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1796.

cité le poste de Rhinfelden; mais il trouva une résistance invincible.

Les divisions du général Férino, chargées de défendre Kaudern et Hiel, firent des prodiges de valeur: elles se soutinrent depuis la pointe du jour jusqu'à la nuit, contre les attaques réitérées de l'ennemi, sans qu'il pût faire le moindre progrès. Le général Joubert, qui commandait le poste, soutint l'attaque depuis Schelingin jusqu'au Rhin.

L'armée se porta, le 4, sur la tête du pont d'Huningue, sans être inquiétée; et, le 5, elle passa le fleuve, sans que l'archiduc Char

menace à son tour d'une attaque prochaine, et revient victorieuse sur les frontières de France, après une marche de plus de cent lieues, non-seulement sans avoir été entamée, mais après avoir pris à l'ennemi dix-huit pièces de canon, deux drapeaux, et près de sept mille prisonniers.

Je fais passer au directoire ces détails très-succincts, pour faire cesser l'inquiétude publique. Mais je devrais des détails plus circonstanciés pour rendre compte à la brave armée que j'ai l'honneur de commander des nombreux combats qu'elle a livrés, de la patience, du courage calme qu'elle a toujours déployés dans les circonstances les plus difficiles, et de la stoïcité avec laquelle les soldats ont supporté le manque de vivres dans les pays affreux que nous venons de traverser. Tous les corps se sont distingués, tous les officiers ont fait de courage et de talens; plusieurs ont fait des actions héroïques qu'il sera de mon devoir de faire connaître.

preuve

les, campé à une lieue, fit aucune disposition pour troubler le passage qui s'exécuta avec le AN 5. plus grand ordre, couvert par les généraux Abbatucci et la Brissière (1).

CHAPITRE XVI.

Descente en Irlande.

J'AI

'AI parlé d'un traité d'alliance conclu entre les gouvernemens de France et d'Espagne. Le séjour que faisait, dans le port de Cadix, une nombreuse escadre française, sous les ordres de l'amiral Richery, annonçait que l'objet de cette convention était de tenter quelque expédition dont la réussite déterminât les Anglais à faire la paix. On sut bientôt qu'un embargo avait été mis sur tous les navires britanniques qui se trouvaient dans les ports d'Espagne. Le roi rendit compte des motifs de sa conduite par un manifeste adressé à ses conseils, et répandu dans les cours de l'Europe (2).

(1) L'armée ramenait avec elle sept mille prisonniers, et plus de quarante pièces de canons prises à l'ennemi. (2) Un des principaux motifs qui me détermina à faire la paix avec la république française, aussitôt que son

Cet événement avait déterminé la cour de 1796. Londres à dépêcher à Paris le lord Malmes

gouvernement eût commencé à prendre une forme régulière et stable, fut la manière dont l'Angleterre en usait à mon égard depuis le commencement de la guerre, et la juste défiance que devait m'inspirer, pour l'avenir, l'expérience de sa mauvaise foi. Elle s'était manifestée en 1793 dans les entreprises que l'amiral Hood s'était permises contre mes intérêts, à l'époque de l'occupation de Toulon, et dans son affectation de cacher à Dom Juan de Langara l'expédition qu'il projetait contre l'île de Corse.

Cette même mauvaise foi se montrait dans le mystère que le cabinet de Saint-James faisait à mes ministres de ses négociations avec diverses puissances, et particuliérement dans le traité conclu le 19 novembre 1794, avec les Etats-Unis de l'Amérique, sans égard à mes droits qui lui étaient bien connus. Je la remarquai de nouveau dans sa répugnance à prendre les mesures que je lui proposais pour terminer la guerre, ou à me donner des secours pour la continuer. Mais je fus sur-tout révolté par l'injustice avec laquelle le gouvernement britannique s'appropria la riche cargaison du vaisseau espagnol le Sant-Iago, d'abord pris par les Français, ensuite repris par l'escadre anglaise, et qui devait m'être rendu suivant les conventions faites entre mon secrétaire d'état et le lord Saint-Helen, ambassadeur de sa majesté Britannique.

Je ne le fus pas moins par la capture des munitions de guerre qui arrivaient sur des vaisseaux Hollandais, pour l'approvisionnement de mes escadres, et des difficultés multipliées pour en éloigner la restitution. Enfin, il ne m'a plus été permis de douter des mauvaises intentions du ministère de Londres, en apprenant les fré

bury, sous prétexte de faire des ouvertures de paix ; mais en effet pour prendre une con- AN 5.

quentes apparitions des vaisseaux anglais sur les côtes du Pérou et du Chily, pour y faire la contrebande, et en reconnaître les forces militaires, sous prétexte d'une pêche à la baleine, à laquelle les navires se disaient autorisés par la convention de Nootha-Sund. Tels furent les procédés du ministère anglais pour cimenter les liens d'amitié et de confiance formés par nos conventions du 25 mai 1793.

Depuis que j'ai fait la paix avec la république française, non-seulement l'intention de l'Angleterre d'attaquer mes possessions d'Amérique perce de toute part, mais j'ai reçu des insultes directes qui me persuadent que ce ministère voudrait me plonger de nouveau dans la guerre continentale.

Ses généraux, dans l'île de Saint - Domingue, ont déployé la force pour empêcher la réunion de la partie espagnole au territoire français; ses marins ont formé des compagnies de commerce sur les bords du Missouri, dans l'Amérique septentrionale, avec le dessein de pénétrer, par ces contrées, jusque dans la mer du Sud. Enfin, par la conquête que les Anglais viennent de faire, dans l'Amérique méridionale, de la colonie de Demerary, appartenant aux Hollandais, ils se mettent en mesure de s'emparer des positions les plus importantes.

Pourrais-je douter des projets hostiles de l'Angleterre, quand je considère les violences que se sont permises ses frégates, en enlevant des matelots qui venaient de Gênes à Barcelonne, sur des vaisseaux espagnols, pour completter mes armées; les pirateries des corsaires anglo-corses envers le commerce espagnol, jusques sur les côtes de Catalogne, et la détention de plusieurs navires espagnols envoyés dans les ports d'Angleterre sur les

naissance exacte des ressources renfermées en 1796. France, et pour régler sur ses observations

prétextes les plus frivoles; nommément l'embargo mis sur la frégate espagnole, la Minerve, et le refus fait de la restituer, quoiqu'il eût été démontré, devant les tribunaux compétens, que sa riche cargaison était de propriété espagnole; l'attentat commis sur mon ambassadeur Dom Simon de Las-Casas, arrêté sur l'ordonnance d'un tribunal, sur la demande d'une somme très-modique réclamée par le patron d'une embarcation, et que l'ambassadeur ne s'était pas refusé de payer.

Enfin, le territoire espagnol a été violé sur les côtes de Galice et d'Alicante, par les brigantins anglais le Caméléon et le Kingscroon. Le capitaine Georges Vaughan, commandant la frégate l'Alarme, s'est conduit d'une manière aussi insolente que scandaleuse, en descendant dans l'île de la Trinité, en s'avançant tambour battant et enseignes déployées, pour attaquer les Français, et oubliant, par cette violation, les droits de ma souveraineté et la tranquillité des habitans de l'île.

Par des insultes aussi graves, le peuple anglais a prouvé à l'univers qu'il ne connaît d'autres lois que celles qui favorisent l'aggrandissement de son commerce. Son despotisme, épuisant ma patience et ma modération, m’oblige, pour soutenir l'honneur de ma couronne et pour protéger mes peuples contre ses attentats, à déclarer la guerre au roi d'Angleterre, et à prendre les mesures nécessaires pour repousser ses attaques.

Donné au palais de saint Laurent, le cinq octobre mil sept cent quatre-vingt-seize, signé de la main du roi et du secrétaire du conseil de la guerre.

Le samedi huit octobre, la guerre entre l'Espagne et l'Angleterre fut publiée dans les principales places de Madrid, avec les formalités usitées dans ces occasions.

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