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Myris

ou Maris, tout pavé de pierres de taille, & qui fe remplit des eaux du Nil, dont Herodote, Strabon, Diodore de Sicile, Pomponius Méla & Pline (3) font la defcription. Quoiqu'il y ait quelques milliers d'années qu'il eft fait, il conferve encore aujourd'hui (4) affeż de beauté pour faire l'admiration dé ceux qui le voyent. J'en ai trouvé une defcription détaillée, tirée des anciens auteurs, dans le fçavant ouvrage du célébre M. Charles Rollin (5) que transcrirai ici. » Le plus grand & le plus » admirable de tous les ouvrages des » Rois d'Egypte, étoit le lac de Maris? » auffi Hérodote le met-il beaucoup au» deffus des pyramides & du labyrinthe.

Comme l'Egypte étoit plus ou moins » fertile, felon qu'elle étoit plus où › moins inondée par le Nil, & que dans cette inondation le trop & le trop peù " étoient

(3) Herodotus, Lib. II. Cap. 149. Strabo Lib. XVII. pag. 787. Diodorus Siculus, Lib. I. pag. 33. Mela, Lib. I. Cap. 9. Plinius, Lib. V. Cap. 9. pags 553. Elian. VI. 7. de Animal.

(4) Nouveaux Memoires des miffions, Tom. II. pag. 262. & Tom. VII. Dapperi Africa, pag. 103 feq. Paul Lucas fecond voyage, Tom. II. C. 6. & voyage III. en Egypte, A. 1714. Tom. II. pag. 14. fuiv.

(5) Hiftoire ancienne, Tom. I. pag. 22.

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» étoient également funeftes aux terres, » le Roi Moeris, pour obvier à ces deux » inconvéniens, & pour corriger, au« tant qu'il se pourroit, les irregulari» tés du Nil, fongea à faire venir l'art " au fecours de la nature. Il fit donc creu» fer le lac, qui depuis a porté fon nom. » Ce lac, felon Herodote & Diodore » de Sicile dont Pline ne s'éloigne pas, » avoit de tour trois-mille fix-cens ftades; " c'est-à-dire cent quatre-vingt lieues, » & de profondeur trois cens piés. Deux pyramides, dont chacune portoit une » ftatue coloffale placée fur un trône, » s'élevoient de trois-cens piés au milieu » du lac, & occupoient fous les eaux un pareil efpace. Ainfi elles faifoient voir qu'on les avoit érigées, avant que » lè creux eût été rempli, & montroient qu'un lac de cette étendue avoit été » fait de main d'homme fous un feul » Prince.

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» Voilà ce que plufieurs hiftoriens » ont marqué du lac de Mœris, fur la bonne-foi des gens du pays; & M. Boffuet, dans fon difcours fur l'hiftoire universelle, rapporte ce fait com» me incontestable. Pour moi j'avoue, » que je n'y trouve aucune vraifemblan» ce. Eft-il poffible, qu'un lac de 180. » lieues d'étendue ait été creufé fous un » feul

feul prince? Comment & où transporter les terres? Pourquoi perdre la furface de tant de terrein ? Comment » remplir ce vafte efpace du fuperflu des eaux du Nil? Il y auroit bien d'au» tres objections à faire. Je croi donc » qu'on peut s'en tenir au fentiment de » Pomponius Méla, ancien géographe, » d'autant plus qu'il eft appuyé par plu» fieurs relations (6) modernes. Il ne » donne de circuit à ce lac que vingtmille pas, qui font fept ou huit de nos , lieues: Moeris, aliquando campus; nunë 5 lacus, viginti millia paffuum in circitu » patens.

» Ce lac communiquoit au Nil par le moyen d'un grand canal, qui avoit plus de quatre lieues de longueur & cin» quante piés de largeur. De grandes éclufes ouvroient le canal & le lac, ou les fermoient felon le befoin.

» Pour les ouvrir ou les fermer, il en » coûtoit cinquante talens, c'est-à-dire » cinquante mille écus. La pêche de ce lac valoit au prince des fommes im

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(6) Paul Lucas, dans le Tome second de fes voyages, affure que fa largeur n'eft que d'un demi mille de France, & toute la circonference de iz ou 15 milles.

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» menses (7) Mais fa grande utilité étoit » par rapport au debordement du Nil. Quand il étoit trop grand, & qu'il y » avoit à craindre qu'il n'eût des fuites funeftes, on ouvroit les éclufes, & les »eaux ayant leur retraite dans ce lac, »ne fejournoient fur les terres qu'autant

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qu'il falloit pour les engraiffer. Au con» traire, quand l'inondation étoit trop » baffe & menacoit de ftérilité, on tiroit » de ce même lac, par des coupures & » des faignées, une quantité d'eau fuffifante pour arrofer les terres. Par ce » moyen les inégalités du Nil étoient corrigées & Strabon remarque, que » de fon tems fous Petrone, gouverneur » d'Egypte, lorfque le débordement du » Nil montoit à douze coudées, la ferti» lité étoit fort grande ; & lors même qu'il n'alloit qu'à huit coudées, la fa» mine ne se faifoit point fentir dans le Pays: fans doute parce que les eaux du » lac fuppléoient à celles de l'inonda» tion, par le moyen des coupures & des

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» canaux.

Nous ne devons pas moins une réfle

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(7) Si nous en croyons Herodote, les revenus de la pêche montoient à trois cens mille écus par an, & cet argent étoit destiné pour acheter des onguens, des parfums, & autres bagatelles pour la Reine.

d'Egyp

xion particuliere au talent, que les hom- naux mes ont de pouvoir, par le génie & avec le fecours des mains que Dieu leur a don-** nées, conduire l'eau plus loin & la mener çà & là, comme il leur plaît, & en la partageant ou la réuniffant, felon que leur avantage ou leur commodité le demande. L'Egypte nous en fournit auffi particulierement un exemple très remarquable; car, comme dit Paul Lucas (8), il ne faut pas fe perfuader que le Nil couvre de lui-même toutes les campagnes de l'Egypte; il a fallu faire pour cela une infité de canaux, pour porter les eaux de tous côtés. Les villages, qui font en fort grand nombre fur les bords du Nil dans les lieux élevés, ont chacun des canaux qu'on ouvre à propos pour faire couler l'eau dans la campagne. Les villages plus éloignés en ont ménagé d'autres jufqu'aux extrémités de ce Royaume, Ainfi les eaux font conduites fucceffivement dans les lieux les plus reculés. Il n'est pas

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(8) Paul Lucas, voyage troifiéme, Tom. I. pag. 328. C'est auffi ce qui enorgueilliffoit les Egyptiens, comme le Prophete Ezechiel le leur reproche au Chapitre XIX. vf. 3.,, Je viens à vous, Pharaon ,, Roi d'Egypte, grand dragon, qui vous couchez ,, au milieu de vos fleuves, & qui dites: Le fleuve ,, eft à moi, & c'eft moi-même qui me fuis créé.

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