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AN 4.

CHAPITRE XIII.

Le maréchal de Wurmser se réfugie dans

Mantoue.

LES Autrichiens apprirent, le 23 au soir,

l'arrivée de Massena dans Vicence; n'ayant pas un instant à perdre pour éviter d'être coupés et forcés de mettre bas les armes, ils filèrent toute la nuit le long de l'Adige, et passèrent cette rivière à Porto Legnano, qu'ils occupaient depuis l'invasion de Wurmser en Italie, et dont on avait négligé de faire le siège après la bataille de Castiglione.

On compte cinquante milles de Porto Legnago à Mantoue ; il faut traverser la Nichasola, le Menago, le Tartaro, le Tregnone et la Molinella. La division de Massena passa l'Adige à Ronco, sur un pont volant, le 24 au soir; elle avait ordre de se porter rapidement à Sanguinelto, entre le Tregnone et le Menago, pour couper le passage à Wurmser, tandis que le général Sahuguet, qui commandait le blocus de Mantoue, devait envoyer les troupes suffisantes pour garder Governolo Castelnara, et couper tous les ponts sur le Tartaro et la Molinella.

Pour se rendre de Ronco à Sanguinelto, i

il

y a deux chemins ; l'un par la gauche, on sui1796. vant l'Adige, coupe à Cerca la route de Porto

Legnano à Mantoue ; l'autre conduit directement de Ronco à Sanguinelto: il fallait prendre ce dernier chemin. Les guides, auxquels on se confia, conduisirent les Français sur Cerca, où l'avant-garde arriva, lorsque les Autrichiens passaient le Menago.

Wurmser marcha toute la nuit du 25 au 26 sur Mantoue, avec une telle rapidité, mettant ses fantassins en croupe derrière ses cavaliers, qu'il arriva à Nogara, sans que la division de Massena, qui le suivait, pût le joindre. Il apprend qu'une division française l'attend à Castelnara, et que le pont sur la Molinella est coupé. Il se porte rapidement sur celui de Villa Impensa; il y arrive au moment où le général Charton venait pour le couper. Il s'engagea un combat très-vif dans le quel Charton ayant été tué, les Autrichiens passèrent la rivière. Ils entrèrent dans Mantoue le 27.9.

Tout ce que l'activité et la prudence pouvaient exécuter pour forcer le général autrichien à poser les armes, avec les restes de l'armée, impériale, fut entrepris par Bona parte. Ses infatigables divisions n'eurent pas un instant de repos. Les quatre jours qui suivirent la bataille de Bassano, ne furent qu'une suite perpétuelle de combats.

Si une grande chasse dans laquelle des meutes ardentes poursuivent un vieux et ter Ax 4. rible sanglier, peut jamais être une image de la guerre, ce serait sur-tout à cette époque de la guerre d'Italie qu'elle ressemblerait. Si les guides avaient mieux dirigé la route de Ronco, à Sanguinelto, et sur-tout si le général Sahuguet avait fait couper à tems le pont de Villa Impensa, il est certain que Wurmser n'avait aucun moyen de salut. Mantoue, sans ressources, aurait capitulé ; et le peu de troupes autrichiennes qui se trouvaient encore dans le Frioul autrichien, et même dans le Tyrol, auraient été forcées de se rendre aux Français. La ville de Porto Legnano fut prise par la division d'Augereau, le jour où Wurmser entrait dans Mantoue.

CHAPITRE XIV.

Sentimens excités, en Italie, par l'arrivée du maréchal Wurmser.

A LA nouvelle des premiers succès: obtenus:

par les Allemands., les habitans de Milan, de Bologne, de Ferrare, et de quelques autres villes, montrèrent leur attachement à la cause des Français et de la liberté. A Milan, tandis que le bruit courait que le maré

chal Wurmser, ayant entiérement défait les 1796. Français, entrait dans Bassano, le peuple demandait des armes et chantait dans les rues l'air martial: Allons, enfans de la Patrie. Mais dans d'autres endroits, et sur-tout dans ceux qui avaient approuvé la révolte de Lugo, les partisans des Autrichiens, persuadés que la victoire avait irrévocablement abandonné les drapeaux des Français, secondaient, de toute leur influence, des événemens dont ils espéraient qu'une contre-révolution serait la suite. On répandait dans les villes et dans les campagnes les écrits les plus propres à volcaniser les peuples; la plupart de ces écrits venaient de Rome.

Depuis la signature de l'armistice, Miot, qui résidait à Florence, en qualité de ministre de la république française auprès du Grand Duc, s'était rendu à Rome, en attendant l'arrivée de Cacault, chargé avec d'autres commissaires de la république, de tous les détails concernant l'exécution des articles convenus entre les ministres du Pape et Bonaparte. Pour se procurer les sommes dont il avait besoin, le Pape eut recours aux dépositaires des richesses enfermées dans les églises; il leur fut ordonné de livrer, dans l'espace de quelques jours, un inventaire certifié et véritable des effets d'or et d'argent confiés à leur garde. Il n'y eut d'excepté que les vases indispen

sablement nécessaires à la célébration du service divin. Un autre édit soumettait à des dis- AN 4. positions à-peu-près semblables fous les possesseurs de métaux précieux. Les corps ecclésiastiques firent transporter leur argenterie à la monnaie; le Pape ne voulut pas d'exception en sa faveur, il fit le sacrifice de sa vaisselle d'argent; les cardinaux et les princes romains suivirent cet exemple; le prince Doria envoya pour cinq cent mille francs de vaisselle d'or ou d'argent.

Dans le même tems, le cardinal Zelada, secrétaire d'Etat, fit publier un édit dans lequel il représentait aux Romains que tous les motifs se réunissaient pour leur faire un devoir de traiter avec égard les Français que les affaires publiques conduisaient à Rome. Il leur observait que l'armistice obtenu était une faveur de la providence divine. En conséquence, il ordonnait à tous les individus, quels que fussent leur condition, leur âge, leur sexe, de ne se livrer à aucun mouvement inconsidéré, et de se défier des insinuations perfides qui pouvaient être faites. Il déclara que quiconque insulterait par ses actions ou par ses discours, même de la manière la plus légère, les commissaires français et les personnes qui leur étaient attachées, serait déclaré traître à sa patrie, et puni du dernier supplice; ceux dont les discours, les écrits ou les actions, VII.

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