Page images
PDF
EPUB

pas1.-Cela s'arrangera. Et que faites-vous pour le prince Eu gène?--Le prince Eugène est sujet français, et, en cette qualité, il n'a rien à demander. Mais il est gendre du roi de Bavière; il l'est devenu par suite de la situation où la France s'est trouvée et de l'influence qu'elle exerçait; ainsi, il est juste que la France cherche à lui faire avoir ce qu'à raison de cette alliance, il est raisonnable et possible qu'il obtienne. Nous voulons donc faire quelque chose pour lui; nous voulons qu'il soit un prince apanagé de la maison de Bavière, et qu'on augmente en conséquence le lot du roi, dans la distribution des pays disponibles. -Pourquoi ne pas lui donner une souveraineté ? - Sire, son mariage avec la princesse de Bavière n'est pas un motif suffisant. Le prince Radziwill est beau-frère du roi de Prusse et n'a point de souveraineté 2. - Mais pourquoi ne pas lui donner Deux-Ponts, par exemple? c'est peu de chose. Je demande pardon à Votre Majesté ; le duché de Deux-Ponts a toujours été regardé comme quelque chose de considérable, et d'ailleurs ce qui reste encore de disponible suffit à peine pour remplir les engagements qui ont été pris. -- Et le mariage? Le roi m'a fait l'honneur de me mander qu'il le désirait toujours vivement. - Et moi aussi, a dit l'empereur, ma mère le désire pareillement; elle m'en parle dans ses dernières lettres. Le roi, ai-je dit, atten

[ocr errors]

1. La Valteline, autrefois fief impérial, avait été donnée dans le temps aux évêques de Coire. Ceux-ci la cédèrent aux Grisons en 1530, qui eurent longtemps à la défendre contre l'Espagne. Napoléon réunit ce pays au royaume d'Italie et en forma le département de l'Adda. En 1814, il fut donné à l'Autriche qui, en 1859, le céda au Piémont avec la Lombardie.

2. Il y a ici une erreur. Le prince Antoine-Henry de Radziwill, gouverneur du grand-duché de Posnanie dont il est ici question, avait épousé en 1796 la princesse Frédérique-Dorothée-Louise, fille de Ferdinand, prince de Prusse, et petite-fille du roi Frédéric-Guillaume fer. Il était donc, par alliance, cousin issu de germain du roi Frédéric-Guillaume III.

[ocr errors]

dant une réponse de votre Majesté, a refusé d'autres propositions qui lui ont été faites. - J'en ai aussi refusé une1. Le roi d'Espagne m'a fait demander ma sœur. Mais prévenu qu'elle devait avoir avec elle sa chapelle, et que c'était là une condition nécessaire, il a rétracté sa demande. Par la conduite du roi catholique, Votre Majesté voit à quoi est obligé le roi très chrétien. Le roi a pensé qu'il fallait laisser finir les affaires du congrès, avant de traiter l'autre. — Je voudrais savoir à quoi m'en tenir. Sire, les derniers ordres que j'ai reçus sont conformes à ce qui a été dit à Votre Majesté, par le général Pozzo. Pourquoi n'exécutez-vous pas le traité du 11 avril? Absent de Paris depuis cinq mois, j'ignore ce qui a été fait à cet égard. Le traité n'est pas exécuté, nous devons en réclamer l'exécution; c'est pour nous une affaire d'honneur; nous ne saurions, en aucune façon, nous en départir. L'empereur d'Autriche n'y tient pas moins que moi, et soyez sûr qu'ilest blessé de ce qu'on ne l'exécute pas. - Sire, je rendrai compte

3

de ce que Votre Majesté me fait faire observer à Votre Majesté se trouvent les pays qui avoisinent la France, et particulièrement l'Italie, il peut y avoir du danger à fournir des moyens d'intrigue aux personnes que l'on peut croire disposées à en former.»

l'honneur de me dire. Mais je dois que dans l'état de mouvement où

1. Variante...mais j'ai été en même temps refusé.

2. Supprimé dans le texte des archives.

3. Variante: ...vous me failes.

4. Variante...mais je dois observer que...

5. Variante ...que l'on doit croire.

6. Ces dernières phrases se rapportent à l'empereur Napoléon auquel le gouvernement français ne faisait pas payer les sommes qu'il s'était engagé, par le traité du 11 avril 1814, à lui faire remettre. (Note de M. de Bacourt.)

Enfin nous sommes revenus à Murat. J'ai rappelé brièvement toutes les raisons de droit, de morale et de bienséance qui doivent unir l'Europe contre lui. J'ai distingué sa position de celle de Bernadotte, qui touche particulièrement l'empereur; et à l'appui de ce que j'ai dit, j'ai cité l'Almanach royal que je venais de recevoir. Il m'a prié de le lui envoyer en ajoutant « Ce que vous me dites là me fait le plus grand plaisir. Je craignais le contraire, et Bernadotte le craignait beaucoup aussi.» L'empereur s'est ensuite exprimé sur Murat avec le dernier mépris : « C'est, a-t-il dit, une canaille qui nous a tous trahis. Mais, a-t-il ajouté, quand je me mèle d'une affaire, j'aime à être sûr des moyens de la conduire à bien. Si Murat résiste, il faudra le chasser. J'en ai parlé1 avec le duc de Wellington. Il pense qu'il faudra des forces considérables et que, s'il s'agit de les embarquer, on trouvera de grandes difficultés. » J'ai répondu que ce n'était pas des forces que je demandais (car je sais qu'on me les aurait refusées), mais une ligne, une seule ligne dans le futur traité, et que la France et l'Espagne se chargeaient du reste; sur quoi l'empereur m'a dit : « Vous aurez mon appui. >>

2

Dans tout le cours de cette conversation, il a été froid; mais au total, j'ai été plutôt content de lui que

mécontent.

Lord Castlereagh m'a aussi parlé avec chaleur du traité du 11 avril, et je ne doute point qu'il n'en parle à Votre Majesté. Cette affaire s'est ranimée depuis quelque temps et est aujourd'hui dans la bouche de tout le monde. Je dois dire à

1. Variante: ...a-t-il ajouté.

2. Variante...l'empereur a été froid.

Votre Majesté qu'elle reparaît souvent et d'une manière déplaisante. Son influence se fait sentir dans la question du Mont de Milan, qui intéresse tant de sujets et de serviteurs de Votre Majesté.

Au reste, il m'est venu à l'idée que Votre Majesté pourrait se débarrasser de ce qu'il peut y avoir de plus pénible dans l'exécution du traité du 11 avril, au moyen d'un arrangement avec l'Angleterre.

Dans les premiers temps de mon séjour ici, lord Castlereagh m'exprima le désir que la France voulût dès à présent renoncer à la traite, offrant en ce cas quelque dédommagement. Les dédommagements pécuniaires sont, en général, en Angleterre plus faciles que d'autres. Je crus qu'alors il était nécessaire d'éluder cette proposition, sans la repousser péremptoirement, et en se réservant de la prendre en considération plus tard.

Dernièrement, en parlant de Murat, et du sort qu'on ne pourrait se dispenser de lui faire, si, l'Europe ayant prononcé contre lui, il se soumettait à sa décision, lord Castlereagh n'hésita point à me dire que l'Angleterre se chargerait volontiers d'assurer une existence à Murat, en lui assignant une somme dans les fonds anglais, dans le cas où la France consentirait à renoncer à la traite. Si un tel arrangement était jugé praticable, je ne doute pas qu'il ne fût aisé de faire comprendre dans les payements à la charge de l'Angleterre les pensions stipulées par le traité du 11 avril.

Cet arrangement, à cause de la passion des Anglais pour l'abolition de la traite, aurait certainement l'avantage de lier étroitement l'Angleterre à notre cause dans l'affaire de Naples et de l'exciter à nous y seconder de toute façon.

Il reste à savoir si dans l'état présent de nos colonies, la France, en renonçant à la traite pour les quatre ans et trois mois qu'elle a encore à la faire, ferait un sacrifice plus grand ou moindre que l'utilité que l'on peut se promettre de l'arrangement dont je viens de parler. C'est ce que j'ose prier Votre Majesté de vouloir bien faire examiner, afin de pouvoir faire connaître ses intentions sur ce point à lord Castlereagh, qui ne manquera probablement pas de lui en parler.

J'aurais désiré que le traité du 3 janvier qui, le congrès fini, se trouvera sans application, eût été prorogé pour un temps plus ou moins long, ne fût-ce que par une déclaration mutuelle. Il y a trouvé des difficultés, le caractère de M. de Metternich ne lui donnant aucune confiance. Mais il m'a assuré que quand le traité serait expiré, l'esprit qui l'avait dicté vivrait encore. Il ne veut, avant tout, donner aucun ombrage aux autres puissances du continent, ce qui ne l'empêche pas de désirer qu'une grande intimité s'établisse entre les deux gouvernements et qu'ils ne cessent point de s'entendre dans des vues de paix et de conservation. En un mot, il a quitté Vienne avec des dispositions que je dois louer, et dans les quelles il ne peut qu'être confirmé par tout ce qu'il entendra de la bouche de Votre Majesté.

Je m'aperçois que ma lettre est immense, et je crains bien que Votre Majesté ne la trouve trop longue pour ce qu'elle contient. Mais j'aime mieux encore courir le risque de trop m'étendre que de supprimer des détails que Votre Majesté pourrait juger nécessaires.

Par le prochain courrier, j'aurai l'honneur de lui adresser les traités de la coalition, que je suis parvenu à me procurer. Lorsque Votre Majesté en aura pris connaissance, je la sup

« PreviousContinue »