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celui du Code civil. D'où les articles 22 à 33 ont disparu. On les a conservés dans toutes les éditions du Code, mais il vaudrait mieux laisser leur place en blanc, car c'est une source le confusions.

Plus tard, les articles 7 à 21, c'est-à-dire tous les autres articles du titre (chapitre I et première section du chapitre II), sans disparaître précisément, ont été remaniés par diverses ois postérieures, finalement par la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité, modifiée elle-même par la loi du 22 juillet 1893. Quatre articles du titre subsistent seuls dans leur rédaction primitive: les articles 11, 14, 15 et 16, relatifs à la condiion des étrangers en France. Tous les autres ou ont disparu loi de 1854), ou ont été remaniés par les lois de 1889 et de 1893.

7. Pour mettre de l'ordre dans les dispositions complexes lu titre I, il faut étudier séparément les trois points suivants: 1o la nationalité des personnes, 2o la condition des rançais devant la loi, 3o la condition des étrangers en France.

CHAPITRE I

DE LA NATIONALITÉ DES PERSONNES.

8. Il suffit à ce propos de dire quelles personnes sont françaises; a contrario résulte de là quelles personnes sont étrangères aux yeux de la loi française.

Pour déterminer qui est français et indirectement qui est étranger, il faut parler successivement: 1° de la nationalité d'origine, c'est-à-dire de celle qu'on a en venant au monde, --- 2o de l'acquisition de la qualité de français par un fait postérieur à la naissance, c'est-à-dire de la nationalité d'acquisition, de la naturalisation acquise par ceux qui étaient étrangers auparavant, 3° de la perte de la qualité de français.

Sur ces trois points, la législation française a été, dans les temps modernes, l'objet de transformations continuelles. Les textes qui s'y rapportent ont été, depuis 1804, maintes fois modifiés. L'article 6 de la loi du 26 juin 1889 donne l'énumération des lois successivement portées en cette matière ; il en prononce l'abrogation et les rappelle à ce propos. La liste en est longue. L'avènement de la loi de 1889 s'explique, au moins en grande partie, précisément par la complication qui était résultée pour la pratique de cette superposition de lois successives. Les lois nouvelles, en se juxtaposant au texte primitif sans l'abroger, avaient fini par former une législation inextricable et on a jugé nécessaire de reprendre toutes ces lois sur la nationalité, d'en codifier le résultat, afin de rendre quelque unité et autant que possible quelque fixité à cette matière. De là la loi du 26 juin 1889; de là spécialement l'article 6 de cette loi. Elle est restée sept ans sur le chantier; en effet, c'est en 1882 que la proposition a été déposée au Sénat.

Elle est complétée par deux documents importants: 1° le décret du 13 août 1889, portant règlement d'administration

publique, rendu en exécution de la loi (art. 5, 10, 20, etc.), — 2o la circulaire du ministre de la justice du 23 août 1889, commentaire officiel de la loi, contenant des instructions your l'application et des modèles d'actes. Il faut noter enfin qu'une loi du 22 juillet 1893 a modifié quelques dispositions le la loi de 1889.

9. La loi de 1889 mérite deux reproches; l'un a trait à la orme, l'autre au fond.

a) En la forme, la longueur des textes est démesurée. C'est in reproche que la loi du 22 juillet 1893 mérite plus encore que sa devancière. On a tenu à les fondre toutes deux dans les anciens textes du Code civil sur la nationalité, à la place que chacun d'eux occupait. L'article 1 de la loi de 1889 porte: « Les articles 7, 8, 9, 10, 12, 13, 17, 18, 19, 20 et 21 du Code «< civil sont modifiés ainsi qu'il suit. » Puis la loi de 1893 a remanié de nouveau les articles que la loi de 1889 avait modifiés, notamment les articles 8 et 9. Or, dans leur forme actuelle, quelques-uns de ces textes, modifiés deux fois, sont d'une longueur démesurée, notamment les articles 8 et 9. L'article 8 renferme neuf alinéas, deux énumérations fort longues, suivies de sous-énumérations; l'article 9 contient onze alinéas, ce qui est contraire aux exigences d'une bonne rédaction législative.

Il y aurait eu pourtant un autre procédé bien simple à suivre. Les articles 22 à 33 ayant été abrogés par la loi du 31 mai 1854, on aurait pu, sans toucher à la série des articles du Code à partir de l'article 34, utiliser la place libre pour développer méthodiquement les dispositions sur la nationalité dans les articles 7 à 33 ; c'était plus que suffisant. On ne l'a pas fait. La place des articles 22 à 33 reste vide puisqu'ils sont abrogés et, dans les articles 7 à 21, on a amoncelé jusqu'à la superfétation les règles nouvelles. C'est certainement d'une tactique défectueuse.

b) Au fond, les deux lois de 1889 et 1893 ont multiplié à l'excès les hypothèses, distinctions et sous-distinctions. Cela s'explique par les circonstances qui les ont amenées. De même que les lois antérieures, portées de 1804 à 1889 et abrogées par l'article 6 de la loi de 1889, elles ont été faites à l'occasion de faits particuliers, en vue d'obvier à des inconvénients signalés, sans souci d'idées générales bien arrétées. Il en est résulté un système des plus compliqués, qui

consiste plutôt dans une série de décisions d'espèces que dans une théorie. Le titre premier du livre I du Code est devenu inextricable.

10. Si maintenant on cherche comment s'explique la mobilité de la législation sur la nationalité depuis un demi-siècle, il est facile de s'en rendre compte. Elle n'a pas été spéciale à la France et s'est produite partout. Elle tient au développement qu'a pris l'émigration dans tous les pays à l'époque actuelle, au cosmopolitisme qui en est la conséquence. La législation s'est trouvée en présence d'habitudes nouvelles, de besoins nouveaux, de dangers nouveaux. Ce qui pouvait convenir à une époque d'habitudes sédentaires n'a plus convenu à une époque de communications multipliées. Il a fallu aviser. D'une part on ne conteste plus, on ne peut plus contester comme jadis aux personnes la liberté de s'expatrier; c'est un droit pour tout homme de choisir une patrie mieux en rapport avec ses goûts que celle où il a été placé par le hasard de la naissance. D'un autre côté, il faut réagir contre le flot croissant des personnes qui trouvent, grâce au cosmopolitisme moderne, le moyen de n'avoir pas de patrie, de vivre à l'abri et sous la protection des lois d'un pays sans supporter les charges nationales. Le mal est réel; il est si grand qu'on a créé un mot nouveau pour l'exprimer, mot emprunté à la langue allemande: l'heimathlosat. L'heimathlos est un homme sans patrie. Le cosmopolitisme d'une part, l'heimathlosat de l'autre, sont les deux fléaux de la fin du XIXe siècle. Les efforts du législateur ont tendu à y porter remède; sous la pression des événements, on s'est mis à légiférer; puis on s'est aperçu qu'on était allé trop loin et on a cru nécessaire de revenir en arrière. C'est ainsi que les lois sur la nationalité sont en transformation continuelle, non seulement en France, mais dans tous les pays de l'Europe.

A ce point de vue, qui est général, s'en joint un autre, spécial à la France. Ce dernier point de vue n'a pas été dissimulé lors de la discussion de la loi de 1889; c'est à lui que furent dues certaines exagérations sur lesquelles il a fallu revenir en 1893; peut-être aurait-il mieux valu, tout en y pensant, éviter d'en parler. Depuis longtemps le patriotisme s'alarme de voir diminuer la population, ou plus exactement, car il n'y a pas encore diminution, de voir s'affaiblir graduellement l'augmentation normale qui paraît nécessaire aux peu

ples en progrès. Alors on a cru utile, dans l'intérêt de l'avenir, de rattacher à la nationalité française le plus d'éléments possibles, d'intégrer des étrangers dans la nationalité française pour faire des français, puisque le nombre n'en croit plus

assez.

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11. Sous l'influence de ces considérations diverses, la loi de 1889 s'est proposé 1o de réagir contre l'heimathlosat, — 2o d'élargir la sphère de la nationalité, -3° d'inciter les étrangers fixés en France à la naturalisation en la leur facilitant, 4o de fortifier le lien d'origine qui rattache les français à la nationalité française en diminuant les cas de perte de cette nationalité, les cas de dénationalisation.

Tel est le caractère général de la loi actuelle. Il faut reprendre maintenant les trois points indiqués : la nationalité d'origine, la nationalité d'acquisition, la perte de la qualité de français.

SECTION I. De la nationalité d'origine.

12. C'est surtout à propos de la nationalité d'origine que la législation a varié, que des points de vue divers ont successivement prévalu. Après bien des oscillations, on tend manifestement aujourd'hui à revenir aux idées adoptées au début, quoique pour des motifs très différents.

Nous n'insisterons pas sur les lois intermédiaires entre le Code de 1804 et la loi actuelle ; cependant il est nécessaire, pour l'intelligence du droit actuel dans son dernier état, de tracer à grands traits leur évolution.

Trois systèmes ont été successivement suivis.

Pendant longtemps, on a regardé la qualité de français, la nationalité d'origine, comme résultant du seul fait de la naissance sur le sol français sans autre condition; était français d'origine quiconque naissait sur le sol français, même de parents étrangers, étranger quiconque naissait sur le sol étranger, même de parents français. La nationalité d'origine se déterminait jure soli.

Plus tard, la qualité de français résulta des rapports de filiation; elle fut regardée comme se transmettant avec le sang; elle devint affaire de race. Est français quiconque naît parents français, que ce soit d'ailleurs sur le sol français

de

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