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blique, sans l'autorisation du gouvernement, en observant les formes et les conditions prescrites pour la modification de leurs statuts. >>

un manque d'équilibre entre les ressources et les charges sur lesquelles elles reposent. Il ne peut être question de soumettre ces entreprises ou sociétés à un contrôle uniforme. Elles affectent les formes les plus variées et les périls auxquels elles exposent les épargnants ne présentent pas la même intensité suivant l'organisme dont elles se sont pourvues.

Ces diverses manifestations de l'esprit d'épargne peuvent se ramener à deux types fondamentaux, pour lesquels sont proposées deux réglementations différentes, avec un contrôle de l'État plus atténué pour le deuxième type que pour le premier. Aussi dans les deux premiers titres, le projet a-t-il nettement séparé d'une part, les entreprises de capitlaisation, qui contractent en échange des versements qu'on leur fait des engagements fixes et déterminés, et d'autre part les sociétés d'épargne, dont le caractère propre est de gérer un ensemble de placements pour la collectivité des épargnants et par conséquent de ne prendre à l'égard de ceux-ci aucun engagement fixe.

Les entreprises de capitalisation réglementées dans le titre premier montrent un établissement indépendant en présence de l'ensemble des porteurs de bons, de contrats ou de polices qui ont souscrit auprès de lui des titres d'épargne. De ces rapports échangés entre débiteurs et créanciers peut naître une opposition d'intérêts qui doit être attentivement surveillée. Par exemple, moyennant des versements répétés de 1 franc par mois pendant un temps prévu, ou moyennant un versement unique, l'entreprise s'engage à rembourser à l'intéressé une somme de 100 ou de 200 francs au terme de ce temps ou à une époque plus lointaine, également spécifiée. Le délai du contrat est généralement long: il y a des entreprises qui l'ont porté jusqu à 99 ans. Une clause usuelle des polices consacre la faculté de rachat. Ces entreprises peuvent se former en société en nom collectif ou en commandite, de même qu'elles peuvent reposer sur un seul individu. Le plus communément elles sont constituées en sociétés anonymes, et leurs bénéfices se partageront entre les actionnaires. Quelquefois aussi elles prennent la forme de sociétés mutuelles, avec promesse de somme fixe, ce qui les rapproche et les distingue tout à la fois du type des sociétés d'épargne décrit et réglementé dans le titre deuxième dont il sera reparlé plus loin.

Plusieurs de ces entreprises ont sombré en laissant de tristes souvenirs. Les pertes qu'elles ont fait éprouver à l'épargne ont dénoncé chez elles des vices sérieux de gestion et une organisation financière intérieure tout à fait défectueuse.

On a appliqué en substance à ces entreprises le système d'enregistrement et de contrôle déjà organisé pour les entreprises d'assurances sur la vie par le projet actuellement rapporté à la Chambre des députés.

Cette extension aux œuvres de capitalisation de l'intervention des pouvoirs publics, qui était limitée jusqu'à présent aux entreprises d'assurances sur la vie, paraît une innovation désirable. Elles jouissent, en l'état actuel de la législation, de la plus absolue liberté, à la seule condition d'observer, si elles sont constituées par actions, les lois du 24 juillet 1867 et du 1er août 1893. Cette liberté prête manifestement aux abus. La raison d'être du contrôle de l'Etat sur les assurances sur la vie ne consiste pas seulement, en effet, dans la vérification nécessaire des tables de mortalité employées, mais aussi dans la vérification de la quotité d'intérêt allouée aux fonds des versements. Or, tel est également le problème qui se pose, dégagé alors bien entendu de toute considération empruntée à la durée de la vie humaine à l'égard des sociétés de capitalisation.

Leurs bases financières reposent sur le calcul du taux d'intérêt qui puisse repré

Décret du 22 JANVIER 1868,

Portant règlement d'administration publique pour la constitution
des sociétés d'assurances.

ART. 1er.

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TITRE Ier

Des sociétes anonymes d'assurances à primes.

Les sociétés anonymes d'assurances à primes sont soumises aux senter, au terme de la période de capitalisation, la somme que l'entreprise s'est engagée à rembourser, partant sur le calcul de la prime elle-même à réclamer aux souscripteurs. Encore le public simpliste n'est-il pas en mesure de pratiquer ce contrôle. Il est à craindre que l'entreprise ne leurre sa clientèle d'un intérêt excessif de 4 à 5 0/0 par exemple, que l'état du marché des valeurs ne permettra pas d'atteindre ce qui aura pour conséquence des tarifs trop faibles auxquels s'amorcera le public sans prévoir que la société fondée sur de pareilles bases devra suspendre ses payements. Il est à craindre encore que l'entreprise ne fasse pas emploi des versements en placements solides et qu'elle dirige ses capitaux sur des valeurs sujettes à péricliter.

Dans ces conditions, il a paru logique à la Commission de proposer entre les socié tés d'assurances sur la vie et les entreprises de capitalisation un régime similaire. L'assuré et le porteur de bons de capitalisation sont animés d'un même esprit. Ils font tous deux œuvre d'épargne, sans pouvoir vérifier la marche de l'établissement qui fait fructifier leurs fonds. Ils se lient par un contrat à long terme, ils appartiennent en majeure partie à des sphères sociales auxquelles la faillite porterait un coup sensible. Le devoir de la loi est de fournir à cette clientèle qui a obéi à un sentiment de prévoyance des garanties sérieuses contre une catastrophe où disparaîtrait leur épargne.

D'autre part, qu'il s'agisse de sociétés d'assurances ou de capitalisation, l'exploitation se développe dans des conditions bien différentes de celles des autres entreprises. Le plan qu'elles ont à suivre est tracé d'avance: les versements ont une affectation nécessaire et en quelque sorte automatique. Il faut qu'ils soient immédiatement convertis en placements formant réserve mathématique, et que, à tout moment pendant le cours du contrat, la valeur réalisable de ces placements couvre la valeur actuelle de la créance. C'est seulement sur le choix des titres dignes de figurer dans le portefeuille que l'appréciation s'exercera. Le projet confie au gouvernement le soin de limiter par décret la nature des placements. Mais on peut s'en fier à son libéralisme pour faire aussi large que possible le cadre des valeurs autorisées. Il n'y a qu'à se reporter à la loi des Caisses d'épargne, à celle des sociétés de secours mutuels, à la révision dernière des statuts des compagnies d'assurances ainsi qu'à celle de l'art. 5 du règlement du 22 janvier 1868, pour répondre d'avance de sa modération. Sur les autres points, la seule cause de gêne sera dans l'obligation de maintenir l'équilibre des comptes par l'adoption de tarifs de capitalisation non trompeurs, et par une péréquation de l'actif et des charges. Cette obligation est retenue par le projet comme dérivant de la nature même des choses. Il est superflu de donner un commentaire détaillé des art. 1 à 15, du moment qu'ils sont inspirés par les articles correspondants du projet sur les assurances, tels qu'ils résultent du texte arrêté par la Commission de la Chambre des députés, et qu'ils les reproduisent, sauf à tenir compte de l'absence de calculs de mortalité, ainsi que d'une moindre importance financière de ces nouvelles sociétés. Un résumé laissera suffisamment ressortir les points d'assimilation et les points de divergence.

Points identiques. L'entreprise de capitalisation, quelle que soit sa forme,

dispositions des lois relatives à cette forme de sociétés et, en outre, aux conditions ci-après déterminées. Elles ne peuvent user des dispositions du titre III de la loi du 24 juillet 1867, particulières aux sociétés à capital variable.

sera sujette à un enregistrement préalable au Journal officiel de la demande qu'elle aura faite de fonctionner au ministre du commerce. La demande a dû être accompagnée du dépôt des statuts, des calculs de capitalisation, ainsi que des tarifs (1). Pourvoi pour excès de pouvoir ouvert aux intéressés dans le cas où l'enregistrement serait refusé pour une cause autre que l'irrégularité des tarifs ou l'atteinte aux lois (2) ;

Formation d'une réserve de garantie (3);

Emploi des versements en placements de l'ordre de ceux autorisés par décret (4), en laissant en principe à ces placements la forme nominative, et de manière que le total de cet actif corresponde à tout moment à la réserve mathématique, soit à l'ensemble des contrats pris à leur valeur actuelle (5);

Droits conférés à l'administration, en cas d'écarts notables ou répétés entre le taux des placements réels, et celui qui avait été admis dans les tarifs, d'imposer une rectification de ceux-ci et un appel complémentaire de versements même pour le passé (6);

Privilège général attribué aux épargnants sur l'ensemble de l'actif, à concurrence des réserves mathématiques et de la réserve de garantie, en classant ce privilège au septième rang de l'art. 2101 (7);

Contrôle des opérations de ces entreprises par des commissaires-contrôleurs, sur pièces comptables et même sur place (8);

Communication annuelle au ministère d'un compte rendu des opérations et de l'état comparé du taux des tarifs et du taux des placements (9).

Retrait possible de l'enregistrement, si l'entreprise ne fonctionne plus en conformité des lois, décrets ou arrêtés ou de ses statuts (10).

Extension de ce régime aux sociétés étrangères dans la mesure où le fait déjà le projet relatif aux assurances (11);

Pénalités consistant en amendes administratives ou correctionnelles selon les cas et à l'égard de certains faits frauduleux en un emprisonnement, pour les infractions commises aux principales dispositions de la loi (12) ;

Attribution au Comité consultatif des assurances sur la vie, en ce qui touche les sociétés de capitalisation, de pouvoirs correspondant à ceux que le premier projet lui confère, son personnel devant s'augmenter de deux membres, soit d'un représentant des entreprises de capitalisation et d'un représentant des sociétés d'épargne (13).

Telles sont les prescriptions puisées dans le projet des assurances et qui seraient

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(11)

(13)

28.

premier; art. 6, alinéa 1; art. 7, alinéa 2; art. 8; art. 9, 6o; art. 11.

(12) 13 et 14.

ART. 2.

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La société n'est valablement constituée qu'après le versement d'un capital de garantie qui ne pourra, en aucun cas et alors même que le capital social est moindre de 200.000 francs, être inférieur à 50.000 francs. ART. 3. L'art. 3 de la loi du 24 juillet 1867, relatif à la conversion des ac

transportées aux sociétés de capitalisation.

Points de divergences. Les seules particularités par lesquelles le projet nouveau tend à faire aux entreprises de capitalisation un sort différent de celui des sociétés d'assurances, sont les suivantes :

1o Si ces entreprises se constituent en sociétés mutuelles, leur capital de garantie minimum sera de 100.000 francs au lieu de 200.000. Si elles se constituent en sociétés par actions, leur capital sera d'un million au moins, au lieu de deux millions, et les actions, nécessairement nominatives, ne pourront être libérées de plus de moitić (1). Il est bon qu'il reste dû sur les titres un complément, gage plus sûr, selon les circonstances, que des valeurs sujettes à fluctuations. De plus, la crainte d'indisposer les actionnaires par un appel de fonds servira de modérateur aux écarts de gestion des administrateurs. Cet appel de la seconde moitié, au cas où la première se trouve absorbée, donnera ouverture à la dissolution (2);

2o Les décrets fixeront le taux d'intérêt maximum d'après lequel seront calculés les tarifs de versements, de peur que l'entreprise n'allèche sa clientèle par une faiblesse de primes disproportionnée au rendement annoncé. Quant au chargement de ces primes pour frais de gestion, il y aura lieu d'établir à la fois le minimum auquel l'entreprise devra et le maximum auquel elle pourra porter ce chargement. A trop élever la redevance on risque d'exploiter les épargnants; à trop la descendre, on court au devant du déficit. C'est en conformité des décrets que le ministre, saisi de la demande aux fins d'enregistrement, dirigera son contrôle sur ce double élément (3);

3o Il n'a pas été fixé de limite au chiffre de la contribution pour laquelle les entreprises de capitalisation concourront, chacune au prorata du montant annuel de ses recettes, au remboursement des frais de surveillance administrative (4);

4o Les souscripteurs, pourvu qu'ils se réunissent au nombre de 100, pourront demander à tout moment et à leurs frais au juge de paix une expertise, par requête, sur la situation financière de la société (5);

5. Il est assigné aux contrats de capitalisation un maximum de durée de 50 ans, sous réserve de ce qui sera expliqué ci-dessous (6);

6o Si le retard dans les versements emporte déchéance, les statuts devront s'en expliquer; et cette déchéance ne pourra se réaliser que quinze jours au moins après une mise en demeure par lettre recommandée. La retenue dont sera passible la réserve mathématique du souscripteur déchu ne pourra dépasser 10 pour 100 (7);

II

La partie la plus délicate de la réglementation des entreprises de capitalisation concerne la question de l'amortissement de leurs contrats par voie de tirage au sort question réglée par l'art. 4 du projet.

La plupart des entreprises ont organisé des tirages qui laissent espérer aux sous

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tious en actions au porteur, n'est applicable aux sociétés d'assurances à primes que si le fonds de réserve est égal au moins à la partie du capital social non encore versée, et s'il a été intégralement constitué.

ART. 4. La société est tenue de faire annuellement un prélèvement d'au

cripteurs le remboursement de leurs bons par anticipation. Elles amortissent, tous les trois ou six mois, par exemple, un certain nombre de polices, ce qui peut procurer à un souscripteur favorisé par le sort le payement des 500 francs formant le montant nominal de son contrat, alors qu'il n'avait encore versé que quelques primes modiques.

Cet appât de clientèle par les tirages passe pour être devenu un facteur presque indispensable de réussite pour les entreprises de capitalisation; en s'engageant à échéance ferme, la société, si elle est honnête, ne recrutera pas de nombreux souscripteurs; car c'est à peine si elle pourra rivaliser avec les caisses publiques d'épargne.

Ces tirages au sort ont donné lieu à de coupables exploitations. Des industriels ont répandu des tableaux d'amortissement que l'insuffisance des primes mettait d'avance dans l'impossibilité d'exécuter. L'entreprise faisait faillite dans des conditions mêlées de charlatanisme ou d'escroquerie. La jurisprudence a été appelée à statuer sur la légalité de ces tirages. Tombent-ils ou non sous les dispositions répressives de la loi du 21 mai 1836 interdisant les loteries?

Il est intervenu à la dernière époque deux arrêts de la Cour de cassation, l'un de la Chambre des requêtes en date du 18 décembre 1899, l'autre de la Chambre criminelle du 24 avril 1902, entre lesquels on a cru voir un désaccord de principes, mais qui, en réalité, statuaient sur des circonstances de fait différentes. L'opinion a été particulièrement émue par le second de ces deux arrêts, qui reconnaît licites les bons remboursables par tirages, pourvu qu'ils le soient tous par la même somme. On a craint que cette décision ne servit les plans d'entrepreneurs de capitalisations peu consciencieux et la pensée d'interdire ces remboursements en leur appliquant la loi de 1836 dans toute sa rigueur est entrée dans un certain nombre d'esprits.

La Commission n'a pas cru devoir proscrire cette pratique dans son principe. Autrement, elle aurait condamné la plupart des entreprises de capitalisation à entrer en liquidation, faute de clientèle.

La capitalisation, même avec le jeu des tirages, est respectable, dès l'instant qu'on fait concourir l'action du placement avec celle du hasard, en réléguant le hasard au second plan.

Toutefois, ces opérations, pour ne point faire de dupes, doivent être soumises à une réglementation spéciale. Il faut notamment qu'elles soient établies sur des bases financières répondant de leur exécution. De là, la triple restriction que l'art, 4 leur impose :

1o La durée maxima de capitalisation, que le projet avait fixée à 50 ans pour les contrats à échéance ferme, est abaissée à 25 ans pour les contrats remboursables à époque aléatoire. Ainsi seront frappés les bons amortissables en 99 ans, d'où est absent l'esprit d'épargne. Car, si un homme épargne pour ses enfants, il est inconcevable qu'il le fasse pour sa deuxième ou troisième génération. Cette pratique tablait sur l'aléa des tirages et favorisait la réclame des entreprises de pure surface;

2o Le montant du remboursement sera le même pour tous les contrats de même série, à quelque échéance que ce remboursement doive s'effectuer. Ce principe d'égalité a été jusqu'à présent en jurisprudence la sauvegarde des polices de capilisation contre l'inculpation de loter ies véritables.

Toutefois, le projet ne tient pas rigueur aux combinaisons établissant des chiffres

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