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(rédaction de 1889). Il reste soumis, à certains égards, aux règles de police qui sont édictées spécialement pour les étrangers et peut notamment être expulsé du territoire français (loi du 11 décembre 1849, article 7); toutefois, même à cet égard, sa situation est mieux garantie que celle de l'étranger ordinaire, car la mesure cesse d'avoir effet après un délai de deux mois si l'autorisation de domicile n'a pas été révoquée. Enfin, même indépendamment de toute expulsion, l'autorisation peut toujours être retirée et le retrait fait retomber l'étranger sous l'application du droit commun. Donc, malgré la généralité des termes de l'article 13, l'étranger autorisé à établir son domicile en France n'est pas assimilé à un français. L'article 13 ne vise que les droits civils et c'est seulement dans la sphère des droits civils que l'assimilation est complète. Avant 1819, l'étranger pourvu d'un domicile autorisé évitait l'application des articles 726 et 912; avant 1867, il évitait l'application des règles particulières aux étrangers en matière de contrainte par corps. De nos jours encore, il n'est plus tenu, comme demandeur, de fournir la caution judicatum solvi1; il peut s'adresser aux tribunaux français dans les mêmes conditions qu'un français 2; il possède enfin les quelques droits civils qui sont contestés aux étrangers ordinaires. Il peut adopter et être adopté ; il a l'usufruit légal sur les biens de ses enfants mineurs ; il peut, défendeur à une instance contre un étranger, exiger de celui-ci la caution judicatum solvi; il est soumis, quant à sa succession mobilière, à l'application de la loi française, effet très important, qu'on peut s'étonner de voir produit par une autorisation simplement temporaire. En résumé, l'étranger pourvu d'un domicile autorisé conserve sa nationalité, mais, quant aux droits civils, sauf restriction formelle, il est assimilé à un français. C'est par là que le bénéfice de l'article 13 constituait, avant 1889, une situation intermédiaire de durée indéfinie. Depuis 1889, elle

1. Fuzier-Herman, Code civil annoté, art. 13, no 21.

2. Cass. 23 juillet 1855, D. P. 1855.1.353.

3. Paris 30 avril 1881, Le Droit du 3 mai 1831.

4. Weiss, Traité théorique et pratique, II, p. 197 et suiv.

5. Fuzier-Herman, op. laud., art. 13, no 20.

6. Toulouse 22 mai 1880, D. P. 1881.II.93.

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est offerte à l'étranger pour le temps du stage, mais elle est intimement liée à la naturalisation et toute temporaire.

A qui profite l'autorisation de domicile? Dans l'usage, une famille étrangère venant s'établir en France, son chef demande l'autorisation d'établir son domicile. L'autorisation obtenue produit assurément ses effets quant au chef; les produit-elle aussi quant à la famille et aux enfants? L'article 13 (rédaction de 1889, 3e phrase) contient à cet égard une indication: «En cas de décès avant la naturalisation, l'autorisa«<tion et le temps de stage qui a suivi profiteront à la femme « et aux enfants qui étaient mineurs au moment du décret « d'autorisation. » Mais l'autorisation profite-t-elle à la femme et aux enfants du vivant du chef de famille ? C'était une question déjà controversée avant 1889. La vérité paraît être que l'autorisation est toute personnelle, qu'elle ne s'étend ni à la femme ni aux enfants, même mineurs, ni à plus forte raison aux domestiques, à moins bien entendu qu'elle ne soit accordée nommément à tous 1.

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1. Sic Weiss, Traité théorique et pratique, I, p. 321 et 322; Secus Aubry et Rau, I, p. 313, texte et note 20; - Cpr. Le Sueur et Dreyfus, op. laud., p. 62.

TITRE II

DES ACTES DE L'ÉTAT CIVIL

93. Les soixante-sept articles du Code (livre I, titre 2, articles 34 à 101) qui concernent les actes de l'état civil ne contiennent, pour la plupart, que des dispositions réglementaires, sur lesquelles il est superflu de s'arrêter longtemps. Fixons d'abord le sens des termes élémentaires en cette matière: état civil, actes de l'état civil.

1o Etat civil. Dans cette locution, le mot état a le même sens que dans l'article 3, alinéa 3; on entend par là les diverses qualités d'où résulte la jouissance des droits, c'està-dire la situation d'où ces qualités résultent. L'état d'une personne est l'ensemble des qualifications juridiques qu'elle peut porter; c'est aussi chacune de ces qualifications en particulier et la condition qui y répond. Les qualités de français ou d'étranger, d'époux, de père, de mère, d'enfant légitime, naturel, adoptif, etc. sont autant d'états différents; à chacune de ces qualifications ou qualités correspondent certains droits et obligations qui en découlent: chacune d'elles constitue un état juridique.

L'état, ainsi entendu, se détermine pour chaque individu par la naissance; il est irrévocablement fixé par la mort; entre ces deux événements extrêmes, il peut être modifié par différentes causes qui font acquérir ou perdre diverses qualités ou états: le mariage, l'adoption, l'interdiction, le divorce, la naturalisation, etc.

Les questions contentieuses qui surgissent à propos de l'état des personnes s'appellent questions d'état. Elles donnent lieu à des actions en réclamation d'état quand une per

sonne prétend établir à son profit un état qu'elle n'a pas en fait, à des actions en contestation d'état quand un tiers conteste à une personne l'état dont celle-ci a la possession. Ces questions sont considérées à bon droit comme ayant une importance particulière; c'est en effet de l'état des personnes que découlent en général leurs droits, leurs obligations. Aussi elles sont soumises, au point de vue de la procédure, à des règles spéciales qu'explique leur importance. Ainsi notamment le décret du 30 mars 1808 (article 22) veut qu'en appel les questions d'état soient jugées en audience solennelle'.

A ce point de vue, il est nécessaire de ne pas confondre les questions d'état avec les questions de capacité. La distinction n'a pas besoin d'être faite à propos de l'article 3, alinéa 3, puisque les lois qui concernent la capacité sont de statut personnel au même titre que celles qui concernent l'état. Ici, la distinction présente une importance extrême et il est regrettable qu'elle soit parfois indécise. Ainsi, parmi les faits constitutifs de l'état des personnes, faut-il mentionner l'émancipation, l'interdiction, la nomination d'un conseil judiciaire, la séparation de corps? Non. Ces faits, quoique modifiant la condition civile des personnes, n'influent pas en réalité sur leur état, mais seulement sur leur capacité; ils n'influent pas sur la jouissance des droits, sur l'aptitude à en être titulaire, mais seulement sur leur exercice, sur l'aptitude à les exercer, distinction sur laquelle nous avons précédemment insisté. Aussi les actes qui constatent l'émancipation, l'interdiction, la nomination d'un conseil judiciaire, la séparation de corps, ne peuvent pas être appelés actes de l'état civil, d'où il faut conclure que les questions qui sont soulevées quant à ces divers faits ne sont pas des questions d'état dans le sens technique du mot et le décret de 1808 ne leur est pas applicable. C'est en effet ce qui est admis en pratique : les demandes en séparation de corps ne soulèvent pas une question d'état, car le mariage subsiste, mais il en est autrement des demandes en divorce, qui doivent par conséquent être jugées en audience solennelle. La jurisprudence est formée en ce sens, sauf cependant en ce qui concerne l'interdiction. L'interdit jouit de tous ses droits, qui

1. Voy. Balleydier, Les questions d'état devant les cours d'appel, dans les Annales de l'Université de Grenoble, tome IV (1893).

sont exercés par son tuteur; donc l'interdiction ne modifie pas l'état, mais seulement la capacité. Cependant la jurisprudence décide que les demandes en interdiction doivent, en appel, être jugées en audience solennelle'. C'est une solution qu'il est impossible de justifier; elle ne peut être que le résultat d'une confusion.

Nous ne mentionnerons pas davantage, parmi les faits constitutifs de l'état des personnes, les autorisations données à des étrangers d'établir leur domicile en France, ni les jugements d'où résultent des déchéances, même ceux qui, avant la loi de 1854, entraînaient la mort civile. Ce sont bien des faits ayant importance au point de vue de la jouissance des droits, mais ce sont des faits accidentels, dont il ne résulte pas à proprement parler un état, c'est-à-dire une situation stable, permanente, définitive 2.

2o Actes de l'état civil. On nomme ainsi, d'une manière générale, ceux qui sont destinés à constater les faits constitutifs de l'état des personnes, à servir de preuve de l'état.

II y en a un grand nombre. Indépendamment des actes de mariage, de naissance et de décès, on peut signaler les décrets de naturalisation, d'où résulte et qui prouvent l'état de français, les actes d'adoption, d'où résulte et qui prouvent l'état d'enfant adoptif; les reconnaissances d'enfant naturel, qui établissent la filiation naturelle, les jugements qui prononcent le divorce ou l'interdiction, etc. sont autant d'actes relatifs à l'état des personnes, d'actes de l'état civil lato sensu, car chacun d'eux constate une qualité constituant un état auquel est inhérente la jouissance de certains droits.

Toutefois dans l'usage, et c'est le point de vue du Code civil, on n'appelle à proprement parler actes de l'état civil, stricto sensu, que les seuls actes constatant l'état de famille. C'est peut-être pour cela qu'on les appelle actes de l'état civil et non pas actes de l'état en général. Les décrets de naturalisation sont bien en réalité des actes relatifs à l'état, donc des actes de l'état civil; il en est de même des jugements de divorce et d'interdiction; mais on ne les comprend pas sous ce nom et les règles du titre II ne leur sont pas applicables. La raison de ce fait apparaîtra plus tard.

Cass. 6 novembre 1883,

1. Cass. 23 mai 1860, D. P. 1860. I. 350, Sir. 1860. I. 958. 2. Rouen 22 février 1884, Droit, 4 mars 1884, D. P. 1884. I. 471.

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