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naissance et leurs habitudes, soupirent après 1796. l'instant qui les réunira à leur patrie, et dont la possession offrirait à la France un chemin beaucoup plus commode que celui du MontCénis, pour entrer sans obstacle en Italie ; cette faute sera sans doute réparée à la paix générale.

Au surplus, le traité de paix avec la cour de Turin rendait la situation des Français presqu'indépendante de tous les événemens qui avaient nui aux succès de leurs expéditions précédentes en Italie. L'armée de Kellermann, retenue dans les Alpes par les forteresses de Suze et d'Exilles avait toute liberté de se porter sur les bords du Pô. Les communications étaient assurées avec la France par les cols de Tende, du Mont-Genèvre et du Mont-Cénis. L'armée, pouvant se recruter avec facilité, et dont les derrières restaient absolument libres, n'avait à redouter en Italie que le climat lui-même, non moins meurtrier pour les Allemands que pour les Français.

AN 4.

CHAPITRE XVII.

Les Français passent le Pô sous Plaisance.

DANS

ANS l'espace d'un petit nombre de jours, Bonaparte avait défait deux armées, et détaché de la coalition formée contre la France un roi qui s'y était réuni le premier, et dont la cour fut long-tems le foyer des intrigues des émigrés. Ce prince, d'après le texte illusoire des traités de Pilnitz et de Pavie, s'était flatté d'incorporer à ses Etats le Lyonnais, le Dauphiné, la Provence, la Bresse et le Bugey. Il payait alors la témérité de son ambition par la perte de la moitié de ses Etats, et devait le reste à la modération de ses vainqueurs.

A la nouvelle de la défection du roi de Sardaigne, l'archiduc Ferdinand, gouverneur général du Milanais, avait dépêché à Vienne une personne de confiance, pour lui représenter le dénûment dans lequel se trouvaient les possessions autrichiennes en Italie, et la nécessité d'en prévenir la conquête par le prompt envoi d'une armée nombreuse, ou de faire la paix. Les Autrichiens avaient passé le Pô à Valenza, dont la citadelle était occupée par un corps de cavalerie napolitaine; ils se

1796.

fortifiaient à la hâte le long du Logogna, du Terdopio et du Tésin, pour défendre le Milanais. L'armée des Deux-Siciles s'était réunie à eux ; et quelques renforts, venus du Tyrol, donnaient au général comte de Beaulieu l'espoir de tenter le sort des armes.

A peine Bonaparte avait signé, dans son quartier-général de Cherasco, l'armistice demandé par le général Colli, que l'armée française marchait vers le Pô. Massena s'empara, dans Alexandrie, des magasins considérables formés par les Autrichiens, et que la précipitation de leur retraite les avait forcés d'abandonner. On avait aussi trouvé des munitions précieuses dans les places cédées par le roi de Sardaigne; ainsi la guerre nourrissait la guerre, et les succès procuraient les moyens d'en obtenir de nouveaux. Le traité qui subsistait entre la France et la cour de Turin, ne permettait plus aux troupes napolitaines de rester dans Valenza; elles se réunirent à l'armée de Beaulieu.

Le passage d'un fleuve aussi considérable que le Pô, en présence d'une armée nombreuse, présentait les plus grands obstacles. Les dispositions de l'armistice de Cherasco donnaient la liberté à Bonaparte de faire tous les préparatifs nécessaires pour cette expédition dans Valenza, dont la citadelle domine ce fleuve. La quantité de troupes rassemblées

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dans Tortone et dans Alexandrie annonçait aussi que les Français entreraient dans le An 4. Milanais par le Pavesan. Beaulieu avait dirigé son plan de défense d'après ces dispositions. Bonaparte sut lui donner le change; et tandis que divers mouvemens militaires indiquaient que l'armée républicaine passerait le Pô sous Valenza, le général se transportait par une marche forcée à Castel Sangiovani, sur les bords du Tidone, après avoir traversé à gué la Scrivia et la Staffora. Le chef de bataillon Andreossi et l'adjudant - général Frontin, parcourant avec cent hommes de cavalerie la rive du Pô jusqu'à Plaisance, arrêtent cinq grands bateaux chargés de provisions de bouche, de cinq cents malades, et de toute la pharmacie de l'armée autrichienne.

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Le dix-huit floréal, à neuf heures du matin, la division de cinq mille grenadiers et de quinze cents chevaux se trouvait au bord du Pô, auprès de Plaisance. Elle se précipite dans les bateaux et aborde à la rive gauche, où deux escadrons de hussards s'opposaient en vain au débarquement. Les divisions de l'armée française, disposées en échelons à diverses distances, précipitaient leur marche ; presque toutes passèrent le Pô le 19 et le 20. Les chevaux de luxe trouvés dans Plaisance, facilitaient le transport de l'artillerie et des munitions.

Cependant Beaulieu, instruit que les Fran1796. çais avaient exécuté le passage du Pô, abandonnant les inutiles fortifications élevées au bord du Tésin, suivait à la hâte la gauche du Pô, pour attaquer Bonaparte, avant que sa position fût consolidée entre l'Olona et l'Adda, et qu'il pût se porter sur Lodi ou sur Pizzighitone.

Le dix-neuf, à midi, un corps de huit mille Autrichiens était au village de Fombio, avec vingt pièces de canon. Bonaparte les fait attaquer par le général Dallemagne, et les culbute dans l'Adda. Un autre corps de cinq mille hommes est défait auprès de Codogno, par la division de Laharpe. Ce général fut tué dans le combat, et emporta dans la tombe les regrets de ses camarades, et l'admiration des ennemis.

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CHAPITRE XVIII.

Les princes d'Italie font des propositions de paix.

A
LA nouvelle du passage du Pô par les
Français, les potentats d'Italie se hâtaient de
traiter avec Bonaparte, regardé dès lors
comme le régulateur et l'arbitre de l'Italie. Le

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