'écartant & en fe réuniffânt ils font paroître les objets plus petits ou plus grands. On appelle ces déterminaifons divergence & convergence; les rayons de lumiere, qui paffent par un microscope, fouffrent l'une & l'autre. N. c. a. T.

(4) Watermicrofcopes by M. Stephen Gray.

vers.

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dont j'ai fouvent vû l'effet avec plaisir. L'ingénieux Anglois Roger Bacon moine francifcain, a déja observé cela dans le treiziéme fiecle, & a donné dans fon traité de la perfpective (5) cette regle-ci, qu'un corps ferré & tranfparent, tel que l'eau, peut rapprocher & groffir les objets, & que par le moyen d'un tel corps on peut auffi voir les objets plus en petit & dans l'éloignement; d'où il conclud, qu'il feroit facile de rapprocher les aftres de notre vûe (6), comme on l'a fait dans la fuite par le moyen des telescopes *. Cette regle procure encore dans la na

ture

Philofophical transact. N. 221. p. 281. 282. N. 223. pag. 353. Louwthorps. Abridgement Tom. I. pag.

209.

(5) Diftinct. 2. cap. 3. p. 155. Mathematisch. Lexicon de Mr. Wolf, v. Telescopium.

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(6) Part. III. p. 167. De vifione refracta majora funt, nam de facili patet per canones fupra dictos maxima poffe apparere minima &è contra : & longe diftantia videbuntur propinquiffimè, & è converfo. Sic etiam faceremus folem & lunam & ftellas defcendere fecundum apparentiam hic inferius. Les Ouvrages de ce Moine curieux, qui ont été fort rares jufques ici, fe réimpriment à prefent en Angleterre par les foins de Mr. Jebbs, particulierement fon grand Cuurage écrit à Clement IV. l'an 1267.

* Dans la fuite par le moyen des Telescopes. L'époque de l'invention des Telescopes eft fort incertaine. Vous trouverez dans les Memoires de l'Académie des Infcriptions & Belles Lettres

Tom.

ture plus d'avantages qu'on ne croiroit car de-là vient que la lumiere du soleil

non

Tome I. p. 141. & fuiv. que, malgré l'opinion commune, il femble que les Anciens avoient comme nous, l'art de faire avec le vérre des lunettes d'approche. En effet, dit-on, on lit qu'un Ptolomée, Roi d'Egypte, avoit fait bâtir une tour, ou un Obfervatoire dans l'Ifle, où étoit conftruit le Phare d'Alexandrie, & qu'au haut de cette tour il avoit fait placer des lunettes d'approche d'une portée fi prodigieufe, qu'il découvroit de fixcens milles, les vaiffeaux ennemis qui venoient dans l'intention de faire quelque defcente fur fes côtes. Quoiqu'il en foit de ces lunettes, il cft inconteftable, que la portée prodigieufe dont on parle, eft trop grande de beaucoup, & incompatible avec les principes de la Trigonometrie, appliqués à la furface de la Terre. Si on donne à la tour, (comme fait le manufcrit d'un Scholiaste de Lucien ) la hauteur d'un ftade, qui eft la 32 partie d'un mille d'Allemagne felon Varenius, & par conféquent la 27520e. partie du demi-diametro de la Terre, felon le calcul ordinaire, on trouvera la portée prodigieufe mentionnée, réduite à 240. ftades ou fept mille d'Allemagne & demi. Dithmarus Merfeburgenfis in Chronico. Lib. VI. rapporte que Gerbertus, homme célebre dans le X. Siécle, qui a été Pape fous le nom de Silveftre II. avoit employé des tuyaux (Tubos) pour obferver les aftres. On trouve dans le XIII. Siécle, comme le remarque notre Auteur, Roger Bacon auquel Mr. Molineux attribue la connoiflance des Telefcopes & des Microfcopes dans fa Dioptrique Part. 2. Ch. 6. Voici les termes dont fe fert J. Bapt. Porta, Auteur du XVI. Siécle, dans fa Magia Nat. L. XVII. Cap. 10. Si utrumque (vitrum fcilicet concavum & convexum ) rectè conjun gere noveris,& longinqua & proxima majora & clara

B

videbiss

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