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l'Angleterre. Ses trésors se perdaient dans le continent, et les versemens continuels en AN 4. Allemagne produisaient une rareté de numéraire à Londres, qui gênait fortement les opérations des banquiers et du gouvernement. Les succès maritimes étaient loin de répondre aux dépenses qu'ils occasionnaient. Le commerce anglais mal protégé, les colonies troublées par les nègres, et inquiétées par les Français qui, sans forces navales et presque sans troupes, avaient su reprendre la Guadeloupe, menacer la Barbade et Saint-Vincent; l'expédition mal combinée et plus mal soutenue de Toulon ; la prise de possession de la Corse, pour l'abandonner ensuite: tout cela pouvait amener, sinon une révolution et une banqueroute, comme des gens à courte vue ne cessaient de l'annoncer en France, du moins un mécontentement général, capable de forcer le gouvernement d'embrasser un nouveau systême politique.

Les chances de la guerre gênant la spéculation mercantile dans toute l'Europe, il se présentait d'autant moins de débouchés aux denrées coloniales de l'Amérique et de l'Asie, dont regorgeait la ville de Londres, que ces objets étaient plus étrangers à la consommation des armées, dont les fournitures intéressaient principalement les forts capitalistes. On eût plutôt acheté les chevaux et les draps

anglais, , que le sucre, le café, le cacao et les 1796. soiries de l'Inde, dont les soldats ne faisaient aucun usage. Les Anglais soupiraient donc après la paix, tandis que leur gouvernement, pour éloigner les Français des bords de la Manche, prodiguait à l'empereur les trésors britanniques.

CHAPITRE II.

Traité d'alliance entre la France et l'Espagne, et entre la France et la république de Génes.

Les événemens de la guerre avaient déterminé la cour d'Espagne et le sénat de Gênes à contracter avec la France une alliance qui semblait devoir achever de détruire le commerce britannique.

Les partisans de la maison d'Autriche ne cessaient de répandre parmi le peuple génois les bruits les plus alarmans sur les dispositions des Français à l'égard de cette république. A les entendre, Bonaparte allait enlever aux Génois leurs biens, leurs armes, leur gouvernement, et même leur religion. Les prêtres, craignant de partager le sort éprouvé par le clergé de France, échauffaient l'imagination de la multitude par des cérémonies religieuses

motivées sur les dangers de la nation génoise. Les femmes se rassemblaient et visitaient en AN 4. troupe les Eglises, pour demander au ciel de les protéger contre les brigands. On publiait des miracles opérés par la Vierge; on faisait dans tous les sanctuaires des processions solemnelles pour obtenir la protection de Dieu et des Saints.

On ne manqua pas de-profiter de la levée du siège de Mantoue et des succès passagers obtenus par les Autrichiens, pour augmenter l'effervescence publique. Le terme des succès des armées républicaines était enfin arrivé, disaient les prédicateurs dans toutes les chaires. Les Français allaient être expulsés d'Italie ; Dieu, en permettant qu'ils y entrassent, ne s'était servi d'eux que pour rappeler les enfans de l'Eglise à la pénitence et aux autres vertus chrétiennes ; il les livrait au glaive de l'Ange exterminateur. Ces discours, dans l'esprit d'un peuple fanatique, pouvaient entraîner les plus cruels excès envers les Français ; ils commençaient même à produire ce terrible effet, lorsque la nouvelle subite des nouveaux succès de Bonaparte arrêta le cours des miracles, et ferma la bouche à ceux qui les publiaient.

Dans presque toutes les religions, les prêtres employèrent souvent leur ministère à égarer le peuple. Je ne ferai point parade d'une vaine érudition, pour appuyer cette vérité assez

1796.

démontrée par toutes les pages
de l'histoire,
et qui ne prouve autre chose, sinon qu'il n'est
'point d'institutions, toutes saintes, toutes né-
cessaires qu'elles soient dont les passions

humaines n'abusent.

Le gouvernement génois, convaincu que les mécontentemens éprouvés par les Français pourraient avoir les suites les plus funestes, envoya à Paris le noble Vincent Spinola en qualité d'envoyé extraordinaire auprès de la république française, pour serrer les liens d'amitié entre les deux gouvernemens. Ces liens ne devaient s'étendre qu'à une neutralité parfaite, et aux bons offices que deux peuples voisins pouvaient se rendre. Les Anglais, ne croyant pas qu'une petite république dont ils étaient en mesure de bombarder la capitale, osát se déclarer contre eux, continuaient à désoler le commerce français dans le golfe de Gênes. Trois vaisseaux de cette nation enlevèrent, le 20 fructidor, sur la côte voisine du faubourg de S. Pierre d'Aréna, une bombarde française, armée de deux pièces de canons et chargée de munitions de guerre pour l'armée d'Italie. Cette violation de territoire, commise sous les batteries de la ville, excita chez les Français une vive indignation; ils se précipitèrent sur la chaloupe envoyée dans le port par le vaisseau de ligne anglais, et l'enlevèrent en présence d'un poste génois

qui, loin d'écarter les Anglais, tira quelques
coups de fusil sur les Français. Une partialité AN 4.
aussi marquée était sur le point d'attirer sur
la ville les armées françaises. Dans cette cir-
constance, les collèges et ensuite le petit
conseil, forcés de donner la satisfaction qu'on
devait à la France, ordonnèrent que
les ports
de la république de Gênes seraient fermés
aux vaisseaux anglais, et séquestrèrent tous
ceux qui s'y trouvaient alors.

Dans le même tems, un traité d'alliance défensive et offensive était conclu, le deux fructidor, entre le gouvernement de France et celui d'Espagne. L'un et l'autre gouvernement promettaient d'armer, sur la demande de la puissance requérante, quinze vaisseaux de ligne, six frégates et quatre corvettes ou bâtimens légers, équipés et approvisionnés de vivres pour six mois. Ces forces navales devaient être rassemblées par la puissance requise dans celui de ses ports désigné par la puissance requérante.

Cet événement ne fit pas sur les Anglais l'impression qu'en attendait le gouvernement. de France; on n'y vit que les richesses du Mexique et les dépouilles espagnoles offertes à la fortune des marins anglais. Cet espoir popularisa la guerre, et donna au ministre Pitt des moyens qu'il n'osait espérer.

Le desir de se venger des Anglais et de

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