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terreftre ne feroit qu'un monceau ftérile de pouffiere & de cendres; que l'air feroit un efpace inhabitable à cause de la fubtilité du fec & du froid; qu'il ne fe formeroit ni minéraux, ni plantes, ni animaux : qu'en un mot, fans l'eau rien n'auroit vie, rien ne pourroit croître ni fubfifter.

être l'au

Quel eft donc l'Etre qui a établi un Il n'y a tel ordre dans la nature, & qui a ren- que Dieu du une même chofe d'un ufage fi indi- qui pe fpenfablement néceffaire à toutes les teur d'u créatures? Qui eft-ce qui leur a donné ne chofe, une forte de defir de recevoir les influen- ceffaire. ces de l'eau, & qui a mis dans celle-ci la vertu de fatisfaire aux befoins des créatures, & de remplir leurs defirs? N'estce pas Dieu, dont la fage providence pas bornée à créer l'eau & à lui donner ces qualités ; mais qui, pour en multiplier & en perpétuer l'ufage, l'a diftribuée richement par toute la terre, où il la fait continuellement circuler, & qui en referve les tréfors dans des abymes inépuifables.

ne s'eft

l'Eau.

Certain perfonnage, qui n'étoit rien Chacun moins que philofophe, ayant demandé connot à Démocrite ce que c'étoit que l'homme, en reçut cette réponse. Un homme eft une chofe que nous connoissons tous. En effet perfonne ne devroit mieux que A 2

l'hom

l'homme lui-même fçavoir ce qu'il eft. Auffi combien de gens y a-t-il qui s'imaginent en avoir une connoiffance fuffifante? Cependant nous fommes bien éloignés de parvenir avec tant de facilité à nous bien connoître. Toutes les peines, que les favans se sont données à l'envie pour cela, long-tems avant Démocrite & depuis fon tems jufqu'à préfent toutes les lumieres qu'ils ont tirées de la Phyfique, de l'Anatomie, de la Médecine, auffi-bien que de la Morale & de la Théologie, n'ont pû encore nous procurer une parfaite connoiffance de nous-mêmes : elles n'ont fait que nous aider dans cette recherche, & rendre nos découvertes plus approchantes de la vérité & de la perfection, en les établiffant fur des principes. Si quelqu'un demandoit ce que c'eft que l'eau, ne pourroit-on pas lui faire une réponse dans le goût de celle de Démocrite; & à moins qu'il ne fût d'une curiofité importune, ne le renvoyeroit-on pas fatisfait, en lui difant, que l'eau est une chofe que nous connoiffons tous? Il eft certain que la plupart des définitions de l'eau, que nous trouvons dans les philofophes, ne nous en difent pas davantage. ( 2 ) Bien plus

(2) Philofophos adhuc nefcire quid fit aqua, Obfer

vat.

*

plus, elles ne fervent qu'à obfcurcir l'idée que le commun des hommes fe forme de l'eau par le moyen des fens. Rien n'eft, par exemple, plus oppofé à cette idée, que ce que quelques-uns ont avancé, (3) que l'eau n'eft autre chofe qu'un air condenfé, & qu'elle peut, en fe raréfiant, être entierement changée en air; puifque quiconque veut y faire attention, eft forcé d'avouer que l'eau eft une matiere toute particuliere, qu'aucun art ne fçauroit venir à bout d'imiter; que c'est un mélange non- feulement de parties d'air, mais auffi de feu & de particules terreftres, pefantes & phlegmatiques, que le Créateur tout fage & tout-puiffant a réunies en un fluide propre à rendre le monde habitable, à nourrir la terre &

l'air,

vat. Hallens. Tome V. Obfervat. 4. Jon. Chriftoph. Meinig. Ammerkungen uber des Marioti Grund. Lehren von der Hydroftatik und. Hydraulik, p. 18. feq. Leipzig 1723. 8.

(3) Michael Ritthalerus in Hermathena Philofophico-Theologica Julii Superbi ifagoge pofthume oppofita Helmft. 1684. 8. p. 153. feq. T. S. J. F. in Curiofitatibus Philofophicis. Lond. 1713. 4. Journal des Sçavans, 1713. Septembre. p. 318. & fuiv.

*

Que l'eau n'eft autre chose qu'un air condenfé Quelqu'abfurde que foit ce fentiment, il ne laiffe pas d'être fort ancien. C'étoit déja l'opinion d'ɔcellus Lucanus, qui a vêcu avant Ariftote, comme l'on peut voir dans fon Traité de l'Univers. Chap. 2. Note communiquée au Traducteur.

L'Eau

n'eft pas condenfé, preuve du con

un air

traire.

l'air, & à fervir dans la nature de con, trepoids au feu, qui de fon côté entretient ce fluide dans fon état.

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L'opinion de ceux qui s'imaginent, que l'eau eft un air condensé, eft réfutée par l'expérience qu'a fait Christophle Clavius, en mettant de l'eau commune de fontaine ( 4 ) dans une bouteille fcellée hermetiquement, où elle s'eft confervée plus de cinquante ans, fans devenir plus fubtile, & fans que la moindre portion en ait été changée en air mais encore mieux par celle que M. Rohault rapporte (5). Ce fçavant phyficien prit une bouteille à long coû, contenant bien deux pintes; il la fcella hermetiquement au-deffus, de façon qu'elle resta pleine d'air, puis il l'enfonça dans un petit tonneau rempli d'eau, qui étoit au fond d'une cave, où il la laiffa trois ans entiers, fans y toucher autrement que pour voir s'il ne s'y étoit point fait de changement dans l'air; mais il n'y en apperçut jamais de fenfible, & il ne vit point qu'il s'en fût fait la moindre goutte d'eau ; ce qui feroit fans doute arrivé à cause

(4) Cafp. Schottus Mechanic, Hydraulico - Pneumatic. Part. 3. Claff. 1. 1. apud. Rob. Boylium Ex

periment. XXII,

(5) Traité de Phyfique, Part, III. Chap. 3. §. 8.

cause de la fraîcheur de l'air qui environnoit la bouteille, fi la tranfmutation des élémens avoit quelque fondement. Enfin la machine pneumatique, par le moyen de laquelle on pompe l'air d'un vafe, nous fait affez connoître, que l'air eft autre chose que de l'eau rarefiée, & qu'il n'y auroit pas moyen, en la preffant, d'en tirer de l'eau. Ce feroit envain qu'on employeroit l'art (6) pour produire un tel effet, s'il n'y avoit point d'eau qui s'y fût mêlée auparavant. L'air ne nous fourniroit point auffi de lui-même les pluyes, fi le Créateur n'avoit reglé les chofes de façon que la chaleur du foleil & le feu de la terre font premierement fortir de l'eau des parties aqueufes, qui, montant dans l'air, s'y raffemblent comme dans un alambic en des gouttes, que leur pefanteur fait retomber fur la terre pour la rendre fertile. Dès que les parties de feu quittent l'eau, elle perd fa fluidité *, & fe change en neige, en grêle & en gla

ce.

(6) Francifcus Tertius de Lanis Tom. II. Magifterii naturæ & artis p. 74. 75. 203. feq.

* Des que les parties de feu quittent l'Eau, elle perd fa fluidité. L'Auteur femble avouer ici avec raifon, que pour que l'eau fe change en glace, il faut fimplement qu'elle perde un certain degré de chaleur, qui caufe fa fluidité: néanmoins il paroît penfer autrement dans le Chapitre III. où il at

A 4

tribue

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