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Plus spécialement même, le titre II ne donne le nom d'actes de l'état civil, sensu strictissimo, qu'à trois actes: l'acte de naissance, l'acte de mariage et l'acte de décès. Ils se rapportent à des faits dont deux se rencontrent inévitablement dans l'existence de chacun et le troisième habituellement; ce sont les vrais actes de l'état civil; ils se rapportent à des faits qu'il importe de constater régulièrement ce sont les seuls dont s'occupe le titre des actes de l'état civil. Quant aux autres, c'est-à-dire les actes d'adoption, les reconnaissances d'enfant naturel, les jugements de divorce, quoique relatifs à l'état de famille, ils constatent des faits exceptionnels; ce ne sont pas des actes de l'état civil ordinaire en général, les dispositions du titre II ne leur sont pas applicables. Ils sont soumis à des règles qui leur sont propres; elles sont décrites: pour l'adoption dans les articles 353 à 360 au titre de l'adoption, pour la reconnaissance dans l'article 334 au titre de la paternité et de la filiation, pour le divorce dans les articles 250 et suivants au titre du divorce.

En réalité, ce sont des actes de l'état civil et la loi les considère comme tels quoique ne les comprenant pas sous ce titre; aussi, bien qu'elle en traite dans d'autres titres, elle veut, pour plusieurs d'entre eux au moins, qu'ils soient mentionnés sur les registres de l'état civil, preuve du lien qui les rattache aux actes de l'état civil proprement dits. Il en est ainsi pour les actes d'adoption (article 359) et de reconnaissance d'enfant naturel (articles 62 et 334), pour les jugements prononçant un divorce (article 251). Quelque chose d'analogue existe pour l'interdiction (article 501 et loi du 16 mars 1893). Mais enfin ce ne sont pas là les vrais actes de l'état civil, ceux que la tradition et l'usage appellent de ce nom, les fondamentaux. Même inscrits ou mentionnés sur les registres de l'état civil, ils ne sont pas soumis aux règles générales du titre II.

Il y a une raison historique qui explique cette limitation à trois actes du nom d'actes de l'état civil, au sens propre et précis de l'expression. Antérieurement à 1792, les actes de l'état civil ont été reçus dans les paroisses par les curés ou desservants. C'est à la pratique de ce temps qu'est due la coutume qui a survécu de ne considérer comme actes de l'état civil que les actes de naissance, de mariage et de décès. En effet, les ministres du culte n'intervenaient qu'à propos

de ceux-là, parce que c'était seulement à propos de la naissance, du mariage et de la mort que la religion intervenait par le baptême, le mariage et le service religieux des obsèques; les actes constatant l'accomplissement de ces trois cérémonies religieuses furent regardés comme constatant en même temps les naissances, mariages et décès. L'usage s'est maintenu. Les registres de l'état civil ne sont établis que pour ces actes.

On pourrait utilement généraliser l'emploi de ces registres, qui n'ont certainement pas aujourd'hui toute l'utilité pratique dont ils sont susceptibles, en y centralisant tous les faits relatifs à l'état des personnes et les actes constatant ces faits. Il en a été souvent question. Plusieurs propositions ont été déposées en ce sens à la Chambre des députés, en 1883, 1885 et 1887. Elles demandent l'institution d'un casier civil, qui serait tenu avec fixité à un endroit déterminé et où seraient centralisés tous les faits, aujourd'hui disséminés un peu partout, qui sont relatifs à l'état des personnes et que les tiers peuvent avoir intérêt à connaître. Ce n'est pas l'état actuel des choses. Du reste nous retrouverons plus loin cette idée du casier civil1.

En résumé, il y a un assez grand nombre d'actes relatifs à l'état des personnes. Tous, en un sens, sont des actes de l'état civil; trois seulement forment les actes de l'état civil ordinaires, courants, fondamentaux: c'est d'eux que le titre II s'occupe sous le nom d'actes de l'état civil.

94. Passons maintenant aux détails. Ils sont très nombreux. Nous allons d'abord réunir les règles communes aux actes de l'état civil en général, c'est-à-dire aux trois actes fondamentaux; c'est l'objet du premier chapitre du titre II. En second lieu, nous signalerons rapidement les règles spéciales à chacun des trois actes de naissance (chapitre II), de mariage (chapitre III), de décès (chapitre IV). En troisième lieu, nous noterons, plus rapidement encore, quelques règles applicables aux actes reçus dans certaines conditions exceptionnelles à l'étranger, en mer, pendant une expédition militaire (chapitre V). En quatrième lieu, nous parlerons de la rectification des actes de l'état civil (chapitre VI). Enfin nous nous occuperons de la force probante des actes de l'état civil. quant aux faits qu'ils constatent; c'est l'objet des articles 45 et 46.

1. Infrà, p. 177, note 1.

CHAPITRE I

RÈGLES COMMUNES AUX ACTES DE L'ÉTAT CIVIL
EN GÉNÉRAL.

95. Elles sont énoncées au chapitre I du titre II (articles 34 à 54). Elles sont relatives: 1° aux personnes qui concourent à la rédaction des actes de l'état civil, - 2° à la tenue des registres de l'état civil.

SECTION I.

--

Des personnes qui interviennent dans la rédaction des actes de l'état civil.

96. Il y en a trois : l'officier de l'état civil, les comparants ou déclarants, les témoins. Précisons le rôle et les attributions de chacun d'eux.

A. L'officier de l'état civil.

97. Jusqu'en 1792, les trois actes fondamentaux de l'état civil ont été reçus dans les paroisses par les curés ou desservants. Les registres des paroisses eurent ainsi,dans l'ancienne France,un rôle civil. On profita de leur existence, ce qui fut un progrès considérable, pour écarter en ces matières la preuve testimoniale, antérieurement admise et qui livrait à l'incertitude les faits de l'état civil. Diverses ordonnances des XVIe, XVII et XVIII° siècles posèrent les règles à l'observation desquelles était subordonnée la force probante des actes inscrits sur ces registres'; les actes de cette époque, régulièrement reçus, conservent aujourd'hui encore leur caractère officiel et font légalement preuve des naissances, mariages et décès.

1. Ordonnances de 1539, 1579, 1667, 1736, 1782. Voy. Viollet, Histoire du droit civil français, p. 462 et suiv.

Ce régime dut nécessairement être changé après 1789. L'intervention du clergé dans les actes de la vie civile suppose l'existence d'une religion d'Etat et même d'une religion d'Etat exclusive de toute autre. Si on admet la liberté de conscience et de culte, comment feront ceux qui appartiennent aux cultes dissidents ou qui s'éloignent de tout culte quelconque? La difficulté était apparue à la fin du XVIe siècle, après l'édit de Nantes (1598), qui accorda aux protestants la liberté de leur culte; ils furent alors autorisés, par imitation de ce qui était admis pour les catholiques, à faire constater leur état civil par les ministres de leur culte. Elle apparut bien plus grave, car elle devenait insoluble, un siècle plus tard, après la révocation de l'édit de Nantes (octobre 1685); les protestants furent placés dans l'alternative d'abjurer ou de n'avoir pas d'état civil, ce qui compromettait la régularité légale des unions, la légitimité des enfants et tous les droits en découlant. Cet état de choses, inique au premier chef, dura plus d'un siècle. A la fin du XVIIIe siècle, ce fut une question brûlante que celle de l'état civil des protestants. C'est à Louis XVI que revient l'honneur de le leur avoir rendu : l'ordonnance du 18 novembre 1787 chargea les officiers de justice de dresser les actes concernant les non-catholiques.

Ce régime ne devait être que transitoire. La séparation du spirituel et du temporel est un des principes essentiels du droit moderne. La loi doit être telle que toute personne puisse en invoquer ou en suivre les prescriptions, quelle que soit sa croyance, dont l'autorité civile n'a pas à s'enquérir parce qu'elle doit à toutes les croyances un égal respect. Conséquemment, les actes de la vie civile ne peuvent être constatés que par des personnes purement civiles, neutres par là même dans les questions de dogme et de culte, auxquelles tous indistinctement puissent recourir, sauf à faire ensuite séparément ce que leur dictent leurs croyances.

De là les dispositions du droit intermédiaire, qui ont, suivant l'expression reçue, sécularisé l'état civil. Le principe de cette sécularisation fut posé par la Constitution de 1791 : « Le pouvoir législatif, dit l'article 7 du titre II, établira pour « tous les habitants sans distinction le mode par lequel les << naissances, mariages et décès seront constatés ; il désignera les officiers publics qui en recevront et conserveront les

<«< actes. » C'est ce que fit la loi du 20 septembre 1792 sur l'état civil, dont le Code a suivi les règles générales. L'article 1 porte « Les municipalités recevront et conserveront « à l'avenir les actes destinés à constater les naissances, ma«riages et décès. » Aux termes de l'article 2, le conseil de la commune devait désigner un ou plusieurs de ses membres pour remplir ces fonctions; la loi du 28 pluviose an VIII sur l'organisation administrative de la France les a confiées aux maires et adjoints qui les ont conservées depuis.

Ils relèvent, pour cette partie de leurs attributions, du pouvoir judiciaire et sont appelés officiers de l'état civil. Ils ont mission de constater, en présence de témoins, les faits concernant l'état civil des personnes, faits qui sont portés à leur connaissance par les comparants ou déclarants. A cet effet, ils sont chargés de tenir les registres et de dresser les actes de naissance, de mariage et de décès. Quant aux ministres des différents cultes, ils sont autorisés à tenir des registres particuliers pour la constatation des faits religieux : baptêmes, mariages, décès; mais ces actes, depuis 1792, sont sans force probante dans la vie civile.

Les officiers de l'état civil sont en outre chargés de faire les publications de mariage (article 63), de procéder à la célébration des mariages (articles 75 et 165), de recevoir les reconnaissances d'enfants naturels (article 62); ces reconnaissances peuvent d'ailleurs être reçues par d'autres que par les officiers de l'état civil, ainsi qu'on le verra sous l'article 334.

98. Notons à ce propos quelques innovations du droit moderne. D'après la loi municipale actuellement en vigueur, celle du 5 avril 1884, le maire seul, en principe, exerce les fonctions d'officier de l'état civil, comme ila seul l'administration de la commune; mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal (article 82). En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoints, par un conseiller municipal désigné par le conseil, sinon pris dans l'ordre du tableau (article 84). Enfin, dans le cas où

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