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Jean-Baptiste Pauwels n'eût jamais beaucoup de discernement. Barbe Vandenelsken, qui connaissait sa fortune et la faiblesse de ses facultés intellectuelles, sut profiter de l'ascendant qu'elle avait sur lui pour en faire son époux.

En effet, le mariage eût lieu en 1809 devant l'officier de l'état civil de Bruxelles. Il fut célébré avec les formalités requises, mais dans un intervalle abrégé par dispense obtenue de l'autorité compétente. Aucune opposition.

La demoiselle Vandenelsken avait sans doute moins convoité la main que la fortune de Jean-Baptiste Pauwels. L'union conjugale fût précédée d'un contrat de mariage, par lequel les époux se font une donation réciproque de tous leurs biens. La chance était inégale. L'un était riche, et l'autre ne possédait rien.

Un espace d'environ deux ans s'écoule depuis le mariage, sans que la famille de Pauwels manifeste la moindre inquiétude sur l'état de Jean-Baptiste, et même sa sœur et son beau frère avaient eu dans cet intervalle quelques relations d'affaires de famille avec lui.

En l'an 1811, les facultés de Jean-Baptiste Pauwels parurent tellement affaiblies, qu'il donna des preuves de l'aliénation totale de son esprit. T'kint et son épouse provoquèrent son interdiction. Ils eurent soin de faire entendre que cet état de démence ou d'imbécillité était pour ainsi dire habituel et remontait au-delà de l'époque de son mariage.

Ils exposaient que Barbe Vandenelsken l'avait jugé elle-même, puisqu'elle s'était fait donner une procuration tellement générale et absolue qu'elle constituait l'interdiction de fait de son mari.

Barbe Vandenelsken intervint dans le procès, non seulement pour combattre la demande en interdiction, mais aussi pour réclamer l'administration provisoire qui avait été accordée par le premier juge au sieur Seghers, l'un des parens de Jean-baptiste Pauwels.

Sur l'appel, la cour ne décida pas que l'administration provisoire de la personne et des biens de JeanBaptiste Pauwels appartenait de droit à Barbe Vandenelsken, l'art. 497 du code civil paraissant abandonner le choix de l'administrateur à l'arbitrage du tribunal; mais la cour jugea que la mesure de l'administration provisoire avait été prématurement appliquée. En réformant sur ce point, elle ordonna un nouvel interrogatoire, ensuite duquel cette administration fût confiée à Barbe Vandenelsken en sa qualité d'épouse de Jean-Baptiste Pauwels.

La cour préfera la femme, parce que, toutes choses égales, les soins et les devoirs d'une épouse envers son mari et son intérêt dans la communauté sont des considérations suffisantes pour déterminer en sa fa. veur l'application de la mesure autorisée par l'art. 497 du code civil

La procédure sur la demande en interdiction termi née, Jean-Baptiste Pauwels fût définitivement interdit pour cause de démence et d'imbécillité.

L'orsqu'il s'est agi de pourvoir à la nomination d'un tuteur en conformité de l'art. 505 du code civil, nouvelles difficultés sur le choix. Le conseil de famille avait conféré la tutelle au sieur T'kint. Barbe Vandenelsken la revendiquait. La mort de Jean-Baptiste Pauwels mit fin à ces contestations.

Dans toutes ces instances, T'kint et son épouse déclaraient ne pas reconnaître Barbe Vandenelsken comme épouse légitime de leur frère et beau frère; ils protestaient de nullité du mariage et des conventions matrimoniales. Bientôt ils firent valoir ces protestations.

Le mariage avait été stérile. Il n'intéressait que Barbe Vandenelsken. Il fût attaqué par T'kint et sa femme, qui concluaient à ce qu'il fût déclaré nul, ainsi que le contrat portant donation réciproque au survivant des époux.

Ils fondaient la nullité sur ce que Jean-Baptiste Pauwels était déjà en état d'imbécillité et de démence à l'époque où on l'avait supposé capable de cousentir le mariage, et la donation dont il avait été précédé.

Barbe Vandenelsken les soutenait non recevables, et cette exception fût accueillie par le tribunal de première instance de Bruxelles.

Le premier juge a considéré, 1.o que tous les actes; à moins qu'ils n'offrent par eux-mêmes une preuve évidente d'imbécillité, sont généralement présumés renfermer l'expression libre et réfléchie de la volonté des contractans, au point qu'ils sont à l'abri de toute

inculpation de démence, dans le chef de l'un d'eux, si son interdiction n'a été au moins provoquée avant son décès.

2. Que si lart. 504 du code civil permet d'attaquer ces actes après le décès, lorsque l'interdiction a été antérieurement provoquée, c'est nécessairement de la même manière que l'art. 503 l'autorise à l'égard des actes antérieurs à l'interdiction, et dont la nullité est poursuivie pendant la vie de l'interdit, vu qu'il n'y a aucun motif de disparité.

3. Que l'art. 503 exige que la cause de l'interdiction ait notoirement existé à l'époque de l'acte attaqué, et que si cette expression n'indique pas absolument une notoriété publique, elle signifie au moins qu'il faut que cette cause ait été manifeste et évidente aux personnes qui étaient dans le cas d'avoir des relations avec l'interdit.

4.° Que peu de personnes auront mieux connu l'état du défunt Pauwels que les demandeurs euxmêmes, qui se trouvaient avec lui en plusieurs relations d'affaires, même après le mariage, et qui étaient intéressés à suivre les progrès de l'affaiblissement phisique et moral qui s'annonçait chez lui.

5.° Que cependant les demandeurs n'ont fait aucune opposition au mariage dont ils demandent aujourd'hui la nullité, et qui devait leur être bien connu, non seulement par la publicité des formalités inséparables de l'acte, mais encore par la circonstance que plusieurs jours avant la célébration la dame Vandenelsken avait prié le sieur Vanders

churen, l'un des proches qui ont formé le conseil de famille relatif à l'interdiction, de vouloir y intervenir comme témoin.

6. Que ce n'est que vingt-deux mois après cette union qu'ils ont formé leur demande en interdiction, et que même à cette époque les parens, qui ont composé le conseil de famille, n'avaient pas encore la conviction de la démence de Pauwels, cinq d'entr'eux ayant déclaré au procès-verbal de leur délibération, qu'il leur était impossible de donner un avis sur sa personne.

7.° Que par conséquent l'imbécillité de Pauwels n'était rien moins que notoire à l'époque de son mariage.

8. Que postérieurement à son mariage, il a donné des procurations pour poursuivre des intérêts communs avec les demandeurs, et dont ils se sont contentés; qu'ils ont correspondu avec lui; qu'indépendamment des actes de mariage, tant civil que réligieux, il en a passé divers autres notariés, et qu'on ne peut pas présumer que les demandeurs, les fonctionnaires publics et les témoins s'y seraient prêtés, si sa démence avait été manifeste, si enfin on ne lui avait reconnu un dégré d'intelligence suffisant pour contracter.

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9.° Que la plupart des faits articulés par les demandeurs sont vagues ou insignifians, et que la preuve de ceux qui paraissent les plus pertinens établirait bien un affaiblissement sensible dans la mémoire, et une décadence progressive des facultés physiques et morales de Pauwels, mais qu'elle ne suffirait pas

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