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ritale, puisque, sans cette sage prévoyance, les déniers des mineurs pourraient étre dissipés par le second époux, sans aucun recours sur les biens du dissipateur.

Telle était la législation romaine, et la jurisprudence (*) de Flandre y était conforme, même dans les coutumes muettes sur la matière. En Brabant, l'article 24 de l'édit perpétuel était observé : en conséquence l'hypothèque tacite était restreinte aux actions du fisc.

Tout en reconnaissant l'existence de l'hypothèque légale en faveur des mineurs, la loi du 11 brumaire an 7, art. 21, l'assujétissait à l'inscription, mais dans des formes plus simples que celles qu'on exigeait pour les créances ordinaires; mais l'art 22 compensait les risques du défaut d'inscription par la responsabilité qui pesait solidairement sur tous les membres de la famille qui avaient concouru à la nomination du tuteur.

Il n'est pas moins vrai que, sous le régime de l'an 7, et jusqu'à la publication du code civil, les droits des mineurs étaient exposés à se perdre ou à être rendus inutiles par les inscriptions prises de la part d'autres créanciers, et que dans ce cas ils n'avaient que l'action en indemnité contre la famille dont la négligence avait compromis leurs intérêts.

Qu'est devenu le privilége des mineurs à l'événe

() A moins que la coutume locale ne contînt une disposition particulière au surplus il ne s'agit que de la Flandre ci-devant autrichienne.

ment de la publication du code civil, lorsqu'il est resté intact sous le régime hypothécaire de l'an 7, c'est-à-dire lorsqu'aucun créancier n'a pris inscription sur le tuteur pendant la législation de l'an 7?

S'il s'agit d'un tuteur nommé par la loi, par testament ou par un conseil de famille, point de difficulté ; l'article 2135 du Code Napoléon établit l'hypothèque légale; il n'y a donc eu aucun interruption: la loi nouvelle est entée sur la loi ancienne, et même l'article 2135 introduit, du jour de sa publication, l'hypothèque légale sur les biens du tuteur qui n'y était pas soumis auparavant; telle serait, par exemple, la condition d'un tuteur qui aurait géré en Brabant antérieurement au Code Napoléon.

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La question n'est peut être pas aussi simple à l'égard du protuteur ou du second mari, qui n'a pas été nommé légalement tuteur.

La raison en est que l'article 2135 suppose un tuteur régulièrement établi, puisqu'il fait remonter l'hypothèque légale du jour de son acceptation; or l'acceptation suppose le titre conféré dans les formes prescrites pour la tutelle.

Ne donnons cependant pas trop au mot; car si l'acceptation était nécessaire pour conférer l'hypothè que légale, il s'ensuivrait que la tutelle légitime, et qui est déférée de plein droit, ne produirait pas l'hypothèque légale ; car elle est indépendante de l'acceptation; elle se constitue par le fait.

Revenons au point capital de la difficulté..

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Il a été établi que les biens d'un protuteur ou du second mari, d'une tutrice légitime, étaient tacitement grevés d'hypothèque à l'époque de la publication du code.

Le code les a donc trouvés sous le poids de cette hypothèque; les en a-t-il délivrés? Non certainement; une loi nouvelle ne peut sans rétroagir enlever un droit acquis; mais les créanciers qui ont contracté sous le code avec le second mari, et qui ont fait inscrire leurs créances sur ses immeubles, n'objecteront-ils pas leur bonne-foi?

Ne diront-ils pas nous savions que le second mari n'avait pas été nommé tuteur, et à la vue de l'article 2135 du code, qui ne donne l'hypothèque légale que sur les biens du tuteur, nous avons acquis nous mêmes un droit que la nouvelle loi nous garantit.

Pour conserver une hypothèque que le code ne reconnaît plus dans le chef d'un protuteur ou d'un second mari, le mineur n'était il pas tenu de la faire inscrire ?

S'il est vrai que l'hypothèque acquise avant le code n'a pas été supprimée par le code, il faut dire qu'elle a subsisté dans sa nature primitive, et que les créanciers doivent s'imputer d'avoir placé leur confiance dans une personne dont il ne leur était pas permis d'ignorer la condition suivant cette règle de droit: nemo ignarus debet esse conditionis ejus cùm quo

contraxit.

Par quel inconcevable motif serait-il permis de

supposer qu'en pourvoyant à la sûreté de l'intérêt des mineurs le Code Napoléon aurait voulu anéantir des droits précédemment acquis par des principes analogues à ses dispositions?

D'ailleurs est-il exactement vrai que sous le Code Napoléon les immeubles d'un second mari ne soient pas frappés de l'hypothèque légale s'il n'est régulièrement établi tuteur?

D'abord les biens de sa femme, tutrice légitime, sont évidemment grevés; et si, aux termes de l'article 396 du Code Napoléon, le second mari est cotuteur, nul doute que l'hypothèque tacite n'affecte ses immeubles pour la gestion postérieure au mariage.

Voilà donc un cotuteur soumis à l'hypothèque légale; et, dans le cas de l'article 417 du même code, qui oserait penser qu'il n'en est pas de-même du protuteur? Il ne faut donc pas judaïser sur l'expression simple de tuteur, énoncée dans l'article 2135; dans l'esprit et dans le vœu de la loi, c'est le fait de la gestion qui engendre l'hypothèque légale.

Le doute ne peut donc résider que dans l'interprétation de la seconde partie de l'article 395.

Selon cet article, la mère tutrice, qui se remarie sans avoir convoqué le conseil de famille, perd la tutelle de plein droit, et son nouveau mari est solidairement responsable de toutes les suites de la tutelle qu'elle aura indùment conservée.

Une tutelle indûment conservée ne tient pas

moins lieu de tutelle, quant au fait jusques-là il n'en existe pas d'autre.

La sûreté des mineurs sera-t-elle compromise pendant cet intervalle de l'indue rétention de la tutelle? la mère sera-t-elle plus favorablement traitée en transgressant la loi qu'en l'observant? Cette opinion répugne la mère se maintient au mépris de ses devoirs dans la tutelle, c'est-à dire qu'elle la retient et qu'elle la gère de fait.

Or le mari est solidairement responsable des suites de cette tutelle: il est donc responsable d'une tutelle; mais toute gestion de tutelle donne prise à l'hypothèque légale.

Certainement les biens de la mère tutrice légitime ayant été grevés à la dissolution du premier mariage n'ont pas cessé de l'etre par son infraction, et les suites de cette infraction sont partagées par le second mari; et à raison de quoi? A raison d'une tutelle de fait qui exige encore plus de sévérité dans l'intérêt des mineurs que la tutelle régulièrement

conférée.

Ainsi l'article 2135 sainement entendu est, s'il est possible, plus rigoureusement applicable à l'indue tutelle qu'à la tutelle avouée par la loi.

Nous avons maintenant à examiner si l'adjudication purge l'hypothèque légale; et si, à défaut d'inscription antérieure, le mineur doit être écarté du procès-verbal d'ordre ouvert pour la distribution des déniers provenant de la vente forcée des biens de son tuteur.

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