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Vienne, un mémoire raisonné sur le sort de la Saxe et de son souverain, qui n'est que le développement de la note du duc de Cobourg, du 14 octobre. On y examine la question du droit et celle de l'utilité; aux observations faites sur la dernière on ajoute la crainte que la réunion de la Saxe à la Prusse ne soit une étincelle qui embraseroit l'Allemagne, et qui y susciteroit une révolution. On y fait aussi entrevoir à l'Angleterre la perte que son commerce pourroit éprouver si Leipzig passoit sous la domination de la Prusse. Ce mémoire se termine par la maxime que l'injustice est un mauvais fondement, sur lequel le monde politique ne sauroit bâtir que pour sa ruine. Nous applaudissons à cette thèse, dont tous les chapitres de notre ouvrage ont fourni le commen-. taire; nous en regrettons d'autant plus que les rédacteurs du mémoire aient laissé échapper une autre maxime, aussi contraire à la saine politique qui ne bâtit que sur la justice, qu'elle est en opposition avec le véritable intérêt de la France; maxime qui rappelle une école d'où sont sorties ces doctrines qui ont rempli le monde de troubles. En parlant du bouleversement dont, selon eux, l'Allemagne seroit menacée par la réunion de la Saxe à la Prusse, les auteurs

ainsi un système d'éloignement contraire à cette alliance intime qui, sous tous les autres rapports, doit exister entre la France et la Prusse.

disent La France resteroit-elle spectatrice tranquille de ces discordes civiles? Il est plutôt à croire qu'elle en profiteroit; et peut-être feroit-elle SAGEMENT d'en profiter 1. »

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On prétend que quelques alliés firent difficulté de reconnoître à la France le droit de prendre part à la discussion relative à la Pologne et à la Saxe, parce qu'elle avoit promis, par un article secret de la paix de Paris, de ne pas s'immiscer dans le partage des conquêtes dont les alliés conviendroient 2; mais que M. de Talleyrand déclara que, par les alliés dont il est question dans cet article, il falloit entendre la totalité des alliés, et non telle ou telle puissance en particulier, la France ne reconnoissant que les décisions prises par le congrès en masse. Il ne seroit peut-être pas difficile de réfuter ce raisonnement, en disputant sur les mots; mais il s'agit ici de principes d'un ordre supérieur, et nous doutons que les monarques qui ont donné la paix au monde, aient voulu refuser à une puissance telle que la France, à qui rien de ce qui se passe en Europe ne sauroit être étranger, la faculté de s'opposer à des arrangemens contraires à ses intérêts politiques, et dans lesquels elle découvriroit le gerne de

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Voy. ce mémoire dans le Congrès de Vienne; Rec. de pièces offic., Vol. I, p. 276. Il faut dire cependant que ce mémoire n'est pas signé, et que, par conséquent, les ministres de France ne l'ont pas publiquement avoué.

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troubles futurs. C'est sans doute de ce point
la
de vue que la chose fut envisagée par cour
de Vienne et par l'Espagne; leur avis ayant
prévalu, l'affaire de la Pologne fut soumise à
une discussion géuérale 1. La France demanda
que l'ancienne Prusse méridionale, jusqu'à la
Vistule, fût rendue à Frédéric-Guillaume III 2.
A peine le journal officiel de France eut-il
donné le signal de s'apitoyer sur le sort du roi
de Saxe 3, que le public d'Angleterre commença
aussi à s'occuper de ce prince. L'opposition
somma les ministres de dire s'il étoit vrai,
comme le portoient les proclamations publiées
à Dresde, que le cabinet britannique eût
consenti à ce que la Saxe fût réunie à la Prusse.
Les ministres éludèrent une réponse positive
jusqu'au moment où ils purent dir, avec
vérité, qu'il n'étoit pas question de cette réunion;
mais effrayés par le cri qui s'étoit élevé dans
Londres, ils soutinrent dès-lors foiblement la
Prusse, et finirent même par l'abandonner tout-
à-fait.

Dans les discussions, auxquelles les pré- Négociation catentions de la Prusse donnèrent lieu, les deux Prusse.

1 M. de PRADT remarque avec raison que le changement d'attitude de la France est un trait d'habileté du ministre qui l'a conçu. Congrès de Vienne, Vol. I, p. 190 (seconde édition).

Cong. de Vienne; Rec. de pièces offic., Vol. II, p. 5. 3 Par un article du 5 décembre, tiré de la gazette de Bamberg. Voy. ibid., Vol. II, p. 119.

tr la Russie et la

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questions, qu'on appeloit la Saxonne et la Polonoise, étoient, entre elles, dans la liaison la plus intime. La Prusse demandoit la Saxe, parce qu'elle n'étoit pas rentrée dans ses possessions polonoises; l'Angleterre ne vouloit pas qu'elle obtint la Saxe à titre de compensation pour ses pertes en Pologne; elle vouloit qu'on lui restituât la plus grande partie de la Prusse méridionale. L'Autriche ne voyoit pas de sûreté pour la Galicie, si elle n'y réunissoit Cracovie et le cercle de Zamosc, de manière que la Nida formât sa frontiere; ni pour la Prusse, si celleci ne possédoit Thorn et la ligne de la Wartha. Le prince de Hardenberg se chargea, vers la fin de novembre, de proposer à l'empereur Alexandre cette double cession, comme un moyen de rapprochement. Ce ministre eut, à ce sujet, des conférences avec l'empereur luimême et avec ses délegués, le prince Czartoryski et le baron de Stein. Ils déclarèrent que si la Pologne étoit le seul pays où leur souverain pût trouver un aggrandissement proportionné à celui qu'avoient obtenu ses alliés, il avoit pensé en même temps que l'exécution du projet dont il s'occupoit, de rendre à la Pologne son existence et son gouvernement particulier, étoit faite pour détruire tout motif d'inquiétude pour ses voisins; qu'il avoit cru que ce pays devoit recevoir une frontière militaire pour sa défense; mais que voyant qu'on regardoit comme aggressive la ligne de Thorn à Cracovie, et la pos

session de ces deux places, il étoit décidé à faire un nouveau sacrifice à ses alliés et à la bonne intelligence qu'il désiroit voir conservée et de plus en plus resserrée; qu'il exigeoit cependant, comme une condition irrémissible, que tous les points qui faisoient encore l'objet d'une discussion, fussent terminés en même temps, et que par conséquent les questions relatives à la Saxe et à Mayence fussent décidées par la même négociation et dans le même traité. A condition que la Saxe, dans toute son intégrité, fût cédée à la Prusse, et que Mayence fût déclarée forteresse de la confédération germanique, les ministres offrirent la renonciation d'Alexandre à la possession des villes de Cracovie et de Thorn, de manière que ces deux villes formeroient, avec les territoires qu'on leur assignéroit, des républiques indépendantes et essentiellement

neutres.

En transmettant au prince de Metternich le résultat de cette conférence, par une note du 2 déc., le prince de Hardenberg observa qu'après avoir obtenu l'assurance que l'existence politique du nouveau royaume de Pologne ne compromettroit pas la tranquillité de ses voisins et de l'Europe, il conviendroit de connoître la nature de la constitution qu'on se proposoit de donner à ce royaume, et les garanties que l'empereur

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L'original de cette note n'a pas été publié.

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