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CHAPITRE II.

Du mouvement des eaux
en particulier.

eaux de

Thanase Kircher, dans fon Ars ma- Mouve gnetica (1), rapporte d'après Sa- ment des lomon Caus (2) une expérience pour la terre produire un mouvement perpetuel dans en baut. l'eau par le moyen de la raréfaction de l'air. Cependant je ne trouve pas, que Kircher lui-même ni aucun autre autre dife, que jamais on l'ait mise en exécution, auffi peu que tant d'inventions. que d'autres ont vantées comme propres à produire le mouvement perpétuel, ou à faire une machine qui fe meuve elle-même perpétuellement fans interruption. Mais Dieu nous fait voir en grand dans la nature, que les eaux ont un mouvement & une circulation qui n'eft jamais interrompue, non-feule

(1) Lib. II. Problem. 5. pag. 253. feq.

ment

(2) Lib de machinis fpiritalibus. Vi rarefa&ionis aëris perennem aquæ motum producendi.

.ment au-deflus & au dedans de la terre, comme je l'ai prouvé ci-deffus; mais qu'elles circulent pareillement fans ceffe par le moyen de leur évaporation (3), en s'élevant en haut dans les nues, & en retombant de-là fur notre terre. Cette circulation fi utile à la nature, qu'elle anime & qu'elle fertilife, a déja duré plufieurs milliers d'années, & durera encore auffi long-tems que le Créateur confervera la terre & fera luire le foleil

fur elle & fur les eaux, afin que par fa chaleur il en tire les vapeurs & les exhalaifons pour former les nuées & les brouillards, & que ces vapeurs condenfées & comprimées par l'air froid retomberont en gouttes fur la terre. Et quoique la plupart des eaux d'où les vapeurs fubtiles s'élevent, foient des eaux de mer fteriles & falées, ce qui s'en exhale ne laiffe pas d'être doux & fertile, & il retombe en pluye encore plus fertile, parce qu'il s'eft chargé dans l'air d'autres fels délicats & fubtils. L'air fert auffi non feulement à porter les nuées & à les foutenir; mais les vents qui ne font autre chofe qu'un air plus agité, mettent les nuées en mouvement, & les font avancer même dans des lieux,

(3) Voyez ci-deffus Liv. I. Chap. 3.

qui

qui fans cela n'en auroient point, & qui par conféquent feroient privés de pluye, parce qu'il n'y a point d'eau d'où le foleil puifle tirer des vapeurs. Les montagnes, que Dieu a placées çà & là fur la terre, rendent ce mouvement encore plus utile; car c'eft contr'elles que viennent fe heurter les nuées (4) pouflées par les vents: c'eft-là qu'elles fe déchargent en pluye & en rofée qui les humectent, & elles fourniffent par ce moyen à la terre tant de fontaines (5), de fleuves & de rivieres d'une eau douce & fertile. Le Roi David prend de-là un jufte fujet de louer notre Créateur, quand il lui adreffe ces paroles du Pfeaume CIII. vf. 3. » Vous qui étendez le » ciel comme une tente, qui couvrez » d'eau fa partie la plus élevée ; qui » montez fur les nuées, & qui marchez » fur les aîles des vents; où le fçavant Nieuwentyt (6) remarque, que le marcher, qui eft attribué à Dieu, regarde particulierement le bienfait qu'il nous accorde par la pluye des nuées, que David appelle ailleurs (dans l'hébreu felon quelques interpretes) dés ornieres

(4) Voyez ci-deffus Liv. II. Chap. 3.

(5) lbid.

qui

(6) De l'Exiftence de Dieu, Confideration XX.

Du flux

qui dégouttent la graisse, Pfeaume LXV. vs. 12.

De tous les mouvemens que l'eau a & du re- fur la terre, il n'y en a point de plus Bux. connu, ni qui tombe plus fous les fens, que ce qu'on appelle le flux & reflux, Nous y obfervons premierement chaque jour, que pendant fix heures il y a flux; c'eft-à-dire que les eaux s'écoulent des terres vers la haute mer; qu'au contraire les fix heures fuivantes & quelques minutes plus tard, il y a reflux; c'est-à-dire que les eaux retournent du côté des terres. Cela arrive deux fois tous les 24 heures, tellement, que file reflux arrive à une heure du jour lunaire, le lendemain il arrive à deux heures. Outre cela on obferve chaque mois deux fois, que le reflux eft plus fort qu'à l'ordinaire, à fçavoir une fois environ la nouvelle lune, & l'autre, qui eft encore plus fenfible, environ le tems de la pleine lune. Mais dans le tems des quartiers il cft moins fort qu'à l'ordinaire. Enfin chaque année il y a encore cette difference confiderable à remarquer, qu'environ le tems des deux équinoxes, tant au commencement du printems que de l'automne, les reflux font ordinairement les plus grands, au lieu qu'au contraire ils diminuent le plus environ les folsti

tes; c'est-à-dire au plus grand & au plus court jour.

de ce

Les naturaliftes qui ont fait des re- Caufo cherches fur les caufes de ce grand phé- phéno nomene, qui eft auffi utile que mer- mene. veilleux, puifqu'il fert à entretenir partout la fraîcheur & la vie, l'ont particulierement attribué au tournoyement de la terre à l'entour de fon axe, que l'on fuppofe qui fe fait tous les 24 heures. Et puifque la terre eft ronde, cela s'accorde affez bien avec les fix heures du flux & du reflux, qui font caufés par le quart de la révolution du globe; parce qu'à chaque tour qu'il fait il y en a toujours un quart qui monte, & un qui defcend. Galilée (7) va fi loin, qu'il prétend que, fans ce tournoyement, la chofe feroit inconcevable. Mais comme l'on remarque dans le flux & le reflux divers autres changemens, à fçavoir ceux que nous venons de dire, qui s'y font tous les mois & toutes les années deux fois, & qu'on ne peut les expliquer par le tournoyement de la terre feul, les

(7) Galilæus de Galilæis Differt. IV. fyftematis cofmici, cui, præter Gaffendum aliofque, affentitur Jo. Wallifius Epiftol. ad Rob. Boyle, Tom. II. Operum pag. 739. feqq.

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