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fort bien passée. Je vous charge d'exprimer ma sensibilité aux souverains qui auront assisté à celle de Saint-Étienne, et en particulier de dire à l'impératrice d'Autriche combien je suis touché du désir et des regrets qu'elle a bien voulu me faire témoigner en cette occasion. Sur quoi je prie Dieu qu'il vous ait, mon cousin, en sa sainte et digne garde.

LOUIS.

P.-S. Le général Ricard est arrivé hier1, et sera à Vienne peu après cette lettre.

N° 27 bis. LES AMBASSADEURS DU ROI AU CONGRÈS, AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, A PARIS.

Vienne, le 31 janvier 1815.

Monsieur le comte,

Le contre-projet annoncé dans nos dernières dépêches a été remis par le cabinet de Vienne. On cède sept cent quatrevingt-deux mille âmes du royaume de Saxe. Dès qu'il sera communiqué officiellement à l'ambassade du roi, nous aurons l'honneur de vous le transmettre.

Les Prussiens paraissent n'en pas être satisfaits. Cependant l'empereur Alexandre semble l'approuver, et nous espérons qu'il engagera son allié à l'accepter et à terminer ainsi la question qui, depuis si longtemps, divise le congrès. Cela sera décidé d'ici à peu de jours.

Lord Castlereagh a reçu hier le courrier qui le rappelle en Angleterre, et l'arrivée de lord Wellington est annoncée. Lord Castlereagh quitte Vienne en conservant de bonnes

1. Supprimé dans le texte des archives.

dispositions sur l'affaire de Naples. Il paraît mettre du prix à rester dans les meilleurs termes avec la France.

Ni les affaires de Suisse ni celles d'Italie n'ont occupé les conférences; M. de Metternich n'a pas jugé à propos d'en tenir depuis celle qui a eu pour objet de régler le rang et la préséance.

La confiance dans la sagesse du roi et la considération que l'on accorde à son ambassadeur au congrès augmentent à mesure que tous les partis se persuadent que la justice et la raison dictent toutes les démarches du cabinet de France. De jour en jour, nous avons des indices plus marquants que la coalition est dissoute et que l'union des puissances du Midi contre un système de convenance si fortement soutenu par les puissances du Nord consolidera le repos et présentera une garantie contre les nouvelles agitations que l'on aurait pu craindre.

Agréez...

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LE PRINCE DE TALLEYRAND AU ROI LOUIS XVIII.
Vienne, le 1er février 1815.

SIRE,

L'audience donnée par l'empereur d'Autriche à lord Castlereagh n'a eu d'autre effet que de faire dire à celui-ci que l'empereur lui paraissait plein de loyauté et de candeur. Du reste, lord Castlereagh a été inébranlable dans son opinion qu'il fallait que la Prusse fût grande et puissante, et qu'on devait lui donner une forte partie de la Saxe et, en particulier la place de Torgau. Je voulais sauver cette place; les Autrichiens le voulaient d'abord, et, selon leur usage, ont fini par l'abandonner. En conséquence, ni l'un ni l'autre des

deux plans dont j'ai eu l'honneur d'entretenir Votre Majesté n'a prévalu. On en a fait un troisième d'après lequel une population de sept cent quatre-vingt-deux mille Saxons est abandonnée à la Prusse; et ce plan des Autrichiens a été remis, en forme de projet, aux Prussiens, qui l'ont pris ad referendum ; ils n'y ont pas encore répondu.

Nous avions, dès le principe, annoncé que nous consentirions à ce qu'on prît sur la Saxe de quatre à cinq cent mille âmes; lord Castlereagh, après l'avoir d'abord abandonnée, et, parce qu'il l'avait une fois abandonnée, voulait obstinément que l'on en prît un million. Quoique fort mal soutenu par les Autrichiens, je suis venu à bout d'obtenir que l'on s'arrêtât à peu près au terme moyen entre ces deux nombres, et je m'étonne encore de l'avoir obtenu. Le ministre de Saxe, qui est ici, avait dressé un tableau des parties du royaume qui pouvaient n'être pas considérées comme absolument essentielles à son existence. La population de ces parties s'élevait à sept cent cinquante mille âmes. On n'en cède dans le projet que trentedeux mille de plus, et, de ce qui est cédé, quelques portions doivent, par des échanges, revenir aux maisons ducales de Saxe.

Les Prussiens sont dit-on, ou feignent d'être peu disposés à se contenter de ce qui leur est offert. Ce n'est pas seulement pour eux une question de territoire; c'en est encore une d'amourpropre. Après avoir, et tout récemment encore, demandé toute la Saxe, après l'avoir occupée, après que toutes les puissances, à l'exception de la France, la leur avaient abandonnée, après avoir tant de fois déclaré qu'ils n'y renonceraient jamais, il doit leur être pénible de renoncer aux deux tiers de ce royaume. Mais ils ne lutteront point sans le con

cours de la Russie, et l'empereur Alexandre qui a obtenu ce qu'il voulait en Pologne, qui ne prend à l'affaire de la Saxe1 qu'un intérêt d'amour-propre, conseillera, selon toute apparence, aux Prussiens d'accepter les propositions qui leur sont faites, et l'on est fondé à croire qu'à très peu de changements près elles seront acceptées.

Jamais le sort d'un pays ne put paraître plus irrévocablement fixé que celui de la Saxe, au moment où nous arrivâmes ici. La Prusse la demandait en totalité pour elle-même, et la Russie, pour la Prusse. Lord Castlereagh l'avait abandonnée en totalité, et l'Autriche pareillement, sauf quelques arrangements de frontières. Votre Majesté seule a pris la défense du roi et du royaume de Saxe; seule, elle a soutenu les principes. Elle avait à triompher de passions de tout genre: de l'esprit de coalition qui subsistait dans toute sa force, et, ce qui était plus difficile peut-être, de l'amour-propre de toutes les grandes puissances qui, par leurs prétentions, leurs déclarations et leurs concessions, s'étaient compromises au point de paraître ne pas pouvoir reculer sans honte, et par la noble résistance de Votre Majesté à une injustice déjà presque consommée, elle a eu la gloire de vaincre tous ces obstacles; et, non seulement elle en a triomphé, mais la coalition a été dissoute, et Votre Majesté est entrée avec deux des plus grandes puissances dans un concert qui, plus tard, sauvera peut-être l'Europe des dangers dont la menace l'ambition de quelques États.

Le royaume de Saxe, qui était un État de troisième classe, continuera de l'être. Sa population, jointe à celle des posses

1. Supprimé dans le texte des archives.

sions ducales et de celles des maisons de Reuss et de Schwarzbourg, qui se trouvent enclavées dans le royaume, formeront encore une masse de deux millions d'habitants, interposés entre la Prusse et l'Autriche et entre la Prusse et la Bavière. L'affaire de la Saxe terminée, je serai tout entier à celle de Naples et j'y mettrai tout ce que je peux avoir d'activité et de savoir faire. L'Angleterre ne nous y sera pas contraire, mais ne nous servira point ouvertement et d'une manière décidée, attendu qu'elle s'est compromise encore dans cette affaire, ainsi que Votre Majesté le verra par la pièce que j'ai l'honneur de lui envoyer. Lord Castlereagh a reçu à cet égard, de son gouvernement, des instructions données d'après la lettre que je lui avais écrite, mais qui sont dans le sens que je viens d'indiquer.

1

Lord Castlereagh ne restera ici que huit jours avec lord Wellington. J'ai dû croire, par des communications qu'il m'a faites de dépêches qu'il a reçues de sa cour, que sa partialité pour la Prusse et sa ténacité sur la question saxonne devaient être imputées à lord Liverpool autant qu'à lui. Lord Bathurst lui mande qu'il faut être très libéral envers la Prusse, et qu'après s'être avancé au point où on l'avait fait relativement à la Saxe, il est de l'honneur du gouvernement anglais de ne point rétrograder.

1. Robert Jenkinson, comte de Liverpool, né en 1770, fut élu député aux Communes en 1790 et devint commissaire du bureau de l'Inde, maître de la Monnaie et membre du conseil privé. Il entra dans le cabinet Addington comme secrétaire d'État aux affaires étrangères (1801), puis dans celui de Pitt, comme ministre de l'intérieur (1804). Il conserva cette charge jusqu'en 1808, passa de là au département de la guerre et enfin devint premier lord de la Trésorerie (1812). Il demeura à la tête des affaires jusqu'en 1827 et mourut l'année suivante.

2. Variante trop rétrograder.

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