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plus médiocres et plus incertains. Leur dé1796. sespoir de n'avoir pas profité de la fortune, lorsqu'elle s'offrait à eux, augmentait à la vue de leurs camarades possédant les plus belles terres de France, logés dans de magnifiques palais, se montrant dans ces jardins enchantés, asyles des plaisirs, avec leurs maitresses couvertes de diamans et traînés dans des chars étincelans d'or.

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Quelques-uns d'eux persuadés, ou paraissant l'être, qu'une expropriation totale et universelle pouvait seule consolider la république, regardaient comme un acheminement à la royauté, tout gouvernement dans lequel quelques particuliers faisaient des fortunes immenses. La constitution de 1795 leur paraissait royaliste: et dans la crainte qu'on ne s'avisât quelque jour de substituer un monarque aux pentarques constitutionnels, ils préféraient le code de l'an premier, comme plus favorable au nivellement agraire des propriétés.

Je ne range pas dans ce parti les hommes de sang; ils sont d'une espèce inconnue jusqu'à nos jours. Créés par la révolution, nous les avons vu réunir ce qui, jusqu'à présent, paraissait contradictoire le courage et la cruauté, l'amour de la liberté et la soif du despotisme, la fierté qui élève l'ame et les affections criminelles qui la dégradent; ces tigres qui semblèrent sortir de l'enfer pour

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dévaster la terre, pour briser tous les jougs, toutes les lois, tous les usages, pour écraser AN 4. de la même main ceux qui défendent la liberté et ceux qui la combattent; ces agens aveugles de la mort et du chaos loin de former un parti, étaient prêts à vendre leur fureur à ceux qui auraient voulu les payer. Avez-vous vu quelquefois dans une bataillę une phalange épaisse s'avançant en colonnes serrées, de manière que la vue ne perce pas au-delà des premiers rangs. Les soldats qui la composent, ne paraissent devoir combattre qu'avec les armes qu'ils ont dans les mains. L'ennemi ne se prépare qu'à repousser le choc dont ils le menacent. Tout-à-coup la colonne s'arrête; elle s'entrouvre par un mouvement subit; une artillerie formidable se présente et vomit sur l'ennemi consterné l'épouvante et la mort.

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Les terroristes étaient cette artillerie prête à foudroyer tout ce qui pesait sur leurs têtes indociles, tout ce qui les empêchait d'assouvir leur horrible soif du sang humain. Ce systême n'était que destructif. Le parti qui se servait d'eux, pouvait devenir à son tour leur proie. Ainsi les animaux atteints de la rage, après avoir déchiré tout ce qu'ils recontrent, se jettent jusque sur la main qui les a nourris.

Les trois derniers partis étaient contre-révolutionnaires, puisqu'ils voulaient détruire

plus ou moins la constitution de quatre-vingt1796. quinze. Tous s'abusaient dans leurs vues et

dans leurs moyens.

ne

Ceux qui parlent tous les jours de détruire le gouvernement qui existe en France, sentent peut-être pas eux-mêmes combien ils s'égarent jusque dans leurs desirs. Ils ont vu qu'une révolution était un événement terrible et funeste, ils en concluent qu'une contre-révolution serait un événement heureux, sans réfléchir que cette contre - révolution qu'ils attendent, ne serait qu'une révolution nouvelle, accompagnée de nouvelles horreurs.

CHAPITRE V.

Réflexions sur le rapport entre le régime constitutionnel de France et celui des anciennes républiques.

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u milieu des crises révolutionnaires, lorsque les hommes qui ont tout perdu, regrettent le passé ; lorsque les hommes qui n'ont pas tout obtenu, dévorent l'avenir, on ne saurait juger encore des résultats amenés par le nouvel ordre de choses. Linguet osa imprimer cette phrase trop peu méditée alors et trop mise en pratique depuis. La société a

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fait du monde un vaste cachot, dans lequel il n'y a de libres que les gardiens des pri- AN 4. sonniers. Il ne faut qu'avoir vu comment le riche dévore et comme tout le reste jeûne, pour être devenu un niveleur, disait Adrien Lezay, dans ses pamphlets. Le sage reconnaît ces vérités avec douleur ; mais il les publie avec précaution. Oui, sans doute, le pauvre jeûne; et tandis qu'il arrose de ses larmes le morceau de pain que lui disputent ses enfans infortunés, le vrai philosophe verse des larmes encore plus amères sur l'immuable destinée des humains, condamnés par la nature, en les réunissant en sociétés, à cette affligeante inégalité de partages, à laquelle nos révolutionnaires désorganisateurs prétendaient remédier, non en favorisant l'industrie, non en améliorant les propriétés, mais en changeant les propriétaires. Il ne saurait exister de société politique dans laquelle on ne trouve des pauvres à côté des riches. Le travail est en même tems l'enfant du besoin et le père des jouissances. Peuples, ne vous laissez pas égarer par des espérances chimériqués. Les événemens dont nous avons été témoins, doivent à jamais vous servir de leçon. La violence a procuré de grandes richesses à un certain nombre de sans-culottes, mais la masse entière des sans-culottes est restée dans la misère; elle n'a plus trouvé les

ressources accoutumées dans un travail hon1796. nête; les spoliateurs ont vu se tourner contre

eux leurs principes et leurs armes. Les niveleurs se gardaient bien de dire leur secret ; ils savaient bien que l'égalité absolue ne régnera jamais sur la terre, mais ils savaient encore mieux qu'en prêchant l'expoliation des riches, en appelant le brigandage au secours des hommes sans fortune, en chassant ou en mettant à mort les propriétaires, les héritages délaissés se partageraient entre les prédicateurs, tandis que ceux dont ils s'entouraient teraient pauvres comme auparavant.

res

A l'égard de l'administration publique, Raynal, Boulanger, Montesquieu, Voltaire, JeanJacques Rousseau lui-même si souvent et si mal à propos cité comme l'apologiste du gouvernement populaire, en déclamant contre le despotisme et les tyrans, ont posé en principes que le gouvernement républicain convient aux seuls petits états, et qu'il faut regarder la monarchie tempérée comme le seul gouvernement propre à faire fleurir et à rendre heureuses les grandes nations. Ajouterai-je que Tacite disait de nos pères, qu'ils ne savaient supporter ni l'esclavage ni la liberté. Malgré ces témoignages décisifs, je pense que la France pouvait non-seulement se maintenir en état de république, mais s'élever sous ce régime au plus haut degré de puissance et de bonheur,

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