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Catherine Butte a déjà, par ces simples observations, répondu aux moyens de ses co-héritiers, soit relativement à la nullité de l'acte, quant à la forme, soit à l'obligation de rapporter.

En effet, pour assujétir l'acte du 12 prairial an 12 à la forme prescrite par l'article 931, il faut qu'il porte donation entre-vifs; or, une transaction faite pour rétribution de services rendus n'est pas une donation; c'est l'accord des deux parties sur la reconnaissance d'une dette légitime, et sur la quotité à laquelle elle est déterminée.

Inutilement voudrait-on prétendre que ce sont des services imaginaires; les faits sont palpables. Cath. Butte a demeuré avec ses parens jusqu'au décès du survivant; ses soins et son travail sont notoires : toute la commune les attesterait; l'acte qui en contient la preuve, et qui émane des père et mère de toutes les parties, est d'ailleurs une pièce irrécusable; un titre aussi respectable ne devrait-il pas suffire pour imposer silence à des enfans?

Si ce n'est pas une donation, il n'est pas dû de rapport; car l'héritier n'y est tenu qu'autant qu'il a reçu un avantage directement ou indirectement; ce que Catherine Butte répète est le prix de ses services qui ont été convenus et appréciés à prix d'argent ; c'est un contrat synallagmatique et à titre onéreux; ainsi nul avantage direct ni indirect.

Est-ce là dénaturer les soins et les bons offices que les enfans doivent naturellement à leurs père et mère ?

Remarquons, en premier lieu, que les père et mère des parties n'étaient que des agriculteurs, dont les enfans avaient été élevés dans l'habitude du travail.

Que les enfans des cultivateurs, accoutumés à la fatigue qu'ils partagent avec les ouvriers et les domestiques, ne sont pas comparables aux citadins qui par les suites de leur éducation et de leurs moyens, sont plutôt un sujet de dépense que d'utilité pour les parens chez lesquels ils demeurent.

Que dans le fait Catherine Butte a fait les ouvrages d'une servante; qu'elle y a ajouté les actes de confiance dont ses père et mère n'auraient pas voulu charger un mercénaire, et que la rétribution qui lui est accordée n'équivaut pas des gages qu'elle aurait mérités par tout ailleurs par le même genre de services.

Qu'y a-t-il donc d'avilissant dans l'indemnité convenue? Un enfant a-t-il à rougir de trouver des parens justes et équitables?

Ici Catherine Butte se rétranchait dans les dispositions de l'article 853 (*) du code civil, où il est dit que les profits que l'héritier a pu retirer de conventions passées avec le défunt, ne sont pas sujets à rapport, si ces conventions ne présentaient aucun avantage indirect lorsqu'elles ont été faites.

Elle s'appropriait littéralement cet article en di

(*) Sur ce point les parties s'emparaient respectivement de l'opinion de M. Chabot, dans son traité sur les donations, et l'inter piétaient de manière à se la rendre favorable.

sant; quelle est la nature de la convention? C'est un traité de louage de services appréciables à prix d'argent.

Cette convention, loin de présenter un avantage indirect au profit de Catherine Butte, devenait trèsutile à ses parens; elle ne prenait rien sur leur fortune, puisque, sans le secours de leur fille, ils auraient été dans la nécessité de salarier une personne étrangère.

La défense de Catherine Butte obtint un plein succès; le tribunal de Courtrai ordonna l'exécution de l'acte du 12 prairial an 12, prairial an 12, et déclara que l'objet de cet acte n'était pas sujet à rapport.

Les frères et sœurs appelèrent de ce jugement.

La cause fut plaidée avec soin devant la cour, néanmoins sur la réproduction des moyens employés en première instance, de sorte qu'il serait superflu de les retracer.

Arrêt par lequel,

« Attendu que les services que l'intimée a rendus à ses père et mère, jusqu'au décès du dernier vivant, ne sont pas vaguement allégués ou supposés, mais que leur nature est spécifiée dans l'acte du 12 prairial an 12, dout est question au procès, et qu'ils ont consisté non-seulement en ce que l'intimée a soigné et géré leurs intérêts et autres affaires, mais aussi en ce qu'elle les a servis comme domestique sans quoi ils auraient eu besoin à ces effets de personnes étrangères ;

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« Qu'ainsi cet acte ne renferme pas une donation rémunératoire proprement dite, mais une convention réciproquement onéreuse et synallagma' que, par laquelle l'intimée s'est engagée à continuer à servir ses parens comme domestique, et de soigner et gérer leurs intérêts et autres affaires, parmi le salaire modique de 20 livres de gros courant par an;

D'où il suit que les parties contractantes ont envisagé ces services comme devant être appréciés entre elles à prix d'argent, et susceptibles par conséquent d'une matière de créance, qu'elles ont en effet fixée, par une stipulation contractuelle, tant pour le passé que pour le futur, à la somme susdite:

«Attendu que ce contrat ne peut être envisagé comme une donation déguisée, ou comme un avantage indirect, vu, d'une part, que lesdits parens n'avaient pas besoin ni de feindre ni de simuler, puisque d'après l'article 913 du Code Napoléon ils pouvaient donner à leur fille directement et à titre de donation ou de testament le quart de tous leurs biens; et que d'autre part ils ont traité avec l'intimée comme ils eussent dû faire avec un étranger:

« Attendu enfin que ces sortes de conventions ont été prévues par le législateur même, et que loin d'être reprouvées, elles ont expressément été déclarées exemptes de rapport par l'article 853 dudit code;

« Qu'il suit, de ce qui précède, que l'acte dont s'agit n'a pas dû être rédigé avec les solemnités requises par l'article 931, et qu'il n'est pas sujet à rapport:

• Attendu, sur la conclusion renversaire des appelans, qu'en concluant, pardevant le premier juge, à ce qu'il fût ordonné que les revenus et produits des coupes des bois et autres valeurs encore à recevoir des deux successions fussent perçus pour la masse, par le notaire commis ou toute autre personne qu'il plairait au tribunal de commettre, ils n'en avaient pas exclu la personne de l'intimée, et que le tribunal, en nommant cette dernière à cet effet, n'a infligé aucun grief aux appelans; la cour met l'appellation au néant; condamne les appelans aux dépens de cette instance, et à l'amende de fol appel.

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L'APPEL d'un jugement d'ordre intervenu sur les contestations, mais entre des créanciers, doit-il étre signifié à personne ou domicile?

Est-il valablement notifié au domicile de l'avoué, en observant les distances du domicile réel de chaque partie ?

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s'agit de fixer le sens de l'article 763 du code

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