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cadre britannique sur celle de Toulon, il crut intercepter toute communication entre Li- AN 4. vourne et la Corse, en s'emparant de la petite île d'Elbe, sur la côte de Toscane; cette île dépend de la principauté de Piombino, mais la ville de Porto-Ferraio appartient au grand duc de Toscane. Bonaparte avait négligé d'occuper cette ville, parce qu'il ne lui aurait pas été possible d'en secourir la garnison contre les forces navales d'Angleterre, et qu'il aurait exposé au hasard d'un siège des forces dont il avait besoin ailleurs.

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La flotte anglaise, forte de dix-sept vaisseaux de ligne et portant deux mille hommes de troupes de débarquement, parut, le 21 messidor sur les attérages de l'île d'Elbe. Les troupes débarquèrent, le 22, à un mille de Porto-Ferraio ; et ayant établi sur les hauteurs qui dominent cette place, une batterie de canons et de mortiers, deux officiers anglais s'avançèrent vers les gardes extérieures, et présentèrent une lettre (1) adressée au gou

(1) Les troupes françaises aya nt occupé la ville et le port de Livourne, les canons de la forteresse ayant tiré sur les vaisseaux du roi, dans la rade, et les propriétés britanniques ayant été violées dans Livourne, malgré la neutralité de son altesse royale le grand duc de Toscane, et malgré les protestations réitérées des Français de la respecter; il y a aussi lieu de croire que les Français ont les mêmes desseins sur la forteresse de PorVII.

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verneur par le vice-roi de Corse, qui conte1796. nait les motifs de l'expédition anglaise. Les

to-Ferraio, espérant par ce moyen faciliter les hostilités qu'ils méditent contre le royaume de Corse.

Ces motifs nous ont déterminés à prévenir les injustes prétentions des ennemis du roi, aussi hostiles envers son altesse royale qu'à l'égard de sa majesté, en plaçant dans Porto-Ferraio une garnison capable de défendre cette place. Notre unique dessein étant d'empêcher l'occupa tion de toute l'île d'Elbe par les Français, nous vous ordonnons de recevoir les troupes de sa majesté qui se présenteront aux conditions suivantes :

Porto-Ferraio et ses dépendances resteront sous le gouvernement du grand duc; le pavillon toscan ne cessera pas d'y être arboré; l'administration ne sera altérée d'aucune manière; les personnes, les propriétés et la religion de tous les habitans seront respectées; les commandans anglais veilleront à ce que leurs troupes observent une rigoureuse discipline.

Les officiers et soldats composant la garnison toscane, continueront de faire le service, s'ils le jugent à propos. Tous les employés, civils et militaires, seront conservés dans leurs emplois, en continuant à se bien conduire. Ces conditions seront observées autant que la chose sera compatible avec la sureté de la place.

Nous promettons, au nom de sa majesté, de la manière la plus solemnelle, de faire retirer les troupes britanniques, et de remettre la place entre les mains de son altesse royale, dans l'état où elle se trouve aujour d'hui, à l'époque de la paix, aussitôt que tout danger d'invasion de la part des Français aura cessé.

Si vous refusez d'adhérer à ces propositions, aussi conformes aux intérêts de son altesse royale, que justes et nécessaires pour notre cause, l'officier, chargé de l'expédition, a des ordres et des moyens suffisans pour

officiers-militaires et civils, les consuls et viceconsuls des nations étrangères, et les chefs des AN 4. principales familles assemblés en conseil commun, reconnaissant que la place ne pouvait faire qu'une vaine résistance, les troupes anglaises furent introduites.

Cet événement, auquel Gilbert Elliot paraissait mettre beaucoup d'importance, n'influa d'aucune manière sur le sort de la Corse. Le nombre des partisans de l'Angleterre dans cette île diminuait avec tant de rapidité, que le vieux Paoli craignant de tomber dans les mains des Français, avait quitté furtivement un pays dans lequel il joua long-tems le premier rôle, pour aller cacher ses cheveux blancs en Angleterre.

forcer la place; et, dans ce cas, le droit que donnera l'occupation, ne sera limité que par les lois de la

guerre. Ne doutant pas que votre prudence et votre attachement aux véritables intérêts de son altesse royale, ne vous portent à consentir au seul expédient qui puisse lui conserver Porto-Ferraio, et éloigner de l'île d'Elbe le plus cruel des fléaux ; j'ai l'honneur d'être, etc.

Accepté, à condition que si la place est assiégée dans la suite, la garnison et les habitans seront neutres; que, la ville étant actuellement dépourvue de comestibles, les commandans anglais en procureront que les habitans pourront acheter ; et que les magistrats auront le tema convenable pour préparer les quartiers nécessaires pour les troupes anglaises, qui, dans aucun cas, ne seront logées dans les maisons des particuliers.

Cet homme qui avait occupé les cent voix 1796. de la renommée, en défendant son pays contre les Génois, et en décorant sa patrie de monumens utiles, avait perdu une partie de l'intérêt qu'il inspirait; lorsque, plus occupé de sa fortune que de ses concitoyens, il les abandonna, en 1769, pour se réfugier à Londres. Depuis lors il reçut une pension de la part du gouvernement anglais. L'état de sa fortune lui permettait de la refuser, s'il avait eu plus de vertu que d'amour pour l'argent.

Oublié pendant vingt ans, un décret de l'assemblée constituante le rendit à la vie active. Ce décret annullait la proscription prononcée par l'ancien gouvernement français contre les compagnons de sa fuite, et leur réintégration dans leurs possessions_confisquées. Paoli, en le lisant, s'écria que sa patrie lui était enfin restituée, qu'elle avait, comme la France, recouvré sa liberté ; que, n'ayant jamais combattu que pour la lui procurer, il irait en jouir dans l'héritage de ses pères.

AN 4.

CHAPITRE XVIII.

Pouvoir de Paschal Paoli dans l'île de Corse.

PASCHAL PAOLI passe, en conséquence,

de Londres à Paris, excite un enthousiasme universel, sur-tout lorsqu'au sein de l'assemblée constituante, il voulut prêter le serment civique. Chacun le regardait comme un martyr de la liberté. On se hâta de le combler d'honneurs et de l'envoyer commander en Corse. Le général Biron, nommé gouverneur de cette île, fut indirectement invité de ne pas se rendre à Bastia, afin que Faoli jouît pleinement de l'autorité dont l'investissait la confiance nationale.

A peine Paoli était en Corse, qu'on fut informé, à Paris, qu'il propageait dans l'ile des idées d'indépendance politique contraires aux liens qui attachaient la Corse à la France. Le gouvernement français, alors occupé d'intérêts bien plus importans, fit peu d'attention à des avis qu'on pouvait attribuer aux ennemis que l'envie attache aux pas des hommes publics. Paoli eut toutes les facilités de relever son ancien parti, d'écarter de l'administration publique ceux qui l'avaient abandonné les premiers, pour se soumettre à la France

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