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les rebelles; ils refusèrent de prendre les armes. Un bataillon corse qu'on voulait faire An 4. embarquer pour Ajaccio, se dispersa au moment de l'embarquement.

CHAPITRE XX.

L'île de Corse rentre sous la domination de la république française.

DANS

ANS cette circonstance la conquête de Porto - Ferraio, loin d'augmenter la force d'Eliot, lui était au contraire préjudiciable, en ce que l'île d'Elbe, qui ne produit que du fer, tire la plus grande partie de ses subsistances de la Toscane. Les Français, maîtres de Livourne, refusaient de laisser passer des vivres à Porto-Ferraio, depuis que les Anglais en étaient les maîtres. Cette rigueur augmentait les embarras du vice-roi de Corse, qui fournissait des subsistances à l'armée navale avec des peines infinies. Il eût abandonné ce rocher aride et insignifiant, si une espèce de forfanterie politique ne l'eût attaché au succès d'une expédition qui couvrait la honte que ressentaient les Anglais de se voir expulsés de Livourne.

Au surplus, la garnison exigée par Porto

Ferraio, en diminuant les forces des Anglais 1796. en Corse, augmentait la consistance que prenaient les mécontens dans une occurrence où les moyens de vigueur dont usait l'administration pour se procurer des vivres, augmentaient la masse du mécontentement.

L'insurrection s'était propagée dans le centre de l'île et dans les départemens du Golo. Les garnisons anglaises étaient réduites à ne pas oser sortir de leurs quartiers; enfin le viceroi, dans une tournée qu'il voulut faire dans l'île, fut fait prisonnier. On ne lui rendit la liberté qu'à condition qu'il retirerait toutes ses troupes des communes intérieures, où l'on ne reconnaissait plus l'autorité britannique.

L'impossibilité où se trouvait Elliot de se procurer des subsistances, le décida non-seulement à adopter cette mesure, mais il se vit réduit à déclarer à la ville de Bastia qu'il était résolu d'évacuer la Corse, pourvu que l'embarquement de tous les effets appartenans aux Anglais ne fût pas troublé par les Corses. Une députation de cette ville vint aussitôt prévenir le commandant français de Livourne de cette proposition.

En vain les Anglais, maîtres de Porto-Ferraio, se vantaient de bloquer les ports de la Toscane; jamais ils n'avaient pu interrompre la communication entre Livourne et la Corse. On envoyait aux insulaires de l'argent, des

armes, des munitions de guerre et des instructions; on leur fit même passer quelques' AN 4. troupes, et tout était disposé pour attaquer les Anglais dans les postes qui leur restaient encore, lorsque l'on sut que la flotte anglaise se disposait sérieusement à quitter les ports de l'île. Le général Gentili et le commissaire du pouvoir exécutif Salicetti furent chargés par Bonaparte d'y convoquer les assemblées primaires, pour présenter le code constitutionnel à leur acceptation.

Le 26 vendémiaire an cinq, le général Gentili profitant d'un gros tems qui avait forcé les vaisseaux anglais à s'éloigner de la côte, fit embarquer le général de brigade Casalta avec la vingt-huitième division de la gendarmerie nationale. Malgré la croisière serrée que les Anglais tenaient sur la mer de Toscane, les Français parvinrent dans l'île le 27. Ils furent joints aussitôt par un corps nombreux de Corses; on se porta sur Bastia, où on parvint le 29 au matin.

Casalta, maître des hauteurs qui dominent cette ville, somma sur-le-champ les Anglais de se rendre : ils étaient au nombre de deux mille. Craignant que les habitans n'ouvrissent les portes aux Français, ils prirent le parti de se retirer dans la citadelle, dont ils sortirent bientôt pour monter sur leurs vaisseaux. Casalta fondit sur leur arrière-garde, leur fit

neuf cents prisonniers, et s'empara d'une 1796. partie de leurs magasins, qu'ils n'avaient eu le tems d'embarquer.

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pas.

Les Français, maîtres de Bastia, et renforcés par un nouveau corps de Corses, se portèrent le jour d'après, avec deux pièces de canon, sur San-Fiorenzo que les Anglais occupaient encore. Ils s'étaient retranchés dans les gorges de San Germano; mais les Corses, accoutumés à gravir les rochers les plus escarpés, s'étant rendus maîtres des hauteurs qui les environnaient, ils furent obligés de se retirer dans la ville. Elle fut emportée malgré le feu de deux vaisseaux anglais, embossés près de l'endroit où Casalta dirigeait ses attaques.

Le général Gentili, le commissaire du gouvernement Salicetti et tous les réfugiés Corses qui restaient encore sur le continent, mîrent alors à la voile pour retourner dans leur patrie. Les vaisseaux anglais, loin de s'opposer à leur passage, étaient alors occupés à transporter à Porto-Ferraio leur vice-roi expulsé de Corse, avec les familles anglaises et les recrues d'Allemands et d'émigrés qu'ils avaient attirées dans cette île à si grands, à si inutiles frais.

En moins de trois semaines, il ne resta pas un seul Anglais en Corse: le régime constitutionnel, semblable à celui de France, y fut établi; cet événement fut annoncé au direc

toire par deux lettres, une du général Bonaparte, une autre du commissaire du gouvernement près de l'armée d'Italie (1).

(1) Lettre de Bonaparte. Vous trouverez ci-joint, citoyens directeurs, la lettre que je viens de recevoir du général Gentili. Il paraît, d'après elle, que la Méditerranée va devenir libre. La Corse restituée à la république offrira des ressources à notre marine, et même un moyen de recrutement à notre infanterie légère. Le commissaire du gouvernement Salicetti part ce soir pour Livourne, pour se rendre en Corse.

Le général Gentili commandera provisoirement les troupes. Je l'ai autorisé à mettre en réquisition plusieurs colonnes mobiles pour donner la force nécessaire au commissaire du gouvernement, et occuper les forteresses jusqu'à l'arrivée des troupes françaises. J'y envoie un officier d'artillerie et du génie, pour diriger ce qui concerne les fortifications.

L'expulsion des Anglais de la Méditerranée doit avoir une grande influence sur les succès ultérieurs de nos opérations en Italie.

Lettre du général Gentili. Citoyen général, vive la république! notre pays est rendu à la liberté. Le viceroi ayant annoncé qu'il allait évacuer la Corse, la commune de Bastia a formé, de suite, un comité qui a rendu la liberté à tous les prisonniers républicains, et a nommé une députation qui vient d'arriver avec celle de Cazinca et d'autres cantons, pour renouveler, au nom de tous nos concitoyens, le serment d'obéissance à la république française.

Je n'attendais, pour mettre à la voile, que le vent favorable, et je profiterai du premier qu'il fera, pour aller assurer à la république les places les plus considérables de l'île.

AN 4.

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