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plir ce labeur immense qu'aidé par les travaux antérieurs de ses devanciers.

Je publie donc seulement des documents, dont la plupart sont inédits, pour prouver que la Comédie française est un monument impérissable, et que le plus grand génie des temps modernes a mis une de ses gloires les plus chères à consolider ce monument et à en perpétuer la durée.

Voilà pourquoi je mentionne les actes constitutifs de la Comédie française, depuis son organisation jusqu'à nos jours; voilà pourquoi j'insiste sur les années écoulées de 1802 à 1814. C'est non pas l'histoire, mais le tableau de l'histoire d'un règne pour le Théâtre-Français.

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LES RÈGLEMENTS

DU

THEATRE-FRANÇAIS,

Depuis son établissement, en 1680, jusqu'à l'acte de société
du 27 germinal an XII (17 avril 1804).

La trace des origines de la Comédie française se retrouve partout. On sait que l'existence légale de notre premier théâtre, tel qu'il existe encore aujourd'hui, date de l'acte de réunion des deux troupes de l'hôtel de Bourgogne et de l'hôtel Guénégaud. Le théâtre de l'hôtel de Bourgogne remonte à 1552. En 1658, Molière commence ses représentations au faubourg Saint-Germain, près de l'Abbaye, et plus tard dans la salle du Petit-Bourbon, sur l'emplacement du Louvre, sous le nom d'Illustre théâtre. En 1660, Molière et ses acteurs entrent en possession de la salle du Palais-Royal, à peu près dans la direction de la rue des Bons-Enfants actuelle, et prennent le titre de troupe de Monsieur, pour devenir enfin troupe du Roi en 1665. Molière mort, ses co

médiens réunis, le 9 juillet 1673, aux acteurs du Marais, s'installent à l'hôtel Guénégaud, rue des Fossés - Saint-Germain-des-Prés, aujourd'hui rue Mazarine. C'est là que la jonction de cette troupe avec celle de l'hôtel de Bourgogne s'opère, en 1680, par la volonté suprême de Louis XIV. La Comédie française est fondée.

Cent dix années s'écoulent jusqu'au moment où, en 1790, la Comédie française entre, par la force des événements, dans une voie nouvelle, celle du désordre, résultat d'une liberté sans limites. L'histoire dramatique de ce grand siècle, qui est le dixhuitième, n'existe pas; ou plutôt les fragments en sont épars çà et là dans les correspondances du temps, celle de Voltaire, par exemple, celle de Grimm, et d'un grand nombre de littérateurs de tous les rangs, qui préludaient, dans leurs épanchements intimes, aux journaux qui naquirent avec la révolution. Les frères Parfaict n'ont qu'ébauché cet immense travail, et d'ailleurs ils ont écrit bien plutôt les origines du théâtre en France que l'histoire de la Comédie française proprement dite. Le dictionnaire de Léris, celui du chevalier de Mouhy, très-inexact, le catalogue de la Vrillière, Cailhava et quelques autres, ne sont que des compilations, des nomenclatures ou des aperçus dans le genre de ces petits almanachs de spectacles, si précieux, qui ont disparu avec le dix-huitième siècle, où l'on ne trouve

guère que des notes et de sèches chronologies, mais que l'on est encore bien aise de consulter, et que l'on devrait remettre au jour, maintenant qu'on édite par milliers des almanachs sur n'importe quoi, même sur rien.

Il y aurait donc, pour la Comédie française, une double histoire à tracer : celle de l'institution et celle du mouvement littéraire pendant plus de cent années, ces deux études réunies formant un vaste ensemble, un véritable monument.

Il faut espérer que ce magnifique travail s'accomplira. Pendant un long siècle, la Comédie française résume en elle-même l'art dramatique tout entier.

En vertu de quels actes existait la Comédie française, lorsque, sous le Consulat, Napoléon, de sa main puissante, en réunit les nobles débris pour lui restituer son ancien lustre ; c'est ce que nous allons essayer de rappeler en traits rapides, en ayant soin de donner quelques textes, qui sont comme les principales colonnes de l'édifice, textes d'autant plus curieux et inappréciables, que tous les règlements postérieurs, tous les actes consécutifs promulgués depuis lors sont venus, pour ainsi dire, se greffer sur ces assises qu'on n'a jamais détruites, mais consolidees.

La plupart des documents qui vont suivre sont inédits.

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Il existait, avant la réunion émanée de la volonté de Louis XIV, un acte de société, en date du 12 avril 1679. Cet acte rappelle que, le 3 mai 1673, un peu plus de deux mois après la mort de Molière, les sieurs Guérin, Varlet de la Grange, Hubert, de Rosimont, Gassot de Croisy, et mesdames Armande Béjart la veuve Molière, Ragneau de la Grange, Angélique Gassot et Catherine Leclerc la veuve de Brie, formèrent une convention pour continuer à représenter le répertoire de Molière dans la salle de spectacle située rue Mazarine, appartenant aux sieurs Alexandre de Rieux, marquis de Sourdéac, et Champron; que l'achat du mobilier, décors, machines, etc., fut stipulé moyennant la somme de 30,000 livres, dont 14,000 livres payées au comptant, et les 16,000 livres restant, représentant deux parts dans les bénéfices alloués aux sieurs Sourdéac et Champron. Quelques années plus tard, des contestations s'élevèrent entre les vendeurs et les sociétaires, qui s'étaient adjoints, pour compléter leur troupe, les sieurs Dauvilliers, Dupin, Verneuil, et mesdames Poisson Dauvilliers, Louise Jacob et Judith Guyot. Ces contestations amenèrent pour résultat la stipulation nouvelle de servir au marquis de Sourdéac et à Champron une pension viagère de mille livres. C'est alors, le 12 avril 1679, qu'intervinrent M. de Champmeslé et Marie Desmares, sa femme, tous deux appartenant au théâtre de l'hôtel

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