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DE

LA COUR DE BRUXELLES,

AVEC

LES ARRÊTS LES PLUS REMARQUABLES DES COURS
DE LIÉGE ET DE TRÈVES,

ET

QUELQUES REMARQUES SUR DES POINTS ESSENTIELS DE
JURISPRUDENCE ET DE PROCÉDURE CIVILE;

PAR MM. FOURNIER ET J. TARTE,

JURISCONSultes.

PREMIER VOLUME DE L'AN 1813,

XXVIII. DU RECUEIL.

BRUXELLES,

J. MAILLY, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE,

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Récompense.

Acte.-Si

gnature privée. - Donation. - Forme. Parens. Enfant.

UN acte sous signature-privée et rédigé en double, par lequel le père et la mère assurent à un de leurs enfans une somme annuelle pour les services déjà rendus, et pareille somme pour l'avenir, à raison des services à rendre, contient-il une donation rẻmunératoire?

Est-il nul à défaut d'étre passé dans les formes prescrites par l'article 931 du Code Napoléon? :

En tout cas, pareille stipulation ne contient-elle pas un avantage indirect sujet à rapport?

BUTTE, anciennement cultivateur, avait abandonné

son train de labourage, pour passer le reste de ses

1813. Tome I, N.o 1.

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jours dans le repos. Sa fortune, que les parties ont respectivement élevée à 190,000 francs, lui permettait de jouir paisiblement du fruit de ses économies et de ses travaux.

Butte avait six enfans, dont quatre étaient établis par mariage une de ses filles avait embrassé la vie religieuse, et une autre, nommée Catherine, conservait le célibat chez ses parens.

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Le 12 prairial an 12 (ainsi sous le Code Napoléon), les père et mère déclarent, dans un écrit privé et rédigé en deux originaux, que, depuis le 13 octobre 1793, Catherine, leur fille, qui a constamment demeuré avec eux, leur a rendu des services tels que, saus son assistance, ils auraient été obligés de recourir à des secours étrangers; en conséquence ils lui accordent, pour dix années qui ont précédé l'acte, une somme annuelle de 20 livres de gros, et pareille somme annuellement pour le temps qu'elle continuera à demeurer avec eux, et leur rendra les mêmes services.

Le même acte porte qu'elle leur a remis fidèlement tout ce qu'elle a reçu pour eux, et qu'ils lui en donnent quittance et décharge; ce qui suppose qu'elle se mélait de l'administration de leurs biens.

Les père et mère de Catherine sont décédés, l'un en 1806 et l'autre en 1811; elle a continué à résider dans la maison paternelle jusqu'à la mort du survivant.

Lorsqu'il s'est agi de la succession, Catherine

Butte a réclamé les effets de l'acte du 12 prairial an 12, ce qui la rendait créancière de 380 livres de gros, pour dix-huit années; ses co-héritiers ont impugné l'acte du 12 prairial en la forme et au

fond.

Cet acte, ont-ils dit, n'est autre chose qu'une donation déguisée; c'est un avantage indirect, et qui n'a d'autre fondement que le dessein d'exercer une libéralité.

Catherine Butte a demeuré chez ses parens ; elle a préféré le célibat au mariage, et si elle a rendu quelques soins à ses père et mère, elle n'a fait que remplir les devoirs de la piété filiale: elle trou vait sa récompense dans un sentiment naturel; dans un échange d'affections réciproques; elle vivait et était entretenue comme un enfant, et non comme un domestique.

Cependant l'acte du 12 prairial la transformerait en mercénaire; il en ferait un domestique à gage;

Si un semblable systême était adopté, les tribunaux retentiraient journellement de réclamations; les enfans quittent successivement la maison paternelle, les uns plutôt, les autres plus tard; il faudrait donc faire un calcul proportionnel des services rendus, car voilà le principe de l'acte du 12 prairial.

N'avilissons pas ainsi, continuent-ils, des devoirs aussi nobles, et gardons-nous de substituer dans le sein des familles l'esprit sordide de l'intérêt à l'impulsion de l'amour filial.

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