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20. Attendu le vide dans le sein de la 1796. représentation nationale, qui résultera de l'extraction des usurpateurs de l'autorité publique, et à raison de l'impossibilité actuelle de faire, par la voie des assemblées primaires, des choix dignes de la confiance du peuple, la convention s'adjoindra sur-le-champ un membre par département, pris parmi les démocrates les plus prononcés, et sur - tout parmi ceux qui auront le plus activement concouru au renversement de la tyrannie. La liste en sera présentée par des délégués de la portion du peuple qui a pris l'initiative de l'insurrection,

21.o Le comité insurrecteur de salut public restera en permanence jusqu'à l'accomplissement total de l'insurrection.

CHAPITRE X I.

Les accusés sont envoyés devant une hautecour, à Vendôme.

TOUTES

OUTES les preuves de la conspiration, servant de base à la procédure criminelle, avaient été trouvées dans l'appartement de Babeuf. On était saisi de l'acte portant création d'un directoire insurrecteur, de celui qui établissait des agens secondaires, civils

et militaires; qui organisait leurs fonctions et leurs rapports avec des intermédiaires, et AN 4. qui renfermait leurs principales instructions. Il se trouvait dans les papiers saisis, une correspondance suivie du comité insurrecteur non-seulement avec les agens civils près des douze arrondissemens de Paris, et les agens militaires près de l'armée qui campait sous les murs de cette capitale, mais avec plusieurs départemens.

Ces pièces avaient entre elles autant de liaison, que si elles eussent été les travaux suivis d'une autorité affermie et jouissante de la force publique. Cependant on n'avait trouvé aucun registre de délibérations, Les pièces n'étaient pas signées. Le nom d'aucun acteur principal, à l'exception de celui de Babeuf, ne se trouvait en évidence.

On arrêta Drouet Chasles, Laignelot, Ricords, Rossignol, Antonelle, Germain, d'Arthes, et un secrétaire de Joseph Lebon. Il ne se trouva chez eux aucun papier relatif à cette affaire, et chacun des accusés assurait qu'elle lui était étrangère. Babeuf lui-même, malgré toutes les preuves qui s'élevaient contre lui, niait d'être membre du comité insurrecteur; de sorte que, lorsque le gouvernement avait toutes les preuves d'une conspiration tramée par un grand nombre d'individus, le nom des conspirateurs se cachait sous un voile épais.

Babeuf, soit pour effrayer le gouvernement, 1796 ou pour rallier autour de lui les nombreux prosélytes qu'il croyait s'être faits, avait osé, du fond de sa prison, proposer au directoire de traiter avec lui de puissance à puissance, se comparant dans sa lettre (1) aux Barnevelt

(1) Regarderiez-vous au-dessous de vous, citoyens directeurs, de traiter avec moi de puissance à puissance? Vous avez vu de quelle vaste confiance je suis le centre ? Vous avez vu que mon parti peut bien balancer le vôtre, vous avez vu quelles immenses ramifications y tiennent. Je suis convaincu que cet aperçu vous a fait trembler. Est-il de votre intérêt, est-il de l'intérêt de la patrie de donner de l'éclat à la conjuration que vous avez découverte ? Je ne le pense pas. Qu'arriverait-il, si cette affaire paraissait au grand jour ? que j'y jouerais le plus glorieux de tous les rôles. J'y démontrerais avec la grandeur d'ame et l'énergie que vous me connaissez, la sainteté de la conspiration dont je n'ai jamais nié d'être membre. Sortant de cette route lâche et frayée des dénégations, j'oserais développer les grands principes, et plaider la cause éternelle du peuple, avec l'avantage que donne l'intime pénétration de la beauté de ce sujet. On pourrait me condamner, mais mon échafaud figurerait glorieusement à côté de ceux de Barnevelt et de Sidney.

Vous avez vu, citoyens directeurs, que vous ne tenez rien, lorsque je suis sous votre main. Je ne suis qu'un point de la longue chaîne dont la conspiration se compose. Vous avez à redouter toutes les autres parties. Cependant vous avez la preuve de tout l'intérêt qu'elles prennent à moi. Vous les frapperiez toutes en me frappant, et vous les irriteriez.

et aux Sidney. Il donnait à entendre que sa conspiration était du nombre de celles qui, AN 4.

Vous irriteriez toute la démocratie de la république française, et vous savez encore que ce n'est pas si peu de chose que vous aviez pu d'abord l'imaginer. Vous la jugeriez bien mieux, si vos captureurs avaient saisi la grande correspondance qui a formé des nomenclatures dont vous n'avez que des fragmens. On a eu beau vouloir comprimer le feu sacré, il brûle, et il brûlera. Plus il paraît dans certains instans anéanti, plus sa flamme menace de se réveiller subitement, forte et explosive.

Entreprendriez-vous de vous délivrer de cette vaste secte sans-culotide, qui n'est pas vaincue; il faudrait d'abord en supposer la possibilité : mais où vous trouveriezvous ensuite? Vous n'êtes pas tout-à-fait dans la même position que celui qui déporta, après la mort de Cromwel, quelques milliers de républicains anglais. Charles Il était roi, et quoi qu'on en ait dit, vous ne l'êtes pas encore. Vous avez besoin d'un parti pour vous soutenir. Vous ne pouvez détruire les patriotes sans être en face du royalisme. Quel chemin croyez-vous qu'il vous ferait voir, si vous étiez seuls contre lui ?

Les patriotes, direz-vous, sont aussi dangereux que les royalistes; vous vous trompez, ils ne voulaient point de sang, mais seulement vous forcer à confesser que vous avez fait du pouvoir un usage oppressif, et le reprendre.

Moi-même, j'avais expliqué comment il me paraissait possible que vous fissiez disparaître tout ce que le caractère constitutionnel de votre gouvernement offre de contraire aux principes républicains. Eh bien, il en est tems encore; la tournure de ce dernier événement peut devenir salutaire pour vous-mêmes et pour la chose pu̟VII.

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'loin de s'éteindre dans le sang de quelques 1796. chefs, recevaient une nouvelle activité d'une rigueur intempestive.

blique. Mes conclusions sont que votre intérêt et celui de la patrie se réunissent pour ne donner aucune célébrité à l'affaire présente. Ne croyez pas intéressée la démarche que je fais. La mort ou l'exil serait pour moi le chemin de l'immortalité; mais ma proscription n'avancerait pas vos affaires, et n'assurerait pas le salut de la république.

J'ai réfléchi que vous ne fûtes pas constamment les ennemis de la république. Vous êtes égarés par l'effet assez inévitable d'exaspérations différentes des nôtres. Pourquoi ne reviendrions-nous pas tous de notre état extrême, pour embrasser un terme raisonnable ? La masse du peuple a le cœur ulcéré, faut-il le déchirer encore plus ? Vous aurez, quand il vous plaira, l'initiative du bien, parce qu'en vous réside toute la force de l'administration publique.

Citoyens directeurs, gouvernez populairement, voilà tout ce que les patriotes vous demandent. En parlant ici pour eux, je suis sûr qu'ils n'interrompront point ma voix. Je suis sûr de n'être pas par eux démenti. Cinq hommes, en se montrant grands et généreux, peuvent aujourd'hui sauver la patrie.

Je vous réponds encore que tous les patriotes vous couvriront de leurs corps, et vous n'aurez plus besoin d'armées entières pour vous défendre; les patriotes ne vous haïssent pas, ils n'ont haï que vos actes impopulaires.

Je vous donnerai aussi alors, pour mon propre compte, une garantie aussi étendue que l'est ma franchise perpétuelle. Vous savez quelle mesure d'influence j'ai sur

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